Gilles Etrillard : "s'accommoder des passions humaines"

Dans notre série d'été Visions de l'après-crise, "La Tribune" a interrogé le banquier Gilles Etrillard. Ce dernier estime qu'il faut retrouver le goût du risque et éviter de brider l'inventivité de la finance.

Le secteur financier est-il sorti d'affaires??

Le risque systémique est écarté et les résultats bancaires vont s'améliorer significativement sur les deux prochains trimestres. Il y aura sans doute des résurgences sur certains types de crédits, comme les crédits LBO, mais je pense que le risque est désormais globalement bien provisionné. Le secteur financier a quand même subi une attrition considérable et certains acteurs, comme près de la moitié des hedge funds, ont été éliminés et je doute qu'ils redeviennent ce qu'ils furent avant la crise. Tous les métiers qui vivaient de l'acquisition d'actifs grâce à un levier d'endettement devraient connaître une moindre activité.

Le procès de la finance vous paraît-il justifié??

Des excès ont été commis et certaines banques ont favorisé des investissements spéculatifs. Elles en ont payé le prix fort. La faute la plus grave a été de financer des ménages sans s'assurer de leur capacité à rembourser dans des économies devenues très dépendantes de l'immobilier. Cette époque me semble révolue. Et si la crise nous débarrasse du spectacle de certaines rémunérations extravagantes, cela n'est pas plus mal. Les rémunérations variables seront moins fondées sur une création de valeur instantanée, mais davantage sur une création de valeur de longue durée. Toutefois, sortir de la crise ne dépend pas de la rémunération de quelques-uns, mais d'un retour du goût collectif pour le risque. Et je préfère un marché qui s'accommode des passions humaines plutôt qu'un système de régulation politique qui prétend les combattre.

Faut-il néanmoins plus de régulation??

La régulation revient effectivement de manière récurrente dans le discours politique. Je ne vois pas en revanche de quoi on parle exactement, car l'exercice du contrôle a, notamment aux États-Unis, fait beaucoup plus défaut que les règles de contrôle elles-mêmes. Je ne crois pas à un renforcement significatif de la réglementation. Ce serait malencontreux et contreproductif de vouloir brider l'inventivité de la finance. Sans oublier que cela serait voué à l'échec?! Il ne faut pas oublier que la finance a servi la cause de dix années de croissance exceptionnelle et extraordinairement enrichissante, notamment pour nombre de pays émergents confrontés auparavant à des situations économiques déplorables. En revanche, une réglementation plus serrée des paradis fiscaux est en soi une bonne chose, même s'ils n'ont joué aucun rôle dans la crise.

En quoi cette crise vous a-t-elle paru la plus inquiétante??

La banque est un métier qui repose par essence sur la confiance. Et il était terrifiant de voir que les banques elles-mêmes ne se faisaient plus confiance entre elles. Mais j'ai été assez vite rassuré par la réactivité des gouvernants et des banques centrales. Leurs interventions sont peut-être excessives - on connaît bien la théorie des cycles à cet égard - mais les États et les banques centrales se sont vite mobilisés car ils ont bien anticipé le fait que la crise financière allait forcément toucher toute l'économie. Ils n'ont pas cédé à l'illusion d'une bulle spéculative purement financière, comme hélas?! au départ nombre d'observateurs ou de chefs d'entreprise.

Cette crise est-elle, selon vous, sans précédent??

L'origine de la crise n'est pas très originale, celle d'un excès de liquidités largement entretenue par les autorités monétaires américaines. Elle n'est pas non plus originale dans son élément déclencheur, celui de l'acquisition de biens immobiliers par des ménages excessivement endettés. Ce qui singularise cette crise est sa vitesse de propagation et son ampleur. Mais elle a surtout frappé les pays qui ont fondé leur croissance sur le développement des services financiers et de l'immobilier, qui se sont effondrés en même temps. Toutefois, la réactivité des autorités et les transferts sociaux ont évité le pire, c'est-à-dire un scénario déflationniste. Le chômage a brusquement augmenté, mais il reste à des niveaux déjà connus. Et nous ne connaissons pas de véritable crise de la consommation. Enfin, les États ont, pour l'instant, cédé au populisme juste la faible part qui doit lui revenir...

Le monde de l'après-crise sera-t-il différent de celui de l'avant-crise??

Bien sûr, l'économie de l'endettement sera durablement affectée et avec elle, la croissance économique. L'endettement accéléré des États et l'accroissement des bilans des banques centrales créent également de nouvelles et graves incertitudes pour l'avenir. Mais les grands défis environnementaux, énergétiques ou démographiques existaient bien avant la crise et la crise n'a rien changé à cet égard. De même, les puissances émergentes continueront d'accroître leur influence sur le monde et l'immense besoin d'investissement et de consommation d'une large partie de la planète existe toujours. Je suis optimiste sur la sortie de crise?: elle sera sans doute plus rapide qu'espéré. Et on peut raisonnablement imaginer que le monde de demain sera plus cohérent, avec moins de pauvreté, moins de conflits et plus respectueux de la nature.

 

Bio express : banquier chez Lazard depuis plus de vingt ans, Gilles Etrillard a vécu tous les bouleversements du secteur et assumé des responsabilités dans la plupart des métiers de la finance. Il préside aujourd'hui la filiale de Lazard, spécialisée dans le capital d'investissement (FPI). Directeur fondateur de la "Revue française d'économie", son regard tranche bien souvent du "politiquement correct ."

Lundi, suite de notre série avec l'interview de François Ewald.

Commentaires 22
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Un banquier qui raisonne bien çà vous gène ?

le 07/05/2016 à 14:54
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Non, pour le contraire, c'est très bien qu'il pense comme ça. je l'aime bien comme ça.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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ET ca veut donner des leçons en plus !!!!!!!!!!!!!!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Retrouver le goût du risque , ah bon ! Et c'est un banquier qui dit cela, comme c'est drole

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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COMMENT ETRILLER LES PATRONS DE PME, de TPE, et les CHOMEURS : leur expliquer qu'il faut investir, innover EN S'ENDETTANT AUPRèS DES BANQUIERS FINANCIERS VOYOUS et MALHONNETES. il ne reste que LES IDIOTS POUR ECOUTER LES FINANCIERS BANQUIERS, il ne r...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Je ne suis pas économiste mais le problème n'est-il vraiment lié qu'à la politique de crédits immobiliers des Etats-Unis ? Si le risque avait été circonscrit aux seuls opérateurs de crédits, cela aurait été un problème ? Au lieu de se diffuser via de...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il a raison sur bien des points. La régulation et e controle des marchés financiers ce sont des beaux mots mais qui va réguler quoi et comment ? Créer à l'echelle mondiale une autorité indépendante des états et des organismes financiers est une utopi...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Cette interview, mise en regard de nombre des précédentes, illustre d'une façon caricaturale l'absence de diagnostic partagé sur les causes de la crise, et donc la difficulté à penser de façon consensuelle les mesures à mettre en place pour en sortir...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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SERIEUSEMENT COMMENT PEUT ONT CREDIBILISER LE FAIT QUE NOUS SORTONS DE LA CRISE ? LE TRANSFERT DE LEADERSHIP MONDIAL EST PROBABLEMENT ACHEVE. ET LA CHINE SERA LE GRAND GAGNANT. MAIS QUE RESTE-T-IL DE NOTRE MONDE ? POUR LA France : SON PACTE SOCIA...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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le discours bien lisse et police d'un monsieur qui est a l'abri du besoin et qui repart en campagne pour embobiner les autres. c'est vraiment une gent particuliere que ces banquiers. n'y a til donc pas de politiques pour les coincer une bonne fois po...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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j'aurais peur de lier mon destin à celui qui va m'étriller.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il est temps que le plus grand nombre prenne conscience de ce que sont vraiment les grands banquiers et quelle est leur mentalité. Oui ce monsieur est bien ce qu'il semble être : un individu plein de morgue et de suffisance ayant un dédain et un mépr...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Un système qui donne un pourcentage sur ses profits et fait payer ses pertes par les contribuables enlève toute légitimité au capitalisme. Une seule solution: la nationalisation du système bancaire.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Inventifs les banquiers ?! certes oui ils viennent en effet de le prouver mais de la plus lamentable des façons !! les "brider" ? "peuchère" ! que feraient les sociétés sans l'inventivité des banquiers ? elles feraient tourner l'économie réelle et ne...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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slt cette crise est salutaire pour nous africain car elle permettra de considerer nos valeurs car car la verite des puissance est aussi faillible

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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arrogant à souhait, la gars !! dans 3 ou 4 mois, quand les banques seront à nouveau plantées, il sera vraiment indispensable de les laisser mourir !!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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"Je préfère un marché qui s'accommode des passions humaines plutôt qu'un système de régulation politique qui prétend les combattre." Très beau sujet de dissertation. Je suppose que le monsieur a lu le livre d'Albert O. Hirschman, "Les passions et les...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Quant le cynisme des financiers, banquiers et assureurs de tous poils,ainsi que de ces chers économistes, montent des "logiques" qui permettent même aux politiques d'avoir bonne conscience à faire la charité du pseudo micro-crédit (honte à moi): voic...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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les banquiers peuvent se passer de vos pauvres petites économies,c'est pas avec ces miseres qu'ils vont speculer ,mais avec les fonds propres de leurs actionnaires,comme ce n'est pas votre argent,vous n'aurez aucun retour sur les dividendes ce qui n"...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Chez Lazard, dont dépendent LFPI et G. Etrillard, on retrouve le goût du risque. La preuve : parmi les 38 personnes licenciées en France (Chut, c'est secret, Lazard va très, très bien)figurait... le responsable du contrôle interne. Open Bar !!!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Merci pour la participation des interviewés, merci à la Tribune pour ces interviews, notamment celle-ci qui est malheureusement la plus intéressante. On voit que tout le monde n'habite pas avec d'autres "humains" sur une même planète. Les mots "homme...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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....une honte de pouvoir lire encore de la propagande pareille....aller plutot voir le film "l'argent dette" de Paul Grignon....et vous verrer les choses comme on ne vous les a jamais expliquées (disponible sur internet en streaming gratuit sur http:...

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