La télévision française à l'assaut du tout numérique

SÉRIE D'ÉTÉ - Contenus TV 2/4 | Dans un marché de la télévision qui se transforme à grande vitesse sous la poussée des plateformes OTT de type Netflix ou Amazon Prime Video, les groupes de télévision traditionnels cherchent la parade. La transformation numérique et la « plateformisation» des contenus est un facteur clé. Avec TF1 et M6, France Télévisions concocte la plateforme Salto. Demain, ses programmes jeunesse passeront aussi sur le numérique.
(Crédits : DR)

En 2018, les abonnements aux contenus vidéo OTT représentaient seulement 3% des recettes audiovisuelles en France, sur un marché qui se chiffrait à près de 14 milliards d'euros. Si, comme l'indique le cabinet Ampere Analysis à Londres, le marché français de l'OTT est à la traîne par rapport aux pays scandinaves, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les abonnements digitaux y sont toutefois en forte croissance. Avec chose nouvelle, une proportion plus forte de nouveaux abonnés de 55 à 64 ans, alors que la cible des early adopters de 18 à 24 ans arrive à saturation.

Pour les plateformes, cette évolution représente un défi en termes de diversité de catalogue (plus de documentaires, de reportages.) Pour les diffuseurs locaux traditionnels, qui entendent eux aussi surfer sur la vague de l'OTT, c'est peut-être une opportunité. Pour rester dans la course, tous investissent dans le développement numérique de leurs activités.

Outre la refonte en juin de son site de replay MyTF1 (24 millions d'inscrits, 40 nouvelles séries proposées soit 2 500 épisodes) en une plateforme financée par la publicité 100 % vidéo (AVOD), le groupe TF1 fait front commun avec France Télévisions et M6 sur le marché de la vidéo payante.

Salto ou le streaming à l'européenne

Le lancement d'une nouvelle plateforme VOD baptisée Salto, et sur laquelle l'Autorité de la concurrence rendra sa décision avant la fin de l'été, est attendu pour la fin de l'année. Objectif selon Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions :

« Constituer un champion français rayonnant dans le domaine des contenus. »

Proposée parallèlement à leurs chaînes gratuites, Salto diffusera des programmes télévisuels et des contenus exclusifs, en privilégiant les productions françaises et européennes. Ni Canal+, qui fait cavalier seul et a lancé en mars son offre de streaming Canal+ Séries (241 séries) ni OCS (1235 films et séries) ne sont du voyage.

Quant au budget annuel de Salto, 50 millions d'euros au grand maximum, il semble dérisoire face aux 15 milliards d'euros investis dans les contenus (économies d'échelle en sus) en 2019 par Netflix (5 millions d'abonnés en France). Le succès du service français dépendra de l'originalité de son offre avec des séries comme Dix pour cent, que l'on ne pourra plus retrouver sur Netflix, et de sa tarification.

« À travers ce nouveau service, les trois diffuseurs ambitionnent de générer des recettes grâce aux abonnements, tout en maîtrisant les droits sur leurs contenus au-delà de la fenêtre de diffusion initiale », souligne Léa Cunat, analyste chez Ampere Analysis.

Délinéarisation de France 4 : l'effet pervers ?

Dans ce marché audiovisuel mouvant, la réussite des diffuseurs français dépend de plus en plus de leur capacité à nouer des partenariats et à produire des émissions susceptibles d'attirer une audience et des abonnés. Mais les investissements dans les contenus et le numérique poussent à faire des choix, en télévision payante (suppression de postes chez Canal+) comme en télévision gratuite. Restriction budgétaire oblige, la transformation numérique de France Télévisions va pousser les enfants vers les tablettes et les smartphones.

En décembre 2019, le lancement de la plateforme pour enfants Okoo anticipera l'arrêt en 2020 de la chaîne de la TNT France 4, qui assure la diffusion de 70% de l'offre jeunesse et d'animation en France (4.400 heures par an). Franck Riester, le ministre de la Culture, a confirmé cette décision du gouvernement le 12 juillet dernier (France Ô aussi concernée), malgré la demande de moratoire émise par les professionnels.

France 4, qui réunit plus de 1 million de 4-14 ans chaque jour devant leur poste, vivra exclusivement en mode non-linéaire, donc dépendant de la couverture inégale du territoire en très haut-débit. Le groupe public, qui prévoit de renforcer l'exposition des programmes jeunesse sur France 5 et France 3, devra faire en sorte de ne laisser aucun enfant au bord de la route , y compris ceux vivant dans des zones mal ou peu connectées ou issus de foyers modestes peu équipés en appareils connectés.

« Nous n'aurons rien réussi si nous perdons la génération qui vient. Cette offre a vocation à devenir la plateforme de référence gratuite pour les 3-12 ans avec un catalogue de 5.000 titres », a ambitieusement lancé Delphine Ernotte le 18 juin dernier lors de la conférence de rentrée de France Télévisions.

Aux professionnels de l'animation qui craignent la baisse du nombre d'heure de programmes jeunesse diffusées par le service public, France Télévisions rappelle que le groupe investira 32 millions d'euros jusqu'en 2022, contre 30 millions d'euros jusqu'à présent. Sans la puissance d'une chaîne hertzienne, la jeune plateforme Okoo fera-t-elle le poids face à l'autre chaîne de la TNT gratuite Gulli et demain face à l'offre payante Disney+ ?

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Commentaire 1
à écrit le 24/07/2019 à 8:57
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"Constituer un champion français rayonnant dans le domaine des contenus" QUand on voit comme l'audiovisuel français est en majeur partie envahi de l'oligarchie culturelle française, acteurs, chanteurs, animateurs et autres réalisateurs, ben les g...

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