EXCLUSIF- Emmanuel Macron : « Je condamne les blocages des universités avec la plus grande fermeté »

EXCLUSIF- Alors qu’il accueille demain et mardi le président chinois Xi Jinping, le président de la République détaille, dans un entretien accordé à La Tribune Dimanche et La Provence, la position de la France vis-à-vis de la Chine et de la Russie. Par ailleurs, à l’heure où le conflit au Proche-Orient s’invite dans la campagne européenne, le chef de l'État livre sa lecture des mobilisations estudiantines propalestiniennes.
Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron. (Crédits : LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

LA TRIBUNE DIMANCHE- Vous accueillerez demain et mardi le président chinois Xi Jinping. Allez-vous lui expliquer dans le droit fil de votre discours de la Sorbonne que l'Union européenne va désormais être moins conciliante ?

EMMANUEL MACRON- Je ne dirais pas les choses comme cela. J'ai d'abord une méthode, inaugurée durant mon premier mandat, qui consiste à engager les Européens avec nous. Demain, avant même l'accueil officiel du président Xi Jinping, il y aura une réunion trilatérale avec la présidente von der Leyen. Le chancelier Scholz ne peut être là mais nous nous sommes coordonnés lors de notre rencontre jeudi dernier. Cela permet d'unir les Européens, de nous installer comme puissance.

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Que ce soit sur le climat ou sur la sécurité, nous avons besoin des Chinois. L'accord de Paris n'aurait pas été possible sans un accord Xi Jinping-Obama. C'est le rôle de la France et de l'Europe d'être la puissance d'équilibre qui permet sur ces grands sujets de réengager la Chine dans la discussion internationale. J'ai également essayé de le faire sur les grandes questions de sécurité, qu'il s'agisse de la lutte contre la prolifération nucléaire en Corée du Nord et en Iran ou de la recherche d'une paix durable en Ukraine. Vient ensuite le volet sur la question des valeurs, des droits de l'Homme, les désaccords que l'on peut avoir, que l'on évoque plutôt derrière des portes closes. Enfin, sur le champ économique où notre position est constante, nous voulons obtenir la réciprocité des échanges et faire prendre en compte les éléments de notre sécurité économique. En Europe, nous ne sommes pas unanimes sur le sujet car certains acteurs voient toujours dans la Chine essentiellement un marché de débouchés. Je plaide pour un aggiornamento parce que la Chine est devenue surcapacitaire dans beaucoup de domaines et exporte massivement vers l'Europe.

Avez-vous évoqué cet aggiornamento avec le chancelier Scholz, plus attaché aux règles du commerce mondial ?

Cela chemine. Il ne faut pas oublier que pendant les quinze, vingt dernières années, nous avions une Europe lotharingienne, qui produisait beaucoup, était tirée par l'automobile, disposait d'une énergie peu chère (le gaz russe), d'un hinterland productif (l'Europe centrale et orientale), d'un marché de débouchés (la Chine) et d'un parapluie géopolitique (les Etats-Unis). Tout cela est à terre. Le gaz russe n'est plus accessible. En dehors de certains secteurs comme le luxe, le marché chinois n'est plus un marché de débouchés pour ce qui est produit en Europe. Quant aux Etats-Unis, si on a de la chance de les avoir en Ukraine aujourd'hui, regardons les choses avec lucidité : leur priorité est axée sur eux-mêmes et la Chine. Notre modèle est donc profondément bousculé, je prône depuis un moment déjà  de le repenser. La France a des atouts : nous sommes en train de réindustrialiser, nous avons une énergie moins chère que nos partenaires européens et indépendante et décarbonée grâce au nucléaire, nous sommes en train de développer de nouveaux segments de production décarbonée, et enfin, nous avons un modèle de défense et une dissuasion qui nous rendent moins dépendants que d'autres. Dans cette recomposition, la France a une voix particulière. Soyons clairs, je ne propose pas de nous écarter de la Chine. Je pense toutefois que l'on doit mieux protéger notre sécurité nationale, notre souveraineté, dérisquer une partie de nos chaînes d'approvisionnement et être beaucoup plus réalistes dans la défense de nos intérêts.

Sur le dossier ukrainien, Olaf Scholz est-il désormais moins opposé à l'envoi de troupes au sol, une hypothèse que vous avez à nouveau émise cette semaine dans The Economist ?

L'ambiguïté stratégique, c'est de ne pas donner trop de précisions. La Russie, comme puissance stratégique, ne nous donne plus aucune visibilité. Elle a décidé unilatéralement en février 2022 d'attaquer un État souverain, l'Ukraine, et donc de ne pas respecter le droit international, la Charte des Nations Unies. Au début, elle avait un objectif stratégique affiché : elle prétendait sauver des provinces ukrainiennes (oblasts) qui avaient déclaré leur autonomie. C'est fini, elle est sortie de ce cadre. Elle a décidé de devenir résolument une puissance déstabilisatrice qui ne donne aucune limite stratégique à son action. Et le président Poutine a constamment brandi la menace nucléaire. Face à un tel adversaire, quelle faiblesse de tracer des limites a priori, quelle faiblesse ! Il faut au contraire lui enlever toute visibilité, parce que c'est ce qui créé des capacités à dissuader. La sécurité des Européens se joue en Ukraine parce que c'est à 1500 kilomètres de nos frontières. Si la Russie l'emporte, la seconde d'après, il n'y a plus de sécurité possible en Roumanie, en Pologne, en Lituanie et plus non plus chez nous. La capacité et la portée des missiles balistiques russes nous expose tous.

Le Kremlin a qualifié vos propos de « très dangereux »...

La fébrilité russe montre que nous avons raison de ne pas fermer de portes. Sinon, cela veut dire qu'on accepte de renoncer à un ordre international basé sur le droit et donc à la paix et la sécurité.

Pourquoi dans cette campagne en vue des européennes du 9 juin, le RN est-il à un si haut niveau, malgré vos mises en garde, notamment sur leurs intentions cachées ?

Il est haut parce qu'il ne gouverne pas et qu'il ne dit rien. Ces dernières années, le RN s'adapte à l'esprit du moment et aux sondages.  Alors, on ne sait plus bien : est-ce un produit de marketing ou est-ce un parti nationaliste qui s'est travesti ? Le cœur du cœur du programme du RN, il y a cinq ans, c'était par exemple la sortie de l'Europe et de l'euro. Je n'entends plus un mot à ce sujet. Est-ce un vrai changement de ligne ? Ou avancent-ils en dissimulant ce qu'ils sont vraiment ? Dans cette campagne, je vous défie de me donner une seule idée du RN. La plupart du temps d'ailleurs, ses élus postulent à un mandat qu'ils n'exercent pas vraiment puisqu'ils ne votent pas. Ils affirment qu'on ne fait pas assez pour les agriculteurs, mais quand ils sont au parlement européen, ils ne votent pas le budget de la PAC, alors que la PAC, c'est 9 milliards d'euros par an pour la France et 40 000 € par exploitation par an. Sur le plan national, c'est la même chose. Dès que le pays affronte une difficulté, ils se mettent du côté de la colère, sans jamais prendre en compte l'intérêt national. Ce n'est donc pas surprenant qu'ils soient à 30 % d'intentions de vote. La vraie question c'est : est-ce que cela fera une politique ? La réponse est non. Ils ne vont pas changer l'Europe. Même en ayant un groupe au Parlement européen, ils n'ont pas poussé un seul sujet. Ils sont perclus d'incohérences. Ils changent de visage en permanence. Un jour le Frexit. Un autre le maintien dans l'Union. Avant l'élection, l'immigration zéro et maîtrisée au niveau national. Le lendemain la volonté d'aborder le sujet en européens.. Au fond le RN dit ce qu'il ne vote pas et vote ce qu'il ne dit pas. Le RN, c'est le symptôme des peurs et des colères. C'est normal qu'il y ait des colères dans un monde qui est en bascule comme le nôtre où la guerre revient, où certains souffrent de ne pas vivre de leur travail et regardent vers les extrêmes. Mais agréger les colères, ce n'est jamais proposer un programme ou dessiner un avenir. Il ne faut pas que les élections européennes deviennent un moment où cette colère déferle de manière innocente ou sans conséquences. Parce que ces élections arrivent à un moment inédit grave, existentiel. Un moment où il faut défendre ce bouclier européen qui protège la civilisation et les valeurs françaises.

« Face à Poutine, quelle faiblesse de tracer des limites a priori, quelle faiblesse ! »

Le conflit au Proche-Orient s'invite dans cette campagne. Des établissements d'enseignement supérieur sont bloqués par des étudiants défendant la cause palestinienne. Condamnez-vous ces blocages ?

Avec la plus grande fermeté. Je suis pour qu'il y ait des débats. C'est tout à fait légitime et même sain et rassurant que notre jeunesse puisse dire que l'actualité internationale la touche et qu'elle en débatte. Mais intimer l'ordre à un établissement d'avoir telle ou telle politique par la force et le blocage, empêcher d'autres étudiants d'accéder à un amphithéâtre sous prétexte qu'ils sont juifs, ce n'est pas la République. Ce n'est pas le respect de l'autre, le pluralisme, la condamnation de l'antisémitisme et du racisme.

Il faut donc évacuer les universités bloquées selon vous ?

Nous le faisons à chaque fois à la demande des établissements qui en ont la responsabilité et j'y suis favorable. Depuis l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre, nous sommes l'un des pays européens qui a connu le moins d'excès. La France a une position d'équilibre, d'exigence. Je comprends très bien que ce qui se passe aujourd'hui en particulier à Gaza bouleverse - la France appelle d'ailleurs à un cessez-le-feu immédiat - mais empêcher le débat n'a jamais aidé à la résolution d'un conflit.

Ils sont manipulés ces étudiants, à votre avis ?

Ils sont politisés. Certaines formations, comme La France insoumise, ont considéré que c'était une manière pertinente de mener le combat. Il est simplement contreproductif et inacceptable qu'au nom de leurs combats, ils empêchent le débat.

 Quelles conclusions nationales tirerez-vous du résultat des européennes ?

C'est l'élection des députés européens. La conclusion sera donc d'abord européenne. Et d'ailleurs une semaine après le vote du 9 juin, je serai au Conseil européen extraordinaire pour travailler sur le sujet des nominations et de l'agenda stratégique de la Commission européenne qui sera nommée. J'y porterai les positions que j'ai exprimé dans le discours de la Sorbonne. Ce qui m'importe, c'est qu'on ait un agenda européen le plus ambitieux possible parce que nous en avons besoin. Mon rôle dans cette campagne, c'est rappeler cet enjeu.

 Vous verra-t-on dans cette campagne auprès de Valérie Hayer ?

Je l'ai dit, je m'impliquerai. Je ne peux pas vous dire que ces élections sont essentielles et ne pas m'impliquer pour soutenir la liste qui défend l'Europe.

Commentaires 5
à écrit le 06/05/2024 à 10:08
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14000 enfants tués en Palestine et les étudiants français, les jeunes en général, doivent se taire. Nos dirigeants sont sales.

le 08/05/2024 à 8:04
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120 journalistes y sont morts je viens d'apprendre avec stupeur également... La sale guerre des sales gens.

à écrit le 05/05/2024 à 17:50
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Personnellement, je condamne toujours les blocages intellectuels causés par le courant "mainstream" au sein des universités françaises avec la plus grande fermeté! Le temps passe, l'économie et la France trépasse, et beaucoup n'ont pas oublié la publ...

à écrit le 05/05/2024 à 16:16
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Le temps de parole n'éxiste plus ? Tout le monde connait la catastrophe française, plus la peine d'en faire une publicité ! ;-)

à écrit le 05/05/2024 à 15:18
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Tous ses dossiers ont dus être évoqués avec le faussaire allemand Scholz le 01 Mai lors de leurs agapes à la Rotonde,mais sans grand danger pour le dictateur chinois.

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