Les enseignants en grève contre les suppressions de postes

Plusieurs syndicats d'enseignants ont appelé à la grève ce jeudi. Une fois de plus, il s'agit de protester contre la réduction des moyens dans l'Education nationale.
On comptait 17 % d'enseignants en grève jeudi 10 février au matin.

Nouvelle journée de protestation contre les suppressions de postes dans l'Education nationale. A l'appel de la FSU (Snuipp dans le primaire, Snes dans le secondaire), de la CGT et de Sud, les enseignants étaient invités à faire grève ce jeudi 10 février. Selon les estimations en matinée du ministère de l'Education nationale, près de 17% des enseignants étaient en grève aujourd'hui : près de 19% en primaire et près de 15% dans le secondaire. Ce sont les enseignants de collèges qui affichaient le plus fort taux de gréviste avec plus de 20% de participants au mouvement.

65.000 postes en moins depuis 2007

Comme les journées de mobilisation précédentes (la première étant intervenue quelques jours après la rentrée des classes), les enseignants protestent contre les milliers de suppressions de postes qui se succèdent d'année en année depuis 2007 : 8.500 en 2007, 11.300 en 2008, 13.500 en 2009, 16.000 en 2010 et à nouveau 16.000 à la rentrée 2011. Soit plus de 65.000 en cinq ans. Et ce n'est pas fini, puisque le schéma d'emploi 2011-2013 prévoit de nouvelles suppressions de postes en 2012 et en 2013.

Une saignée qui nuit à la qualité de l'enseignement, alors que l'étude Pisa 2009 vient de tout juste de pointer l'incapacité de la France à réduire la part de ses élèves en difficulté (La Tribune du 8 décembre 2011), et qui remet même en question les réformes en cours du gouvernement. "Il est étonnant de constater que l'étude Pisa n'a pas provoqué d'électrochoc. Or il y a un déficit démocratique et une hausse des inégalités", dénonce Christian Chevallier, secrétaire général du SE-Unsa qui n'appelle pas nationalement à la grève ce jeudi mais participera à la journée de mobilisation du 19 février. Selon lui et plusieurs autres syndicats, certains établissements, faute de moyens humains, ne sont pas en mesure d'appliquer en termes horaires la réforme du lycée qui s'est mise en place à la rentrée dernière en classe de seconde.

Sur le terrain, la grogne monte d'autant plus que, depuis la publication des 16.000 suppressions de postes (8.967 dans le primaire et 4.800 dans le secondaire) par académie prévues pour la rentrée 2011 (La Tribune du 23 décembre 2010), les recteurs sont en train de procéder aux répartitions de suppressions de postes. De fait, cette tâche revient désormais aux académies. D'après les tendances recueillies par les syndicats, les recteurs tentent autant que faire se peut de ne pas supprimer de classes dans le primaire. Résultat, ils taillent dans les intervenants en langues, les Rased (réseaux d'aide aux élèves en difficulté), les conseillers pédagogiques et réduisent la scolarisation des moins de trois ans (déjà tombée de 37% en 2001 à 13% aujourd'hui).

Dans le secondaire, où 15.600 élèves de plus son attendus au collège, les effectifs par classes sont augmentés, parfois de 20%, des options supprimées, des filières mutualisées notamment dans les lycées professionnels, ou encore les dotations horaires revues à la baisse. Les comités techniques paritaires académiques (CTPA) chargés d'entériner la répartition des suppressions de postes, qui se déroulent en ce moment, sont donc généralement boycottés par les syndicats. Comme à Créteil, où sont dénoncés 571 suppressions de postes alors que 8.000 élèves de plus sont accueillis ; à Versailles (493 postes en moins) où les syndicats dénoncent la mise en danger de l'éducation prioritaire ; à Toulouse, où le recteur souhaite supprimer les seuils d'ouverture et de fermeture de classes et pousser les petits établissements en zone rurale à se regrouper ; ou encore à Rennes où la carte et l'offre des options sont réduites dans les lycées...

Du coup, le mécontentement monte chez les élus, y compris de la majorité. Selon les syndicats, il aurait été discrètement recommandé aux recteurs, de repousser leurs décisions après les élections cantonales de mars. Histoire de ne pas faire peser par ricochet de menace supplémentaire sur les sénatoriales, dont la moitié doit être renouvelé par les grands électeurs en septembre.

Redéploiements

Du côté du gouvernement, on minimise l'impact des suppressions de postes. D'une part, en tant que premier budget de l'Etat, il est normal que l'Education nationale participe à l'effort de réduction budgétaire en ne renouvelant pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. "Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas faire d'effort, insiste-t-on dans l'entourage de Nicolas Sarkozy. La réalité est qu'il y a plus de professeurs et moins d'élèves qu'en 1995. Même en 2011, il y a encore 600.000 élèves de moins et 30.000 professeurs de plus. Donc, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de marges." Des gisements d'économies ont été "identifiés" et "testés dans les académies". "Il faut sortir de la logique du jardin à la française. Il s'agit de voir comment faire aussi bien avec un peu moins. En allant voir in situ, on s'est aperçu que c'était possible", poursuit-on.

L'idée du gouvernement st de changer de méthode en instaurant un dialogue de gestion avec les académies. Les comparaisons internationales ont convaincu l'Etat que la bonne marche du système n'est pas une affaire de nombre de professeurs mais de "répartition et de qualité de l'enseignement". Et de préciser que plus de la moitié des économies dégagées par les suppressions de postes ont permis de revaloriser les débuts de carrière des enseignants : "nous consacrons 1 milliard d'euros de plus par ans à la rémunération des enseignants par rapport à 2007, dont 300 millions dédiés à l'accompagnement éducatif. C'est du redéploiement de moyens."

Situations tendues

Sur le terrain, les recteurs affichent le même discours. A Paris, on précise que seulement 0,75% des postes sont supprimés en primaire pour 560 élèves de plus. Pour respecter les mêmes seuils de fermeture de classe qu'en 2010 et de maintenir le nombre de professeurs, les économies sont faites notamment sur les intervenants en langues étrangères(les professeurs des écoles étant désormais formés pour cela). Le collège (1.800 élèves supplémentaires) est totalement préservé. Quant au lycée (11.497 postes à la rentrée 2011 contre 11.524 en 2010), tous les moyens sont mis pour la réforme, assure le rectorat, qui précise que 1.000 places sont vacantes sur l'ensemble des collèges et lycées parisiens.

Les économies sont faites sur les options facultatives via des regroupements par exemple, ou sur les effectifs en classes préparatoires, certaines ne faisant pas le plein. Mais certaines académies, à commencer par la Seine Saint-Denis, présentent des situations beaucoup plus tendues, et ne sont plus en mesure d'assurer les remplacements des professeurs absents...

A la veille de la présidentielle de 2012, où l'éducation sera l'un des sujets de débat, l'extension de la grogne des enseignants mais aussi des parents d'élèves pourrait bien devenir un élément perturbateur et inquiétant pour le futur candidat de la majorité. Signe précurseur, pour la première fois, la fédération de parents d'élèves Peep, plutôt classée à droite, vient d'exprimer son "inquiétude" à ce sujet. Comme en 2010, 80% des Français jugent que la politique du gouvernent est "une mauvaise chose", selon un sondage CSA pour le SNUipp-FSU publié mercredi.

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