5G  : les opérateurs restent dans une profonde incertitude

Si le régulateur des télécoms a dévoilé jeudi les règles du jeu de la vente des fréquences dédiées à la prochaine génération de communication mobile au opérateurs, le prix minimum que l’Etat souhaite en retirer n’est toujours pas connu. En outre, le gouvernement sème toujours autant le doute sur la participation de l’équipementier chinois Huawei au marché français de la 5G.
Pierre Manière
Pour boucler leurs plans d'investissements et savoir combien ils consacreront aux achats de fréquences, les opérateurs pressent le gouvernement de leur dire si Huawei sera - ou pas - autorisé en France.
Pour boucler leurs plans d'investissements et savoir combien ils consacreront aux achats de fréquences, les opérateurs pressent le gouvernement de leur dire si Huawei sera - ou pas - autorisé en France. (Crédits : Rafael Marchante)

L'arrivée de la 5G en France, prévue dans le courant de l'année prochaine, n'est pas un long fleuve tranquille. La manière dont l'Arcep a levé le voile ce jeudi sur la procédure d'attribution des fréquences dédiée à cette nouvelle génération de communication mobile aux opérateurs en témoigne. Le régulateur des télécoms a confirmé que la vente des 310 MHz de la bande des 3,4 à 3,8 GHz, prévue au printemps prochain, se déroulera en deux temps. Les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free pourront acquérir à prix fixe des blocs de 50 MHz. Les 110 MHz restants seront mis aux enchères par blocs de 10 MHz, avec un prix minimal. Chaque opérateur ne pourra, au total, acquérir plus de 100 MHz. Reste que ces modalités ont été communiquées sans une information cruciale : le prix de réserve global que l'Etat souhaite retirer de cette vente.

A ce sujet, le grand flou demeure. En juin dernier, Bercy affirmait que ce prix « devrait être plus proche de 1,5 milliard d'euros que de 3 milliards d'euros ». La fourchette reste grande, et n'a pas bougé depuis. Ce montant revêt une grande importance. En ces temps de disette budgétaire, l'Etat peut être tenté de maximiser les recettes de cette vente de fréquences. Mais si les opérateurs déboursent beaucoup d'argent pour ces actifs, ils auront mécaniquement moins de moyens pour déployer la 5G à travers l'Hexagone.

Risques pour la concurrence

Jusqu'à présent, l'exécutif a multiplié les messages laissant entendre qu'il ne se montrerait pas trop gourmand. Mais beaucoup en doutent. A commencer par l'Arcep. Dans son communiqué précisant les modalités d'attribution des fréquences, l'autorité précise noir sur blanc qu'elle militait pour des blocs à prix fixe de 60 MHz. Or « le gouvernement a privilégié une taille de bloc de 50 MHz », souligne l'institution. Cet arbitrage n'est pas neutre. Il pourrait pousser les quatre opérateurs à s'écharper lors des enchères prévues dans la deuxième partie de la procédure d'attribution. Ce qui pourrait faire grimper fortement les prix.

Dans un entretien au Figaro, ce jeudi, Sébastien Soriano, le président de l'Arcep, a souligné les risques de cette décision. « Avec des blocs de 50 MHz, pour un total de 310 MHz, le risque est de voir un opérateur obtenir deux fois plus de fréquences qu'un autre », alerte-t-il. En clair, Orange et SFR, qui ont les poches plus profondes que Bouygues Telecom et Free, pourrait se tailler la part du lion. Dans un tel scénario, ils seraient in fine en mesure de proposer un service 5G bien plus performant que celui de leurs rivaux. Ce qui, selon Sébastien Soriano, pourrait chambouler la dynamique concurrentielle sur le marché français. « Il ne faut pas oublier la forte baisse des prix issue de la concurrence entre les quatre opérateurs télécoms qui a permis de rendre du pouvoir d'achat aux Français », insiste le chef de file de l'Arcep.

Quid de la participation de Huawei ?

A ce sujet, Bouygues Telecom et Free militaient aussi avec force, depuis des mois, pour des blocs de 60 MHz - un minimum indispensable, selon eux, pour fournir un service 5G acceptable. Le gouvernement en a décidé autrement. Dès lors, Sébastien Soriano juge qu'un prix de réserve de 1,5 milliard d'euros constitue « un grand maximum » pour que les quatre opérateurs puissent batailler de manière équitable lors des enchères.

L'autre sujet qui mine les opérateurs concerne la participation de Huawei, qui fait l'objet de soupçons d'espionnage pour le compte de Pékin, au marché français de la 5G. Interrogé par La Tribune, Arthur Dreyfuss, le chef de file de la Fédération française des télécoms, le lobby du secteur en France, n'y va pas par quatre chemins. « Nous attendons des clarifications indispensables à la poursuite du process », affirme le dirigeant, qui est également secrétaire général de SFR. Les opérateurs ont grand besoin de savoir si Huawei sera autorisé, et dans quelles proportions, à vendre ses équipements et antennes 5G en France. L'enjeu est important pour SFR et Bouygues Telecom, qui utilisent déjà des équipements du géant chinois dans leurs réseaux mobiles actuels.

Il l'est aussi pour Orange. L'opérateur historique ne recourt pas, pour l'heure, aux services de Huawei dans l'Hexagone. Mais une éventuelle interdiction - ou une très forte limitation - du groupe chinois ne serait pas sans conséquence. Cela lui donnerait moins de marge de manœuvre pour négocier favorablement le prix de ses équipements 5G auprès de Nokia et d'Ericsson, les deux équipementiers télécoms restants. Autrement dit, le prix du déploiement de la 5G ne sera clairement pas le même avec ou sans Huawei. Le montant consacré par les opérateurs aux achats de fréquences non plus.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 23/11/2019 à 12:30
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Le déploiment de la 5G nécessite un pylone d'emission tous les 900m. Les opérateurs disent que pour un maillage correct sans interférence il faut une bande de 60 Mhz. Mais le gouvernement s'en moque de la technologie et décide 50 Mhz. La taxe envisag...

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