Pourquoi taxer les revenus du capital comme le travail est une absurdité

Faut-il taxer à l'identique les revenus du capital et les revenus du travail ? On savait l'idée populaire chez les socialistes, voici qu'elle gagne les rangs d'une majorité en recherche désespérée de nouvelles recettes fiscales. Pour Alain Madelin, ancien ministre, Il s'agit d'une absurdité.
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L'idée suscite d'autant plus la tentation que les écarts d'imposition entre revenus du travail et revenus du capital font que l'impôt des plus riches apparaît en fait comme dégressif compte tenu de la part plus importante pour eux des revenus du capital (et aussi de l'existence de multiples niches fiscales).

Car c'est un fait : le capital se capitalise et l'effet de la loi des intérêts composés dans la reconstitution de fortunes privées est aujourd'hui d'autant plus redoutable que le capital n'est plus détruit par les guerres ou l'inflation et que la population vieillit. Il y a pourtant de multiples raisons pour que travail et capital fassent fiscalité à part.

1. C'est le capital qui fait le revenu du travail

Le capital productif est un élément essentiel de la productivité dont dépend le niveau général des revenus du travail. Même si la productivité du coiffeur de Neuilly et de Dakar est la même, le prix de la coupe de cheveux et le revenu du coiffeur dépendent du niveau de capital de la société. La part respective du travail et du capital dans la production de richesse est d'ailleurs toujours de l'ordre de deux tiers/un tiers sur longue période et cela quels que soient les pays (73/27 en France aujourd'hui).

2. Le revenu du capital est le revenu d'une indispensable épargne productive

Si le mot « capital » a mauvaise presse, celui « d'épargne » est positif. À juste titre car de tout temps, le comportement d'épargne est apparu comme moral. L'accumulation patrimoniale et la transmission entre générations permettent de nourrir une épargne de long terme investie dans le secteur productif et donc féconde pour l'ensemble de la société.

3. Le « revenu du capital » est un « revenu du travail » épargné qui a déjà payé l'impôt

À cette première taxation s'ajoutent les impôts relatifs à l'activité économique dans laquelle le capital est employé à l'instar de l'impôt sur les sociétés qui frappe les bénéfices avant leur distribution en dividendes. Ce n'est pas pour autant que les revenus du capital doivent être exemptés d'impôts, mais cela explique la spécificité des impôts qu'on leur applique.

4. Un impôt sur le capital n'est pas le plus souvent supporté par celui qui le paie

Sa répercussion réelle est difficilement prévisible. Maurice Lauré dans son magistral « Traité de politique fiscale » a montré comment « l'économiquement fort » en rejette la charge sur « l'économiquement faible ». Ainsi une augmentation apparente d'un impôt sur le capital peut être, in fine, supportée par le travail, le locataire ou l'acquéreur d'un bien immobilier.

5. Une imposition trop forte du rendement du capital peut ruiner le capital

Car à la différence du travail, le rendement du capital s'inscrit dans le temps et une partie de l'enrichissement obtenu est fictif du fait de l'inflation. Ainsi avec une inflation à 2 %, un capital qui rapporte 3 %, c'est-à-dire avec un revenu réel de 1 %, un prélèvement de 31,3 % (19 % de fiscal et 12,3 % de social) représente en fait un impôt de 93,3 % sur le revenu net réel ! Tout ceci explique la spécificité - et aussi l'extrême complexité - de notre système de taxation du capital avec ses encouragements fiscaux de l'épargne vers telle ou telle affectation (encourager les obligations d'État, les placements dans les PME, la propriété immobilière...), ses très nombreux produits à fiscalité spécifique (épargne réglementée, assurance-vie, épargne salariale, épargne logement...), et le cortège d'abattements, d'exonérations et de prélèvements libératoires.

6. Compte tenu de la concurrence fiscale, augmenter la fiscalité du capital serait irresponsable

Nous vivons dans un monde ouvert où le capital est largement mobile et l'économie française a d'immenses besoins de capitaux. Or déjà, globalement, les prélèvements sur le patrimoine se situent à l'un des niveaux les plus élevés d'Europe. Ils n'ont d'ailleurs cessé d'augmenter depuis dix ans comme l'a noté le Conseil des prélèvements obligatoires rattaché à la Cour des comptes. Avec 31,3 %, nous avons le record européen d'imposition des plus-values. Il n'est qu'à observer l'exil fiscal des entrepreneurs français en Belgique - où les plus-values ne sont pas taxées - à la veille de la cession de leur société pour comprendre à quel point il serait déraisonnable de porter cette taxation à plus de 50 %, comme on le propose parfois, au prétexte d'aligner la fiscalité du travail et du capital. Voudrait-on taxer également les revenus du travail et les revenus du capital qu'il faudrait alors s'orienter vers un impôt sur la dépense - « à dépense égale, impôt égal » - retenant comme matière fiscale le revenu moins l'épargne (le voilà qui permettrait en outre aux capitaux de pouvoir changer librement de mains et d'emploi pour être orientés là où ils sont le plus rentables).

 

Derrière la question d'une prétendue sous-imposition du capital se pose celle de notre sur-imposition du travail. Celle encore d'une extension populaire des bénéfices du capital au travers de vrais fonds de pension ouverts à tous les Français. Celle aussi de notre croissance molle qui met les salaires en berne et exacerbe la question des inégalités. Celle enfin, si l'on veut réduire les trop grandes inégalités de fortune, des droits de succession. Sous réserve de préserver les entreprises familiales, la taxation des transmissions n'est pas répercutable sur d'autres et elle ne pénalise pas la création de richesse et est le plus souvent socialement comprise et acceptée.

Commentaires 31
à écrit le 11/11/2012 à 13:52
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Taxer les revenus du capital est une nécessité urgente aujourd'hui. Quelque soit l'endroit de la taxe, bien sûr cela est une contrainte pour les individus et les entreprises. Une contrainte nécessaire au financement de l'Etat. En étouffant les revenu...

à écrit le 27/10/2011 à 13:54
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je pense que l'analyse de Madelin est pertinente. Toutefois l'accumulation de capital ne résulte pas toujours du travail, mais de la plus foncière. Dans ce cas précis il n'y a pas création de richesse, donc impossibilité d'épargner sur le fruit du tr...

à écrit le 27/10/2011 à 9:05
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Tout dépend de quel revenus on parle.Les divdiendes et revenus fonciers sont imédiats alosr que les plus values mobilières ou immobilières peuvent être étalés sur plusieurs années et donc avoir subit l'inflation.

à écrit le 17/07/2011 à 16:46
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Alain Madelin a raison le capital s obtient par le travail qui est deja lourdement taxé c est donc une double peine que d augmenter les taxes sur les revenus du capital.Ce sont les Belges et les Suisses qui se rejouissent de la fiscalité archaique so...

à écrit le 01/03/2011 à 9:15
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D'accord avec Alain Madelin. Les problèmes viennent de la spéculation et de l'avidité cupide des établissement financiers. C'est là qu'il faut avoir le courage d'intervenir. Une surtaxation des plus values à court terme aurait pour conséquence de fa...

à écrit le 28/02/2011 à 13:29
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Il vantait tout : l'ultralibéralisme, la liberté des marchés, des entreprises,la rigueur... il voyait en l'auto-régulation le meilleur des Mondes ! et vous écoutez encore celui qui se "prend pour un prophète du libéralisme" y'a eu 2008 ! la faillite...

le 28/02/2011 à 23:40
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Mimosa vous etes touours à coté de la plaque. Votre ignorance du fonctionnement de l'économie de marché dans laquelle nous vivons tous, et à désespérer. Votre caricature du libéralisme humaniste en "ultra libéralisme" ne prend plus. Le libéralisme a ...

le 07/03/2011 à 2:02
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"Votre caricature du libéralisme humaniste en "ultra libéralisme" ne prend plus" ... elle ne prend que trop bien ... et s'appuie sur des faits. Quand le libéralisme (le laisser faire) s'arrête aux portes des banques qui ont fait ou "laisser faire" ...

à écrit le 28/02/2011 à 9:50
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tres bon article, qui expose bien le fond du pb. A lire de meme sur le figaro l'article de Pascal salin tres bien fait. réponse à "justice" : votre pseudo vous va tres mal, aveugle et borné vous va mieux.

à écrit le 27/02/2011 à 11:15
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incompréhensible, comment voulez vous que ce genre de personnes soit reconnu comme d'intérêt général pour le citoyen français alors que pas une de ses phrases n'est intelligibles. c'est tellement simple de parler de mots compliqués, pour nier la si...

le 28/02/2011 à 7:56
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à "gboule" : Ce n'est pas parce que vous n'avez pas compris que le discours de Monsieur Madelin est absurde. Au contraire il a parfaitement raison et c'est très clair. Si justement il n'y avait pas autant de charges aussi bien sur les salaires que su...

le 07/03/2011 à 2:11
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@Libre ... un peu de mémoire STP, juste deux ans suffira ... bientôt tu va nous revendre des actions Lehman Brothers ... Le libéralisme ne fonctionne pas mieux que le communisme ... Moi j'ai une idée pour alléger les charges et impôts des Français: q...

le 08/03/2011 à 19:32
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@révolution: Les banques ont déjà remboursé avec intérêt l'argent de l'Etat français. "Le libéralisme ne fonctionne pas mieux que le communisme": le capitalisme libéral a juste été ce qui a sorti le plus de gens de la misère. Eh oui, quand on empêche...

à écrit le 26/02/2011 à 17:16
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Madelin récite son cathéchisme et se contente d'énoncer des affirmations gratuites, mais ne démontre rien (voir son exemple inepte du coiffeur, notamment). On voit qu'il n'est ni économiste ni scientifique, mais ancien de la bande de la rue d'Assas.

le 26/02/2011 à 18:08
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La rue d'assas , on était heureux !

le 28/02/2011 à 8:44
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à "cathéchisme". Contrairement à vos dires les propos de Monsieur Madelin s'appuie sur le libéralisme issu de Messieurs Tocqueville et Bastiat. Celles ci ont fait leurs preuves depuis forts longtemps dans le monde, sauf en France ou l'état est archi ...

à écrit le 26/02/2011 à 16:42
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cela n'a rien d'une absurdité, d'autant que les capitaux sont souvent le fruit de biens mal acquis ou injustement acquis ou encore transmis par succession pour la majorité des capitalistes ce n'est pas le fruit de leur travail mais du travail des aut...

le 28/02/2011 à 8:49
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à "justice". C'est bien la le fond du probléme. Tous les collectivistes et jaloux de votre espèce estiment que les capitaux des autres ont été mal acquis. En fait pour vous l'argent est sale, surtout celui des autres. Et bien non messieurs le collect...

le 07/03/2011 à 2:17
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@Libre "les richesses créée par les entrepreneurs, les courageurs et les ambitieux ne sont pas mal acquises, car il participent à donner du travail à ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas créer leurs propres emplois" Et la vente sur les marchés fin...

le 08/03/2011 à 19:38
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@révolution: pour la vente des titres de créances, l'Etat fédéral américain y est très fortement responsable, étant donné que le Community Reinvestment Act oblige les banques américains à prêter aux insolvables, que les réglementations foncières malt...

à écrit le 26/02/2011 à 13:48
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Bravo Madelin , bravo LA TRIBUNE , il faudrait essayer de propager ces idées .

le 26/02/2011 à 20:08
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C'est déjà fait depuis 30 ans (Thatcher, Reagan, Bush, Madelin, Cameron , etc ...) ... et d'ailleurs on en a marre ... le paradis anglo-saxon c'est transformé en merdié mondial .... continuons comme si de rien n'était avec Madelin

le 28/02/2011 à 7:58
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à "Tonio". Ah bon c'est donc de leurs fautes si c'est, je cite "le merdier mondial" ? De quoi parlez vous exactement ? Je vous signale que le monde libre a du lutter contre le communisme depuis des décennies, et que ce n'est pas encore fini, donc s'i...

le 07/03/2011 à 2:21
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Les subprimes !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! c'est quoi ? Le Communisme est une Utopie , le libéralisme AUSSI (le marché se régule tout seul blablabla), Lehman Brothers, Maadhof , tous des chantres du libéralisme !!

à écrit le 26/02/2011 à 10:16
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Enfin un politique qui analyse bien notre système fiscal, dommage il n'est pas au gouvernement.

à écrit le 26/02/2011 à 10:08
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Enfin quelqu'un qui fait montre d'intelligence. Comment ne pas être d'accord avec des idées frappées au coin du bon sens. Bravo à Monsieur Madelin.

le 26/02/2011 à 20:14
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Il disait quoi au sujet des Subprimes, ces fameux produits financiers complexes synonymes de la réussite du système financier Anglo-saxon ??? Qu'il fallait en acheter , ou bien mieux les mettre en place en France ???

le 28/02/2011 à 10:07
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C'est faux en aucun ce n'était synonyme de la réussite de quoiq ue ce soit, et Madelin n'a rien à voir la dedans. Je vois que vous êtes coutumier des amalgames orientés collectivistes. Je vous signale que c'est à cause de l'interventionnisme de l'éta...

le 07/03/2011 à 2:28
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Bush anti libéral !!!!! La bonne blague !! certes protectionniste a souhait en utilisant des pseudo doctrines libérales (pour faire plaisir a sa populasse) mais anti libéral faut pas déconner .... pourquoi pas Thatcher et Cameron Anti libéraux .... E...

à écrit le 26/02/2011 à 8:01
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bravo à Monsieur Madelin qui montre les incohérence de notre système fiscal et que l'impôt est devenu le tueur en série de la croissance économique.

le 28/02/2011 à 7:59
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Je suis bien d'accord avec vous !!

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