FMI : l'emprise des Européens est controversée

Après l'apport de 430 milliards de dollars au Fonds monétaires international (FMI), les Européens sont confrontés à deux questions. La première concerne leur emprise controversée sur le FMI. Et la seconde question est de savoir si ce "parapluie" du FMI suffira à rassurer les investisseurs sur la crédibilité des réformes économiques entreprises en Europe en particulier sur la réduction des déficits publics.
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 Les Etats membres du Fonds monétaire international (FMI) discutent samedi des orientations d'une institution où l'emprise des Européens est controversée. Le FMI a reçu l'engagement de la zone euro et d'une vingtaine de pays d'augmenter ses ressources de "plus de 430 milliards de dollars". Plus de la moitié de ce total est venu d'Europe.

"Cela double presque la capacité de prêt du Fonds. Cela montre véritablement la détermination de la communauté internationale d'avoir les outils pour résister et se défendre face aux crises", s'est félicitée la directrice générale, la Française Christine Lagarde. Pour autant, tout l'argent entassé dans les coffres du FMI ne peut mettre un terme au débat sur la réforme de la représentation des Etats membres. La question des ressources étant réglée, ces querelles byzantines qui agitent l'organisation depuis de longues années ressurgissent.

Le Brésil lance une charge contre les Européens

Grand animateur de ce débat, le Brésil s'est lancé dans une charge contre les Européens, dont les quotes-parts (la contribution permanente au capital du FMI, qui détermine les droits de vote) recèlent pour lui des "anomalies". Celle du Brésil, a constaté le ministre des Finances Guido Mantega dans sa déclaration écrite devant l'instance politique du FMI, "équivaut à celle des Pays-Bas", et celle de l'Espagne, "aussi étonnant que ça puisse paraître, est plus grande que le total de l'ensemble des 44 pays d'Afrique subsaharienne".

"Il ne faut pas essayer de réinventer la roue", a-t-il plaidé: son pays veut baser les quotes-parts sur le produit intérieur brut, qui n'est qu'une variable parmi d'autres aujourd'hui. Le ministre sud-africain Pravin Gordhan, qui s'exprime au nom de 21 pays de son continent, a signalé que depuis une trentaine d'années, chaque réforme des droits de vote du Fonds avait diminué les droits de vote de l'Afrique. "On ne peut compter sur l'Afrique subsaharienne pour continuer à soutenir des réformes qui cherchent à légitimer le FMI, tout en sapant dans le même temps la représentation d'un grand nombre de pays", a-t-il prévenu.

Pour la ministre danoise Margrethe Vestager, dont le pays exerce actuellement la présidence tournante de l'Union européenne, l'Europe "travaille" pour tenir "son engagement de réduire la représentation au conseil d'administration de deux sièges pour les pays européens avancés". Par ailleurs, elle a rappelé que les progrès dans le rééquilibrage des droits de vote dépendaient de la ratification par les parlements nationaux d'une réforme adoptée fin 2010. "Les Etats membres de l'UE ont conscience de leur responsabilité dans la réussite de la mise en oeuvre" de cette réforme, selon elle.

Interrogation sur la position des Etats-Unis

Sur cette question, les regards sont tournés vers le premier actionnaire, les Etats-Unis. Le FMI a impérativement besoin de leur ratification pour faire entrer en vigueur la réforme de 2010, qui consacrait la montée en puissance des émergents, au détriment surtout de l'Europe. Un responsable américain a indiqué vendredi à la presse que le gouvernement n'avait pas encore décidé quand il proposerait au Congrès de voter sur cette question. Avec la promesse obtenue vendredi d'une hausse de plus de 430 milliards de dollars des ressources du Fonds monétaire international, les Européens estiment que la "boite à outils" anticrise est en place et croisent les doigts en attendant la réponse des marchés.

"Nous, les Européens, avons atteint nos principaux objectifs à l'occasion de ces rencontres", s'est félicité vendredi le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, à l'issue d'une réunion des ministres des Finances du G20, en marge de l'assemblée semestrielle du FMI. La directrice générale du Fonds, Christine Lagarde, a jugé de son côté que cette somme, ajoutée aux quelque 1.000 milliards de dollars du "pare-feu" européen décidé fin mars par les Européens, constituaient une "boite à outils suffisante" pour parer à toute éventualité.

"Cela permet au FMI d'être suffisamment préparé à tous les défis dans le monde", s'est également félicité le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble.

L'Europe réussira-t-elle à conviancre les marchés de la crédibilité de ses réformes ?

Le "parapluie" du FMI, selon l'expression de sa directrice générale est ouvert au bénéfice de tous ses Etats membres, mais les regards sont bien braqués sur l'Europe, épicentre de la crise depuis près de trois ans. Et rien ne dit que les investisseurs retrouveront sérénité et confiance dans la capacité des Européens à se sortir durablement de l'ornière. "Savoir si l'Europe en a fait assez pour renforcer son pare-feu depend réellement de ses réformes. Si ses réformes perdent leur crédibilité, si elles faiblissent, alors très franchement, le pare-feu ne sera pas suffisant", a averti devant la presse le vice-premier ministre de Singapour, Tharman Shanmugaratnam, à la tête actuellement de l'un des organes directeurs du FMI.

Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, n'a pas dit autre chose. "La réduction des déficits et les réformes structurelles doivent être mises en place. Si ça n'est pas en place, aucun pare-feu ne sera suffisamment grand pour contrer les inévitables fluctuations des marchés", a-t-il expliqué devant la presse à Washington. Or, l'Espagne, un moment épargnée, inquiète à nouveau les marchés, qui doutent de sa capacité à sortir de la crise où elle s'enfonce sans aide de ses partenaires européens. Elle rejoindrait ainsi trois autres pays européens, toujours sous assistance financière, la Grèce, l'Irlande et le Portugal.

Examen attentif de la réduction des déficits publics européens

Les chefs de mission du FMI dans ces trois pays ont rendu compte vendredi lors d'un débat à Washington de l'état d'avancement des programmes mis en place par la Troïka des bailleurs de fonds, qui rassemble le FMI, la BCE et la Commission européenne. Et si tous jugent que le Portugal ou l'Irlande sont sur la bonne voie, sauf nouveau choc extérieur important, ils se montrent plus circonspects en ce qui concerne la Grèce. Le pays a précisément beaucoup tardé à engager des réformes et le soutien politique a longtemps fait défaut, rappellent-ils. "L"incertitude est exceptionnellement forte, à court terme, au-delà des élections" législatives début mai en Grèce, a reconnu Poul Thomsen, qui supervise pour le FMI les programmes mis en place en Grèce et au Portugal.

"Le rythme des réformes structurelles que nous avons vu n'est pas compatible avec le succès et conduira à l'échec. Il y a donc besoin d'une relance significative des réformes", a-t-il averti. Et cela passe avant tout par un effort des Grecs à jouer le jeu, au moins sur le terrain fiscal. "Je ne vois pas comment la Grèce peut respecter ses engagements budgétaires à moyen terme sans remédier aux problèmes de son administration fiscale": en clair, faire rentrer l'impôt, a encore estimé M. Thomsen. Et si cela n'est pas fait, "je ne suis pas sûr que ce programme réussisse", a-t-il averti.


Commentaires 2
à écrit le 22/04/2012 à 13:50
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c'est celui qui paie qui choisi ! donc, aux européens de décider si un pays reste déficitaire, à qui il emprunte, et donc à qui il donne le pouvoir de décider !!

à écrit le 22/04/2012 à 1:34
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Qui gère à présent les budgets des états européen? La BCE ou bien le FMI aurait il pris la suite sans qu'on nous en informe? À suivre de près car si le FMI commence à imposer son point de vu libertarien sur l'économie des états européens en contrepar...

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