Les classes moyennes, victimes de la nouvelle croissance ?

La place de la classe moyenne, qui se sent souvent dévalorisée dans le monde développé, est au coeur des enjeux. Dans les pays émergents, développer cette catégorie serait une source de croissance.
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La recherche de la nouvelle croissance suppose l'examen des motivations individuelles et collectives qui vont alimenter et justifier la mobilisation des intelligences et des énergies. La période qui a précédé la crise financière a vu se développer de fortes tensions sur le partage des revenus. Dans un contexte de délitement des régulations mises en place dans l'immédiat après-guerre, l'escalade des hautes rémunérations et des marges du secteur financier s'est accompagnée d'une stagnation des revenus de la classe moyenne, par ailleurs ponctionnés dans certains pays pour améliorer le sort des catégories défavorisées. Il en a résulté une montée de l'endettement des ménages, rendue nécessaire par la contradiction entre des dépenses croissantes de consommation et d'investissement en logements et des revenus stagnants. Plus profondément, la classe moyenne, ulcérée par les informations sur les revenus extravagants des élites dirigeantes ou financières, déçue par son incapacité à améliorer son sort par le travail et l'épargne, accablée par la croissance des prélèvements obligatoires, s'est sentie dévalorisée.

Dans un scénario de retour aux tendances antérieures, les tensions sur le partage des revenus ne seraient pas seulement maintenues, mais en fait aggravées par de puissants facteurs. D'abord, il faut prendre en compte les dettes héritées de la crise. Dès maintenant, ces dettes conduisent à des appels massifs et permanents aux gestionnaires de fonds, qui les mettent en position de force. Ensuite, le coût du vieillissement est loin d'être entièrement provisionné. Il va donc peser sur le partage des revenus pendant au moins vingt-cinq ans encore. Enfin, la prise de conscience du risque climatique peut aussi être la source de tensions supplémentaires. Les travaux d'histoire économique conduisent à une conclusion simple : le succès économique dépend fondamentalement de la possibilité offerte à chaque personne d'améliorer son sort et celui de sa famille honnêtement, par son travail et ses initiatives. Dans le monde développé, c'est la place de la classe moyenne qui se trouve au coeur des enjeux. Dans les pays émergents et pauvres, il reste des catégories entières dont les capacités ne sont mobilisées ni dans leur intérêt ni dans celui de la collectivité. Comme au cours de la période récente, il y a là un gisement potentiellement disponible pour alimenter la nouvelle croissance. Dans l'objectif de promouvoir cette nouvelle croissance, les régulations publiques auront, tant au niveau international que national, une responsabilité majeure. Trois domaines sont décisifs.

D'abord, la gestion du risque climatique. Il s'agit d'organiser l'expertise au niveau mondial de façon à apprécier le plus exactement possible l'ampleur de ce risque et de mettre en place les instruments permettant d'obtenir des résultats au moindre coût collectif. Ensuite, la capacité à maintenir le dynamisme des pays émergents en l'élargissant à de nouveaux pays et de nouvelles catégories. En permettant à de nouvelles populations de bénéficier de plus de liberté d'initiative, d'un accès à la formation et au crédit, et de conditions équitables de concurrence, on libère de formidables sources potentielles de développement. Enfin, lutte contre les rentes, en adoptant les régulations et règles de gouvernance appropriées. Il faudra éviter les ponctions fortes sur le revenu mondial que peuvent exercer certaines activités, comme la finance ou la production de matières premières et de façon plus générale veiller à favoriser une allocation efficace des ressources. Fondamentalement, c'est en redonnant du sens au progrès qu'on arrivera à mobiliser les acteurs en faveur de la nouvelle croissance.

Commentaires 2
à écrit le 10/04/2011 à 16:27
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a quelle niveau doit on dire salaire moyen car en dessous y a du monde

à écrit le 09/04/2011 à 17:46
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Cet article paraît totalement en phase avec l'évolution du monde. Tant pout ce qui est de l'analyse de la classe moyenne en france , que sur le potentiel à développer dans les pays émergents. Permettez moi humblement de vous dire bravo M. CHARPIN.

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