La réunion s'est tenue en visioconférence, risque de propagation du variant Omicron oblige. Alors que le gouvernement s'interroge sur une extension du pass sanitaire à tous les salariés, Elisabeth Borne avait pour mission, ce lundi, de sonder les partenaires sociaux. A l'issue de cet échange, et mesurant le caractère sensible du sujet, la ministre du Travail s'est tenu à dire "qu'il s'agissait là d'une simple concertation, et que rien n'était acté pour le moment ". Et d'ajouter " l'objectif de cette réunion était de regarder tous les leviers qu'on peut mobiliser face au variant Omicron".
Depuis le 30 août dernier, une obligation du pass sanitaire concerne un peu moins de 2 millions de travailleurs, uniquement dans les activités en contact avec le public. Cafés, hôtels, restaurants, grands magasins, lieux de loisirs, hôpital ... L'imposer à tous les salariés et fonctionnaires, soit un peu plus de 25 millions, impliquerait donc un changement d'échelle significatif. Mais, c'est bien ces modalités que le gouvernement regarde.
De multiples réserves contre le pass
Reste qu'il se heurte aux réticences des patrons comme des syndicats de salariés. Les employeurs ne veulent pas se retrouver en position de contrôle de leurs équipes. Ainsi, pour Patrick Martin, le numéro deux du Medef, l'Etat rejette une forme de responsabilité aux entreprises. Et de rappeler que les peines encourues par les chefs d'entreprise qui d'ores et déjà ne contrôlent pas le pass sanitaire sont déjà lourdes : jusqu'à 45 000 euros d'amende, et un an de prison. Si le pass sanitaire était appliqué demain, quelles seront les sanctions pour les salariés qui refusent ? Une suspension du contrat de travail ? Comment ? Autant de questions pour l'heure sans réponses.
Sans compter que, sauf pour quelques professions, le secret médical aujourd'hui interdit d'exiger l'employeur à connaître la situation sanitaire de ses équipes. Alors que nombre de sociétés ont du mal à recruter, la mise en place d'un pass sanitaire risque encore de compliquer les embauches, et de réduire les effectifs parfois clairsemés. De quoi ralentir l'activité à un moment où celle-ci repart.
Enfin, autre inquiétude et non des moindres, l'ambiance au sein des collectifs de travail. Les patrons ont fait état à la ministre, des tensions qui apparaissent déjà entre vaccinés et non vaccinés. Sous entendu, pas la peine d'en rajouter !
L'Association nationale des directeurs des ressources humaines alerte, elle aussi, sur les conflits internes à venir, dans une période déjà marquée par une grande exaspération et lassitude.
Du côté des syndicats, l'opposition est encore plus nette. "Une décision absurde et inefficace", a ainsi tranché Philippe Martinez sur France info. Le leader de la CGT préfère renforcer les gestes barrières et inciter à la vaccination, notamment sur le temps de travail, via la médecine du travail. De la même façon, Force ouvrière n'est pas favorable au pass sanitaire en entreprise, tout comme la CFDT. Tous préfèrent l'incitation à la contrainte.
Un vide juridique
Enfin, la question juridique se pose. "Car rien n'est vraiment prévu dans le Code du Travail", rappelle par ailleurs l'ANDRH, qui appelle à graduer la mesure. "Plutôt qu'une généralisation, ne pourrait-on pas limiter le pass aux endroits où il y a des risques forts de contamination comme les restaurants d'entreprise ?", s'interroge ainsi Benoit Serre, le vice-président. Le gouvernement a conscience que le diable se niche dans les détails, et veut éviter l'usine à gaz. "Il faut que cette mesure soit opérationnelle", plaide l'entourage d'Elisabeth Borne. Une des solutions serait alors d'étendre le nombre de secteurs ou de métiers où le pass sanitaire serait obligatoire pour travailler.
"Quoiqu'il en soit, ne nous trompons pas, explique l'exécutif en coulisses, au travail comme ailleurs, l'objectif est bien de mettre la pression sur les non vaccinés".
Aussi, en attendant de trancher, la question du renforcement du télétravail apparaît comme une solution à privilégier pour limiter la propagation de l'épidémie. Pour Elisabeth Borne, pas de retour au 100% télétravail. Les syndicats et le patronat freinent eux aussi des quatre fers. En revanche, la ministre a fait état d'un "relatif consensus sur le fait de remonter la cible actuelle à trois, quatre jours de télétravail par semaine, contre deux actuellement en moyenne ". Tout pour éviter un reconfinement.
Le texte pour le futur pass sanitaire doit arriver devant le parlement le 5 janvier.
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FEU VERT POUR LA VACCINATION DES ENFANTS
La Haute autorité de santé (HAS) s'est prononcée lundi en faveur de la vaccination anti-Covid des enfants de 5 à 11 ans, mais ne souhaite pas la rendre "exigible ni obligatoire". "Du fait de son efficacité vaccinale contre les variants majoritaires circulant actuellement et de son profil de tolérance satisfaisant, la HAS estime que le vaccin de Pfizer peut être utilisé à partir de l'âge de 5 ans", a souligné l'autorité sanitaire. La HAS "propose que les parents qui le souhaitent puissent faire vacciner leur(s) enfant(s) âgés de 5 à 11 ans à compter de la mise à disposition des doses en formulation pédiatrique". Elle préconise aussi de vacciner en priorité "les collégiens (de moins de 12 ans, dont les caractéristiques sont proches de celle des autres collégiens) afin de compléter rapidement la campagne de vaccination des enfants âgés de 12 ans et plus".
La HAS recommande également que la vaccination des enfants âgés de 5 à 11 ans "puisse se faire dans le cadre d'une décision médicale partagée, sans la rendre exigible ni obligatoire après avoir apporté, aux familles ainsi qu'aux enfants, une information claire et adaptée à leur âge, sur la connaissance des bénéfices et des risques liés à l'administration de ce vaccin". La Haute autorité de santé justifie sa décision par le fait que le bénéfice risque d'une vaccination des quelque 5,7 millions d'enfants français serait "favorable en particulier dans le contexte de recrudescence de l'épidémie" et de l'arrivée du variant Omicron, très contagieux, susceptible d'accroître les cas de formes graves chez les plus jeunes, jusqu'ici très rares.
Elle pourrait aussi "diminuer la circulation du virus et donc limiter la fermeture des écoles". Et même si son impact était dans un premier temps modeste selon des modélisations scientifiques, elle pourrait contribuer à "réduire la circulation du virus lors de vagues ultérieures". L'autorité sanitaire se fonde aussi sur des données de pharmacovigilance "rassurantes en Israël et aux Etats-Unis". Dans ce dernier pays, 7 millions d'enfants ont déjà été vaccinés dont deux millions avec deux doses.
Elle se dit toutefois consciente qu'il y a "un long chemin d'éducation, de pédagogie à faire" auprès des parents et parie sur le rôle important qu'auront à jouer les médecins et l'Education nationale. Cette vaccination devra être précédée de la réalisation d'un test sérologique (en l'absence d'antécédent connu et documenté de Covid-19) afin de limiter l'administration du vaccin à une seule dose en cas de test positif.
Le Comité d'orientation pour la stratégie vaccinale du Pr Alain Fischer doit encore rendre ses conclusions en milieu de semaine. (AFP)