Autonomie : les universités préparent elles aussi leurs présidentielles 2012

Le premier semestre 2012 sera l'occasion d'élire de nombreux présidents d'université. Ce sont les premières grandes élections depuis l'entrée en vigueur de la loi LRU sur l'autonomie des universités. En attendant, plusieurs universités connaissent une situation de transition parfois complexe.
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"Les présidents d'universités devront aussi avoir des résultats en 2012 !" Ainsi ironisait en juillet Alain Beretz, président de l'université de Strasbourg, en s'adressant au ministre de l'Enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, lors du premier comité de pilotage de l'opération campus (La Tribune du 20 juillet 2011). 2012 sera de fait aussi une année d'élections présidentielles pour les universités. Ce ne seront pas certes les premières, mais ce sera la première vague de renouvellements "post-LRU", la loi sur l'autonomie des universités votée en 2007.

L'enjeu est de taille à plus d'un titre : une grande majorité des 83 présidents seront élus ou réélus ; avec l'autonomie, ils seront "jugés", bien plus qu'auparavant, sur un bilan de mise en ?uvre de la LRU et/ou une stratégie d'avenir a fortiori depuis l'opération campus et le grand emprunt ; la concomitance avec la présidentielle 2012 risque de politiser le scrutin universitaire.

La LRU a modifié la gouvernance des universités et particulièrement le rôle des présidents, un point particulièrement décrié lors du vote, de nombreux universitaires lui reprochant de vouloir faire du président un "super manager" aux pleins pouvoirs. Désormais élu sans condition de nationalité pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois (contre cinq ans auparavant, avec non rééligibilité dans les cinq ans suivants) à la majorité absolue des membres élus du conseil d'administration et non plus par les trois conseils (administration, des études et de la vie universitaire, scientifique) réunis en assemblée, le candidat à la présidence n'est plus obligé d'être un enseignant-chercheur permanent de l'université dans laquelle il se présente. Ce qui ouvre la porte à plus de concurrence.

"Théoriquement, presque n'importe qui peut se présenter. Il pourra y avoir des phénomènes opportunistes", estime Philippe Dulbecco, le président de l'université d'Auvergne qui, en bon économiste, évoque la possibilité de "passagers clandestins". Une éventualité qui pourrait être déstabilisante alors que la plupart des présidents sortants sont ceux qui ont mis en place l'autonomie, avec son cortège de contraintes et de nouvelles responsabilités (gestion du budget et de la masse salariale, financement à la performance, et éventuellement création de fondation et dévolution du patrimoine immobilier). A ce jour, 77 des 83 universités sont autonomes (dix-huit depuis le 1er janvier 2009, trente-trois depuis 2010 et vingt-deux depuis janvier dernier), les six dernières devant sauter le pas le 1er janvier 2012.

Année de transition

Autre facteur potentiellement handicapant, nombre d'entre eux ne pourront pas se représenter. Soit parce qu'il ont atteint la limite d'âge, soit parce qu'ils ne peuvent plus faire de mandat supplémentaire. Rien que sur les dix-sept membres du bureau de la conférence des présidents d'université (CPU), sept ne sont pas rééligibles dont des présidents de commission. "Il y a toute une génération de présidents qui se sont engagés dans la mis en ?uvre l'autonomie mais qui ne peuvent pas se représenter alors que la LRU n'est pas encore stabilisée. C'est un vrai sujet", s'inquiète Anne Fraïsse, vice-présidente de la CPU.

Surtout, cette année 2011 préélectorale est très particulière en ce qu'elle est transitoire. Tous les mandats des présidents et des conseils d'administration n'arrivant pas à échéance en même temps et l'idée étant de remettre tous les compteurs à zéro en 2012, de nombreux présidents se sont fait élire cet année (certains mandats arrivant à échéance en 2011) pour un intérim d'un an voire moins. "Le système de transition est un peu compliqué. Beaucoup d'universités se retrouvent en situation transitoire ou dérogatoire ce qui peut être déstabilisateur au moment où la continuité est nécessaire", concède Philippe Dulbecco.

Tous les cas de figure se côtoient. Il y a les présidents atteints par la limite d'âge qui laissent leur place à un intérimaire, le "vrai" successeur potentiel se réservant pour un mandat complet à partir de 2012, comme à l'université Pierre et Marie Curie (Paris 6) où Maurice Renard a succédé à Jean-Charles Pomerol pour un mandat de moins de sept mois. Ou ceux qui peuvent se représenter mais attendent pour cela 2012, comme à Lyon I. Il y a les présidents qui, estimant avoir fait son temps, accepte d'assurer eux-mêmes l'intérim (Caen, Picardie,Toulouse 2, Franche-Comté...). Ainsi Simone Bonnafous s'est-elle fait réélire en janvier dernier à la tête de l'université Paris-Est Créteil (Paris 12) pour un an. "Je préférais assurer la continuité. J'aurai fait 6 ans en tout ce qui est déjà beaucoup", s'explique-t-elle, rappelant que les équipes présidentielles et la nouvelle génération de cadres supérieurs peuvent également garantir le suivi d'une stratégie.

Incongruité relevée par plusieurs confrères, le président de la CPU soi-même s'est plié à cet exercice, s'étant fait réélire pour un an seulement en juillet à la tête de Paris 2-Panthéon Assas. Résultat, il terminera son mandat à la tête de la CPU (jusqu'en décembre 2012) sans être président d'université (mais il cumule déjà plusieurs autres mandats). Mais nombre de ces présidents non rééligibles dans leur établissement se réservent pour les nouveaux ensembles que sont les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ou les structures lauréates du grand emprunt. Enfin, il y a ceux qui peuvent se représenter en 2012 mais dont les conseils seront renouvelés avant, créant une période dérogatoire intermédiaire inconfortable, comme à Dijon, Saint-Étienne ou Clermont-Ferrand. "Je vais conduire une liste avec les trois conseils qui seront élus en décembre 2011 et janvier 2012 mais mon mandat court jusqu'en mai 2012. Au début, j'avais pensé à démissionner en décembre pour phaser toutes les élections, explique Philippe Dulbecco. Mais cela aurait conduit à un intérim de 6 mois. Du coup, j'ai demandé à me maintenir dans mon mandat."

Budget 2012 serré

Au-delà de cette phase de transition, c'est la concomitance de ces élections avec la présidentielle qui crée quelques inquiétudes. "Cette proximité va rendre les scrutins très politiques", anticipe Jean-Loup Salzmann, président de l'université Paris 13. D'autant plus que les débats sur le budget des universités s'annonce plus que tendu. Si l'enseignement supérieur a toujours été présenté comme une priorité du quinquennat de Nicolas Sarkozy, avec budget en hausse chaque année et gel des suppressions de postes, les universités se plaignent chaque début d'année, quand leur sont communiquées leurs dotations respectives, de voir leurs subsides ne progresser concrètement que très peu au profit des crédits extrabudgétaires dont seules quelques élues bénéficient (opération campus, grand emprunt). Alors que le gouvernement est en train de préparer un budget de rigueur pour coller à ses objectifs de réduction du déficit public, tout porte à croire qu'il ne fera aucune concession pour les universités, quitte à rogner sur la masse salariale. Ce qui promet des débats animés.

Commentaire 1
à écrit le 24/10/2011 à 16:07
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Pour visualiser les élections chez les présidents d'université, une belle infographie : http://www.mille-watts.com/comcampus/2011/05/qui-sont-les-presidents-duniversite/

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