Elections au Medef : la campagne s'accélère sur fond de débat sur les 35 heures

Pour la première fois ce mardi 14 mai, les cinq candidats à la présidence du Medef ont eu l'occasion de présenter, à l'invitation du mouvement ETHIC, leurs ambitions pour l'organisation patronale et leurs priorités en cas d'élection. Alors qu'une réforme des 35 heures fait son irruption dans le débat patronal, Pierre Gattaz y est apparu comme le favori. Mais il reste encore deux mois aux cinq candidats pour convaincre d'ici au 3 juillet.
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"Ici, c'est mieux que le comité exécutif du Medef" lance en guise d'accueil la présidente du mouvement ETHIC Sophie de Menthon, installée devant près de 200 entrepreneurs et journalistes dans le chic salon Foch du cercle de l'Union Interalliée, rue du Faubourg Saint Honoré à Paris. C'est que ce mardi 14 mai avait lieu le premier débat réunissant les cinq candidats à la présidence du Medef. L'un après l'autre, ils se sont succédé à la tribune pour exposer leur vision du rôle et de l'influence du mouvement patronal et des impulsions à donner pour faire mieux entendre la voix des entreprises. Parmi les animateurs, l'un a fait l'objet d'une attention particulière : Jean-David Chamboredon, patron du fonds des entrepreneurs ISAI à l'initiative du mouvement des Pigeons. Le bien fondé de son action, couronnée de succès, semble d'ailleurs faire l'unanimité chez les chefs d'entreprise présents. C'est que la réussite des "Pigeons", qui ont réussi à faire reculer le gouvernement sur la taxation des plus-values mobilières, fait apparaître en creux et de façon criante, le retard à l'allumage du Medef lors du PLF 2013 à l'automne dernier. Une erreur d'appréciation que les candidats ne veulent pas répéter pour le budget 2014. L'autre point de consensus entre les candidats est la nécessité de revoir la législation encadrant la durée légale du temps de travail, en les assouplissant dans le cadre d'accords de branche. Si Pierre Gattaz, apparu comme le grandissime favori au point que plusieurs questions l'ont interpellé du terme "président", y est favorable, une certaine prudence pointe en revanche lorsqu'est abordée la question du financement du paritarisme et de la représentativité patronale.

Revue de détail du vademecum prononcé par les cinq candidats à la succession de Laurence Parisot.

Thibault Lanxade : redonner la parole aux Medef territoriaux

Ce chef d'entreprise qui avait déjà tenté sa chance en 2007 souhaite "un Medef plus stratège, en proposition plus qu'en réaction" et met l'accent sur le rôle de relais des Medef territoriaux, souhaitant qu'ils soient capable de réactivité pour "faire remonter les dysfonctionnements". Concernant la durée du temps de travail, il propose que chaque branche professionnelle puisse définir elle-même la durée légale d'une semaine de travail, après que l'exécutif ait procédé à une abolition des 35 heures. Ses combats prioritaires ? La réforme à venir des retraites et de l'assurance chômage. Le plus jeune des candidats - 42 ans - espère également peser sur la législation européenne : "il faut davantage miser sur l'Europe, faire sortir les entreprises du territoire national". Enfin, il a profité de ce temps pour justifier sa proposition d'un droit de veto des patrons sur la nomination du Ministre de l'Economie et des Finances, la qualifiant de "coup de gueule" et insistant sur la nécessité d'avoir "une expertise" dans le domaine couvert par ce ministère pour exercer une telle fonction.

Quelques minutes avant la fin de son intervention, agitation dans la salle. C'est le moment qu'a choisit le président du Groupe des Fédérations Industrielles (GFI) et de l'entreprise Radiall, Pierre Gattaz, pour faire son entrée, attirant les regards.

Pierre Gattaz : "Moi, président du Medef..."

A la tribune, le fils d'Yvon Gattaz - président du CNPF (ex-Medef) entre 1981 et 1986 - pose tranquillement ses priorités: "redonner confiance et fierté" aux entrepreneurs français, peser pour un allégement de la fiscalité lors des négociations du PLF 2014 à l'automne et négocier un allégement du coût du travail. En jeu : la compétitivité du pays. Il propose même de prendre exemple sur le Code du Travail suisse pour réformer le nôtre. Sa méthode s'il est élu ? Agir dès les universités d'été du Medef fin août pour lancer les assises de l'organisation et surtout le mouvement "France 2020" de réflexion sur l'avenir du pays en y associant un maximum de syndicats "qui à 90% ont les même problèmes que nous en terme d'emploi, de formation" considère-t-il. Conquérant, Pierre Gattaz n'hésite pas à employer un lexique digne d'une guerre, parlant de "l'armée de 3 millions d'entrepreneurs" à unir. "Je souhaite incarner un Medef de combat, de conquête et de pédagogie" fait-il valoir auprès de ses pairs. Au sujet des prises de participation, il se dit "extrêmement favorable à un partage des profits avec les salariés".

Comme Thibault Lanxade, il juge nécessaire la suppression des 35 heures et propose de laisser chaque branche professionnelle négocier un encadrement spécifique de la durée du travail. Pierre Gattaz se démarque en revanche en prônant la pédagogie. Il propose de rapprocher les élèves de lycée (et leurs professeurs) du monde de l'entreprise en incitant les enseignants à faire cours quelques jours au sein même d'une entreprise. Idem pour faire découvrir aux futurs magistrats le monde entrepreneurial. Enfin face à la question d'une réforme du financement des syndicats (y compris patronaux) et des organismes paritaires, Pierre Gattaz reste prudent, tout en évoquant une "évolution nécessaire" dans ce domaine qui figurera au menu de la prochaine université du Medef s'il est élu.

Au terme de son allocution, l'industriel Serge Dassault en personne a pris la parole pour l'interroger, lui affirmant son soutien.

Hervé Lambel,"une vision entrepreneuriale du syndicalisme"

Outsider singulier, Hervé Lambel s'exprime lentement une fois son tour venu. Il est venu défendre l'idée d' "une vision entrepreneuriale du syndicalisme" et met l'accent sur le rôle des patrons de petites entreprises : "un patron de grande entreprise n'a pas intérêt à avoir un fournisseur en mauvaise santé économique" insiste-t-il devant l'assemblée. Pour lui, les négociations doivent davantage s'opérer localement, au cas par cas.

En outre, ce co-fondateur du Créateurs d'emplois et de richesse en France (CERF) entend proposer de réformer le financement de la protection sociale et du paritarisme. Sa première mesure s'il est élu ? Agir pour la suppression de la TVA interentreprises. Hervé Lambel est également favorable au remplacement de l'ISF par un "investissement solidaire de fortune" au service de l'investissement mais aussi favorable aux contribuables.

Patrick Bernasconi, reprendre la main sur la formation

Dans son costume impeccable de circonstance, le président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), longtemps proche de Laurence Parisot, s'avance ensuite devant les micros. Comme ses prédécesseurs, il considère que le passage aux 35 heures a été une erreur et propose des négociations au cas par cas. "Plus on passera par l'entreprise et moins par la loi, plus on réussira" s'exclame-t-il, proposant une constitutionnalisation des accords pour "avancer avec de vrais garanties". La réforme du marché du travail est pour lui aussi essentielle. Avec celle de l'assurance chômage et la réduction des dépenses publiques, il en fait l'une de ses priorités s'il accède à la présidence du Medef. Il entend amener les partenaires sociaux à aller plus loin sur le chemin de la compétitivité présentant l'accord signé le 11 janvier comme "une première pierre".

Mais c'est sur la thématique de la formation que Patrick Bernasconi se distingue de ces concurrents. Dans un pays où chaque année près de 150.000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification, il insiste "nous devons reprendre la main sur la formation" et considère l'apprentissage et les filières courtes comme des priorités. Il propose même d'autoriser à débuter une formation en apprentissage avant l'âge de 16 ans. Au sein de l'organisation patronale, il rejoint Thibault Lanxade sur une réforme de l'articulation des Medef territoriaux. Interpellé sur le sujet des versements obligatoires aux organismes paritaires (dont les OPCA), Patrick Bernasconi juge "qu'il est un peu tôt pour aller vers une suppression de ces versements par les entreprises". Enfin sur la forme, cet entrepreneur de 57 ans se décrit comme un rassembleur qui "fonctionne de façon très collégiale". Apprécié des syndicalistes pour cette qualité, c'est lui qui a représenté le Medef lors des négociations sur la sécurisation de l'emploi.

A 10h45, les corbeilles à viennoiseries offertes aux invités sont presque vides, les présentations touchent bientôt à leur fin. Place au dernier candidat venue défendre sa candidature, Geoffroy Roux de Bézieux.

Geoffroy Roux de Bézieux,défendre l'initiative privée

Dirigeant de Virgin Mobile, fondateur de The Phone House, ce cinquantenaire jouit de la demi-heure qui lui est alloué à son tour pour avancer ses pions dans cette bataille pour la présidence du Medef. Stratégiquement, il choisit d'axer son discours sur ce qui le différencie des autres candidats. Plusieurs valeurs fondamentales sont pour lui essentielles à défendre dont l'initiative privée ("le cadre fixé par l'Etat doit être favorable et non directif") et l'action des capitaux-risqueurs. "Alors qu'il n'y a pas de création de richesse sans prise de risque, tout notre cadre légal décourage cette prise de risque" fait-il valoir, prenant pour exemple l'inscription du principe de précaution dans la législation.

Il rejoint les autres candidats sur l'enjeu de pédagogie et appelle l'ensemble des patrons français à aller dans les médias faire de la pédagogie macro et micro économique. Pour lui, l'attractivité de la France est primordiale, et le problème du coût du travail fondamental. Sur la question du financement des organisations syndicales et patronales sa réponse est claire : "il faut que l'ensemble des organisations soient financées par les cotisations de leurs adhérents, et uniquement par celles-ci car leur légitimité vient de là". Enfin, en tant qu'ancien président de l'Unédic, le candidat Roux de Bézieux met en avant son expérience des relations avec les syndicats : "Je suis sans naïveté" face à ces représentants, lance-t-il à l'assemblée. A bons entendeurs.
 

Commentaires 7
à écrit le 15/05/2013 à 19:15
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Le MEDEF est une source de l'économie française et mondiale, c'est une source de vie. Pour les classes moyennes et défavorisées, c'est une importante source de vie avec la société moderne. La population mondiale ne veut pas une vie de souris, elle v...

le 15/05/2013 à 20:37
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@bangla... Je suis d'accord avec l'essentiel de votre commentaire, mais le problème est bien le capitalisme à outrance...le medef, comme les politiciens, ou même comme les syndicats véreux, ne voient que leurs intérêts personnels, leurs réussites, le...

le 15/05/2013 à 21:49
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« Prolox », si j'ai bien compris, vous êtes quelqu'un de responsable, ayant le courage d'accepter la vérité comme elle l'est ; certains capitalistes vont à l'extrême, mais pas tous ; ceux qui sont à l?extrême , c'est notre devoirs de les convaincre, ...

à écrit le 15/05/2013 à 12:53
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je considère que le medef confirme surtout son image hyper rétrograde ..;après avoir empoché les sous pour les 35 heures tout en augmentant la charge de travail jusqu'à un point de "presque" rupture et en empochant les bénéfices de tout ça, les voilà...

à écrit le 14/05/2013 à 21:56
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la secte des patrons bourgeois! le mépris d'ernest antoine seillière n'avait d'égal que les mensonges de parisot! ils ont fait leur fortunes sur le dos des moutons qui nous servaient de parents... mais les enfants ne sont pas aussi maléables... quand...

le 15/05/2013 à 11:15
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@prolox Au Medef, ils sont inconscients, complètement déconnectés de la réalité, et ils vont effectivement être un jour réveillé par une explosion sociale, où Mai 68 pourrait faire figure dans les annales d'une douce manifestation potache. Il faut pe...

à écrit le 14/05/2013 à 21:28
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curieux ,ils ne parlent pas des patrons français de PME qui veulent réussir sans se développer,qui sont frileux à l'export ,alors que les allemands le sont beaucoup moins.....leurs idées(?) ne sont hélas pas novatrices .

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