Les effets terribles de la pandémie jouent les prolongations. Selon la dernière note de conjoncture de l'Insee rendue publique ce mardi 17 novembre, le produit intérieur brut (PIB) de la France chuterait entre -9% et -10% en 2020. Après un plongeon historique au printemps et une saison estivale meilleure que prévu, l'hiver s'annonce morose. Le renforcement des mesures de restriction avec l'application du couvre-feu, d'abord dans les grandes métropoles puis dans les 54 départements, et le second confinement ont plombé tout espoir d'une reprise rapide et durable de l'économie.
Si le deuxième confinement est plus souple qu'au printemps, de nombreux secteurs risquent à nouveau de pâtir de la seconde vague de l'épidémie à l'automne et des fermetures administratives. "Le choc est moins brutal que celui du premier confinement. Après la sidération du premier confinement, c'est l'adaptation pour le second confinement " a expliqué le chef du département de la conjoncture à l'Insee, Julien Pouget, lors d'un point presse. En outre, si les annonces relatives au vaccin ont apporté des lueurs d'espoir, beaucoup de doutes et d'incertitudes planent sur l'efficacité de ces traitements, l'accès aux vaccins et le consentement des populations. "La perspective d'un vaccin, si elle se concrétise, suggère que l'horizon de fin de crise sanitaire pourrait se rapprocher" ajoute l'économiste.
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Un second confinement moins coûteux qu'au printemps
Les mesures de confinement décidées ces dernières semaines ont un impact économique moindre que celles annoncées au mois de mars dernier par le président de la République Emmanuel Macron. Ainsi, l'activité baisserait d'environ 4,5% au dernier trimestre selon le scénario médian établi par l'Insee contre -13,7% au second trimestre. Au mois d'avril, les pertes d'activité étaient vertigineuses (autour de -30%). Pour novembre, l'institut est plus optimiste. "La perte d'activité économique serait de 13%. au mois de novembre 2020 par rapport au mois de novembre 2019. Cette perte est bien moins importante que celle du mois d'avril (-30%). Pour le mois de décembre, les incertitudes demeurent très importantes" ajoute Julien Pouget.
Il évoque notamment un effet d'apprentissage. "Du côté de la production, le télétravail, ou, quand il n'est pas possible, la mise en place de protocoles sanitaires désormais relativement bien rodés, ainsi que l'ouverture des écoles, permettent une moindre contraction de l'activité économique. Du coté de la consommation, plus de commerce de détails sont restés ouverts et la vente à distance s'est développée mais ils sont néanmoins loin de compenser les pertes de consommation liées à la fermeture des activités et des commerces « non essentiels »" affirme Julien Pouget.
Les services fortement touchés
Les mesures de restriction lors du second confinement n'ont pas les mêmes répercussions sur l'économie hexagonale. Si au printemps, la plupart des secteurs avaient enregistré une baisse soudaine et brutale de l'activité, ce n'est plus le cas pour cet automne. En effet, les statisticiens expliquent que contrairement au printemps, beaucoup d'usines sont restées ouvertes, les chantiers dans le bâtiment se sont maintenus. "Cette crise depuis le déconfinement est marquée par de très forts contrastes sectoriels. Le degré d'exposition aux contraintes sanitaires détermine le degré dans lequel le secteur est touché" déclare Julien Pouget.
Dans le tertiaire, la situation est parfois critique. "En novembre, tous les secteurs sont concernés par des baisses d'activité mais moins qu'en avril. Les pertes les plus importantes sont dans les services, notamment dans l'hébergement restauration, les services aux personnes ou les transports. Dans d'autres services, certains secteurs sont moins touchés comme les activités financières" indique Olivier Simon de l'Insee. Au final, le tertiaire pourrait plomber la croissance trimestrielle de -8 points. Compte tenu du poids des services dans l'économie tricolore (79% en prenant en compte les services marchands et les services non-marchands), les conséquences de la crise risquent de se prolonger avec des dégâts considérables sur de multiples secteurs.
L'industrie et la construction limitent la casse
Les règles de confinement moins drastiques qu'au printemps ont permis à l'industrie de limiter la chute de l'activité estimée à -6% au dernier trimestre contre -23,2% entre avril et juin. Les entreprises de fabrication de matériel de transport sont particulièrement moins touchées (-11% contre -50,9% au pic du confinement). En revanche, les industries de cokéfaction et de raffinage restent durement touchées en cette fin d'année (-18% contre -17,3% au printemps. La contribution de l'industrie au produit intérieur brut est légèrement négative (-1 point) au dernier trimestre.
Dans la construction, les pertes sont plus limitées qu'au printemps (-31,2%). L'application rapide et brutale des mesures pour endiguer la propagation de cette maladie infectieuse avait provoqué une chute vertigineuse de l'activité sur les chantiers. Cet automne, les conjoncturistes de l'institut public estiment qu'il n'y aura pas de pertes d'activité dans ce secteur au dernier trimestre après une période très tendue depuis le printemps (-5,6% au T2 et -3% au T3). Enfin, dans l'agriculture, le manque à gagner est plus réduit (-1%). Les agriculteurs restent néanmoins soumis à de nombreux aléas sur la consommation en cette fin d'année avec la fermeture des restaurants et brasseries et la baisse des exportations à l'étranger. Au final, ces résultats hétérogènes indiquent que la reprise pourrait se faire en K avec des secteurs relativement épargnés et d'autres qui risquent de souffrir dans la durée.
Une consommation en berne
Après un printemps désastreux et un été au beau fixe, les indicateurs de la consommation flanchent à nouveau sous l'effet des mesures de restriction. Les données des transactions de carte bancaire et les indices de mobilité collectés par l'organisme basé à Montrouge mettent en relief une nouvelle inflexion de la consommation, pourtant moteur de l'économie française. Au mois d'octobre, avant l'entrée en vigueur du second confinement, la consommation des ménages aurai diminué, se situant à 4% en deça de son niveau enregistré au cours du quatrième trimestre 2019. "Le recul de la consommation en octobre proviendrait principalement de moindres dépenses d'hébergement et restauration, en lien avec les renforcements successifs des mesures de restrictions sanitaires" indiquent les auteurs de la note de conjoncture. "L'entrée en confinement a provoqué une baisse des transactions. Le recul de la consommation serait moins brutal qu'au printemps. La baisse serait moitié moindre qu'en avril (-15 novembre contre -30% en avril). On constate une hausse des ventes en ligne par rapport au printemps" ajoute Olivier Simon.
Pour la fin de l'année, les conjoncturistes sont plongés dans un brouillard très épais. Si les derniers chiffres de Santé Publique France signalent un ralentissement des hospitalisations, beaucoup d'incertitudes demeurent sur la période de Noël. Même si beaucoup de commerçants réclament l'ouverture de leurs enseignes au plus vite, le gouvernement est sur une ligne de crête délicate entre la préservation de l'économie et le contrôle de l'épidémie. Une réouverture généralisée et trop rapide pourrait à nouveau provoquer une flambée des contaminations en pleines fêtes de fin d'année. Ce qui anéantirait tout espoir de redresser la consommation au moment de cette période cruciale et déterminante pour le début d'année 2021. Surtout que le gouvernement veut à tout prix éviter un troisième confinement l'année prochaine comme l'a répété Bruno Le Maire lors d'une réunion téléphonique avec des journalistes mardi après-midi.