"D'ici 2012, les candidats devront se prononcer sur le crédit impôt recherche"

Invitée du Spring Forum de Croissance Plus, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, salue le rebond du nombre de brevets déposés, dans un entretien publié ce jeudi par La Tribune.
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Vous ouvrez ce jeudi soir à Avoriaz le Spring Forum de Croissance Plus, des journées axées sur le thème de l?entreprise et de l?innovation. Longtemps la France a été pointée du doigt pour ses faiblesses en matière de valorisation de sa recherche et développement? Est-ce toujours vrai ?

 

Non, les choses changent. Regardez les brevets. Pour la première fois en quatre ans, le nombre de brevets déposé est en hausse et ce alors même que chez notre voisin allemand c?est une chute qui a été enregistrée. Selon les derniers chiffres de l?Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), l?an dernier 16.580 brevets ont été déposés soit une hausse de 2,9 % par rapport à 2009 qui avait été marquée par un recul de 3,6 % par rapport à 2008. Ce rebond dans le dépôt de brevets doit beaucoup aux organismes de recherche publique. Le CEA a ainsi déposé 495 brevets ( + 19 % par rapport à 2009) et est désormais le 4ème déposant français, le CNRS 380 (+ 37 %) ou encore l?IFP-Energies nouvelles 176 (+ 2 %). Au total, il faut savoir que la recherche publique compte pour environ 10 % du nombre de brevets au niveau national.

Vous avez créé fin 2009 avec l?ANR le site Lemoteurdelarecherche.fr, sorte de « Meetic » de la recherche. Quel en est le bilan ?

Ce site participe au rapprochement de la recherche publique et privée. En un an, 27 appels à projets ont été déposés par 24 entreprises. Ces dernières ont reçu en moyenne 17 propositions par projet. Je peux citer comme exemple Roche, l?Institut Pasteur et la Pitié-Salpêtrière sur la détection précoce de la maladie d?Alzheimer, Gostaï sur le développement de robots de téléprésence pilotés par des interfaces tactiles mobiles, ou Orange sur les capteurs photovoltaïques dans les télécoms. Lemoteurdelarecherche.fr se veut avant tout un lieu de rencontre simple et visible au niveau national, nous préparons d?ailleurs une deuxième version d?ici l?été prochain. Cet outil n?est en aucun cas un concurrent des pôles de compétitivité mais il faudrait que ceux-ci puissent aussi y déposer leurs projets. Nous voudrions aller plus loin dans la mise en relation entre chercheurs et financeurs en renouant avec les "First Tuesday" thématiques qui associaient des professionnels du capital risque.

Le Crédit d?impôt recherche (CIR) est souvent présenté comme un atout pour la R&D française. Dans le même temps son coût est souvent décrié ce qui suscite des inquiétudes quant à sa pérennité?


A chaque discussion budgétaire, des voix s?élèvent pour dénoncer le coût du crédit impôt recherche. Certes, ce coût, plus de 4 milliards d?euros en 2010, est élevé pour les finances publiques. Mais les retombées pour l?économie française sont potentiellement immenses. En vigueur depuis 2008, la nouvelle version, simplifiée et triplée du CIR a déjà été contrôlée trois fois, par l?Inspection des finances, par les parlementaires et par la Cour des comptes. Les chefs d?entreprises français mais aussi les entreprises étrangères qui veulent s?implanter ou qui sont déjà en France ont besoin de stabilité fiscale. Les chercheurs, qu?ils soient dans les laboratoires publics ou dans des entreprises ont besoin de temps. Changer les règles du jeu chaque année est très préjudiciable. Le plus important, c?est que le CIR permet de relancer l?innovation dans les PME, empêche les fuites de cerveaux et les délocalisations et incite les multinationales à implanter leurs centres de recherche en France. Actuellement, le ministère recense 54 projets d?investissement directs étrangers en France dans le domaine de la recherche.

D?ici à 2012, le CIR ne sera donc plus modifié ?


Le président de la République a été clair : les dépenses publiques consacrées à la recherche sont trop importantes pour l?avenir du pays pour ne pas être sanctuarisées. Et je crois même qu?il faudrait que les candidats à la présidentielle se prononcent : garderont-ils ou supprimeront t-ils le crédit d?impôt recherche ?

Recherche publique et monde de l?entreprise, la greffe est-elle en train de prendre ?

L?appétit pour les partenariats privé-public est sans précédent. Par exemple, on recense actuellement 214 laboratoires public-privé (soit en tout 4.000 équivalents temps plein), dont 110 ont vu le jour depuis 2006. PSA a ainsi créé des « Open Labs » avec les universités d?Aix-Marseille et de Bordeaux, le CEA s?est allié à l?université de Versailles-Saint-Quentin et à Intel autour du GENCI (Grand équipement de calcul intensif), l?Inria et Microsoft ont mis en place des iLabs à destination des PME innovantes. En outre, les coopérations dans le domaine de la recherche entre grandes entreprises et laboratoires des universités n?ont jamais été aussi nombreuses. Petit à petit, les chercheurs se décomplexent vis-à-vis de l?innovation et les chefs d'entreprises se décomplexent vis à vis de la recherche publique. Les cultures se mélangent, les mondes se rapprochent. Un nouveau type de chef d?entreprises est en train d?émerger : le chercheur entrepreneur. La culture de l?entreprenariat se développe aussi chez les étudiants. 20 pôles de l?entreprenariat étudiant ont ainsi été créés depuis 2007 pour les sensibiliser. On a doublé le nombre de juniors entreprises qui sont désormais présentes dans 25 universités.

Quelle est l?implication des universités dans ce mouvement ?

Les universités commencent à emboîter le pas aux organismes de recherche qui eux sont à la tête cette démarche. A ce jour, 39 fondations universitaires et partenariales associant plus de 200 entreprises ont vu le jour grâce à la loi sur l?autonomie des universités. Par ce biais, des chaires université-entreprise se développent, telle la chaire Campus Biotech Sanofi-Aventis à l?université de Bordeaux. Autres exemples : les projets de maturation financés par les nouvelles structures de valorisation mutualisées des universités ont progressé de 76 % en 18 mois ; des contrats de recherche conclus par les instituts Carnot ont augmenté de 30% depuis 2007; les bourses Cifre qui permettent à des étudiants de financer leur thèse en entreprise ont atteint 1.200 en 2010 et devraient atteindre l?objectif annuel de 1.300 fin 2011. Enfin, le mandat unique de gestion pour les brevets issus de laboratoires mixtes de recherche entré en application en 2009, qui simplifie beaucoup la gestion de la propriété intellectuelle, a été une avancée très importante. Sans parler du brevet européen pour lequel nous avons obtenu récemment la procédure de coopération renforcée.

Le grand emprunt prévoit un système à plusieurs étages concernant la valorisation de la recherche : une dizaine de sociétés d?accélération de transfert de technologie (SATT), des consortiums de valorisation thématiques et enfin des grappes de brevet. Cette multiplication de structures ne va-t-elle pas être contre-productive ?

L?idée est de professionnaliser encore davantage le système et d?assurer une couverture à toutes les étapes d?un projet. Les SATT seront ainsi des structures plus fédératrices car elles travailleront sur des pôles universitaires pluridisciplinaires couvrant l?ensemble d?un territoire et associeront étroitement les organismes de recherche. Elles feront office de guichet unique pour les entreprises. Je rappelle que 900 millions d?euros de dotation en capital y seront consacrés. Cela va permettre de financer des projets qui ne trouvaient pas de financement jusqu?à présent. Or la maturation de projets et le pré amorçage sont le chaînon manquant de la chaîne de valorisation. C?est pour cela que 400 millions seront aussi consacrés à un fonds national d?amorçage géré par la Caisse des dépôts. L?idée est donc de mieux "packager" l?offre de technologie de la recherche publique afin d?offrir une garantie aux entreprises et de simplifier les interfaces. Parallèlement, nous souhaitons que les organismes de recherche mutualisent leurs activités de valorisation pour faire naître quelques consortiums de valorisation au sein des alliances thématiques de recherche. La première est Covalliance, créée dans la recherche biomédicale par Aviesan, l?alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé constituée autour de l?Inserm. Nous mettrons aussi 50 millions d?euros dans un fonds France Brevets auquel la Caisse des dépôts ajoutera le même montant. Dans ce cas, il s?agit de constituer des grappes de brevets à la fois publics et privés qui valent plus chers ensemble que seuls.

 

 

Commentaires 7
à écrit le 05/10/2011 à 22:05
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Je travaille actuellement pour une entreprise qui perçoit le C.I.R. Inadmissible !!! Aucune recherche ... Il s'agit de promouvoir un logiciel commercial destiné aux artisans !!!

à écrit le 24/03/2011 à 20:49
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Le Crédit Impôt recherche est souvent sans aucun lien avec la recherche. Une bonne partie de ce crédit sert à financer des holdings, qui ne font pas de recherche, et des banques, qui inventent des "produits financiers innovants" comme les subprimes e...

à écrit le 24/03/2011 à 8:09
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Si cela empêche la fuite de chercheurs français (eux pourtant ne le souhaite pas) qui déposent des brevets pour le compte de société étrangères, pourquoi pas ! Mais comme toujours, j'espère qu'il aura une véritable clarté sur les retours d'investiss...

le 24/03/2011 à 13:42
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bonjour , je me permets de vous apporter un retour d'experience. Nous avons beneficié du credit impot recherche dans ma PME. nous avons recruté pour developper un nouveau produit grace au CIR, ce produit est maintenant finalisé et commecialisé dans ...

à écrit le 24/03/2011 à 6:40
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Voilà un projet mobilisateur qui va en outre ramener les électeurs dans l'isoloir...

à écrit le 23/03/2011 à 22:21
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Elle n?est plus crédible. A quand son adhésion au PS, ou alors elle fait parti du système UMPPS.

le 24/03/2011 à 18:16
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Vous etes injuste,V Pécresse a reussi l'autonomie des universités qui est la réforme majeure du quinquénat de N Sarkozy.

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