En Espagne, l'économie souterraine résiste à la crise

« Avec ou sans facture ? » Derrière cette question, que l'on entend dans certaines circonstances de la vie quotidienne, se cache un phénomène de grande ampleur en Espagne. L'économie souterraine y représente près du quart du PIB. Exactement 23,3% en 2009, soit 0,7 % de plus qu'en 2008. Près de 245 milliards d'euros ont ainsi échappé au contrôle de l'Etat en 2009, selon un récent rapport du Syndicat des techniciens du ministère du Budget (Gestha). Cette manne eut été bienvenue pour les comptes de l'Etat, débordé par un déficit public de 11,4 % et dont les recettes fiscales ont chuté de 17,1 % en 2009.Quatre bassins de fraude« Il y a quatre bassins de fraude en Espagne : les opérations spéculatives sur l'immobilier, les logements en location, les professions libérales et les petites et moyennes entreprises », explique une analyste. Ces dernières « échappent aux contrôles fiscaux lorsque leur chiffre d'affaires est inférieur à 6 millions d'euros », relève-t-elle. Les PME facturant entre 1,8 et 6 millions d'euros représentent plus de 95 % du tissu économique espagnol. « On m'a déjà proposé toute sorte de fraudes, que j'ai refusées car je veux dormir tranquille », reconnaît Sirio, chef d'une PME industrielle. Parmi les pratiques les plus courantes, explique-t-il, l'une est particulièrement bien rôdée : « Cela consiste à émettre une fausse facture à un travailleur autonome qui, en tant que tel, peut ne pas déclarer ses revenus en dessous d'un certain seuil. Dans le cas contraire, on rembourse au noir la TVA à l'autonome. » L'impôt sur les sociétés est, avec la TVA, celui qui est le plus sujet à fraude, selon le rapport.Les professionnels libéraux qui veulent limiter le montant de leurs impôts usent de techniques plus simples. Il s'agit de dégrever des dépenses personnelles en les comptabilisant comme professionnelles, ou de ne facturer qu'une partie de leurs prestations. Locations de logements non déclaréesSelon un autre rapport publié par Gestha, plus d'un million de logements loués ne sont pas déclarés, soit 54 % du parc immobilier en location. Ce sont là 2,5 milliards d'euros qui échappent au contrôle du fisc. Un loyer non déclaré, c'est une location sans contrat. « Le problème c'est qu'on sait quand on entre dans l'appartement mais pas quand on va en sortir », raconte José, qui a dû quitter son appartement madrilène dans la précipitation. Le propriétaire, sans préavis, lui a demandé de partir. « Il y a beaucoup de logements qui semblent vides à Madrid, mais qui servent en fait à des locations non déclarées », ajoute-t-il. Mais dans le secteur de l'immobilier, ce sont les opérations spéculatives d'achat-vente qui représentent le plus gros manque à gagner pour l'administration fiscale : 8,8 milliards d'euros. Le syndicat a déploré à plusieurs reprises que la loi de prévention de la fraude fiscale, votée en 2006, n'ait pas permis de les contenir. Le gouvernement de José Luis Zapatero doit présenter le 5 mars prochain, un nouveau plan contre l'évasion fiscale, qui coûte annuellement, et ce depuis dix ans, 71 milliards d'euros à l'Etat. Autant dire que, en ces temps de nécessité de réduction de déficit public, le sujet est plus que jamais d'actualité.
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