L'urgence de rééquilibrer l'écosystème télévisuel français

SÉRIE D'ÉTÉ - Contenus TV 4/4 | Dans un secteur de la télévision qui se transforme à grande vitesse sous la poussée des plateformes OTT de type Netflix ou Amazon Prime Video, les groupes de télévision traditionnels cherchent la parade. Sur le plan institutionnel, l'écosystème plaide pour une mise en oeuvre rapide de la future loi sur l'audiovisuel et une transposition urgente de la directive SMA.
(Crédits : DR)

Avec 4.000 entreprises et un chiffre d'affaires global de l'ordre de 3 milliards d'euros selon le CSA, les chiffres de l'audiovisuel français sont loin d'être négligeables. Mais face à la concurrence des plateformes de SVOD, étrangères notamment, et de l'OTT, ils deviennent modestes.

« Sur les 5 dernières années, les contributions cumulées de l'ensemble des services à la création ont représenté 6 milliards d'euros, soit 4 milliards pour l'audiovisuel et 2 milliards pour le cinéma. C'est l'investissement annoncé par Netflix pour la seule année 2018 », a ainsi rappelé la membre du CSA Nathalie Sonnac lors du colloque des 30 ans du CSA qui s'est tenu le 19 juin dernier à la Maison de la Radio.

Pour le secteur audiovisuel français, régi depuis 30 ans par la loi sur l'audiovisuel de 1986, la principale évolution à l'œuvre, c'est l'accès délinéarisé aux contenus. La concurrence des géants du net a fragilisé le marché.

« Les nouveaux entrants, qui deviennent désormais anciens, bénéficient d'asymétries réglementaires et fiscales qui remettent en cause l'équilibre de l'écosystème », souligne Nathalie Sonnac.

Comme les autres professionnels, elle plaide pour une entrée en vigueur prochaine de la nouvelle loi sur l'audiovisuel et une transposition rapide de la directive européenne SMA (services de médias audiovisuels).

Transposable dans les lois nationales avant septembre 2020, cette réforme prévoit l'application des règles du pays de destination en matière de financement de la création pour les plateformes VOD, établies en France ou à l'étranger. En clair, Netflix, basé à Amsterdam mais diffusant en France, devra appliquer les obligations françaises d'investissement dans la production cinéma et audiovisuelle. Un minimum de 30% d'oeuvres européennes devra aussi être inclus dans les catalogues.

Notion d'indépendance et de valeur

Pour les diffuseurs et les producteurs, l'enjeu est crucial : le numérique a engendré le risque d'une dissonance de régulation entre les acteurs historiques et les nouveaux entrants.

« Le numérique a créé beaucoup d'opportunité, pour l'exportation des œuvres ou l'émergence de nouveaux talents », a reconnu le producteur Emmanuel Chain, co-fondateur d'Elephant Groupe, détenu à 51% par Webedia.

« La transposition de la directive SMA va permettre d'amener de nouveaux publics vers tous les écrans, d'accompagner les auteurs et favoriser la circulation des œuvres. Enfin de défendre et promouvoir la culture de la production (innover, investir, développer), et pas seulement celle de la diffusion qui consiste à empêcher que le meilleur projet aille à la concurrence. »

Cette transposition s'inscrit dans le cadre du projet de loi sur l'audiovisuel qui sera sur la table du Conseil des ministres d'ici à la fin octobre, et en débat à l'Assemblée nationale au plus tard en janvier 2020. La future loi préparée par le gouvernement entend répondre aux défis des transformations en cours dans le secteur et aux enjeux de réglementation, de financement de la création par les entreprises du numérique, de soutien à la création, de lutte contre le piratage, de régulation (rapprochement CSA/Hadopi, coopération avec le gendarme des télécoms l'Arcep). Le projet vise aussi, selon les mots du Premier ministre Edouard Philippe, à « réaffirmer le rôle et les missions de l'audiovisuel public dont les transformations s'exercent dans un cadre financier contraint » (190 millions d'euros d'économies à horizon 2022, dont 160 millions d'euros pour France Télévisions).

M6 en faveur d'une évolution par décret

Face aux acteurs internationaux, producteurs et diffuseurs français attendent, pour leur part, que la future loi soutienne la notion d'indépendance et de valeur. Toutefois, leur vision de l'indépendance et de maîtrise des droits ne s'accorde pas toujours : les diffuseurs recherchant de plus en plus d'exclusivité.

« Aujourd'hui, la production dépendante avec maîtrise totale des droits est une priorité des diffuseurs. L'obligation de production devient une nécessité et un atout », analyse Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la Culture, de l'Education et de la communication du Sénat.

Le groupe M6 attend pour sa part un changement du pourcentage autorisé de production dépendante, et une redéfinition de l'indépendance ne la limitant pas à l'absence de détention de part capitalistique. Devant l'association des journalistes médias, Nicolas de Tavernost, son président du directoire, a estimé le 27 juin, que ces évolutions pouvaient se prendre par décret, de même que la levée des jours interdits pour les films et la publicité TV.

« Ce projet de loi aborde des problèmes lourds (audiovisuel public,fusion des régulateurs) qui ne concernent pas les entreprises privées. C'est un prétexte à ne pas prendre de mesures. Pendant ce temps-là, Netflix fait 10.000 abonnés par jour », a-t-il asséné.

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VIDEO Voir le Colloque des 30 ans du CSA

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Commentaires 5
à écrit le 27/07/2019 à 11:10
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Beaucoup de "chaîne" pour pas grand chose, le seul moteur est "l'occasion d'être vu" de la pub et leur idéologie européiste qui peine toujours a convaincre quand on revient a la réalité!

à écrit le 26/07/2019 à 15:48
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Les chaînes nationales ne sont pas objectives, elles cirent les bottes du pouvoir et ne critiquent que l'étranger (Russie, UK, Italie, Trump, ...). Les divertissements sont calamiteux, et c'est toujours les mêmes têtes (copains des copains avec des r...

à écrit le 26/07/2019 à 11:35
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VAE VICTIS ! Le (quasi) monopole doit sauter !

à écrit le 26/07/2019 à 11:25
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L'enjeu, c'est les contenus. Nivellement par le bas à force de séries aux nombreuses saisons dont l'affligeance n'a d'égale que la médiocrité, conjointement pourrie par la publicité. Le maelstrom du numérique, des GAFA, à l'IA, au Web, à la Blockch...

à écrit le 26/07/2019 à 8:59
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Ma compagne adore une certaine série mais ne peut pas la suivre car d'une durée de 45 minutes celles ci passent à près d'une heure du fait de la publicité. LE support télévisuel est préhistorique face à un internet qui propose tout tout le temps ...

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