« L’optimisation fiscale pratiquée par les cigarettiers est inacceptable »

L'industrie du tabac dégagerait un milliard d'euros de bénéfices annuels en France, et ne paierait que 80 millions d'impôt. Une situation intolérable, qui justifie une taxation de ces bénéfices, au profit de la sécurité sociale. Par Thomas Thévenoud, député PS de Saône et Loire
Thomas Thévenoud suggère de changer la politique de lutte contre le tabac en taxant directement le secteur

Votre amendement au projet de loi de Finances 2014 imposant une taxe exceptionnelle de deux ans sur l'industrie du tabac a été rejeté la semaine dernière par l'Assemblée nationale. Néanmoins, vous entendez poursuivre ce combat ?

Oui, j'ai envoyé au président de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale Gilles Carrez une lettre pour lui demander des moyens afin de mener les auditions de l'ensemble des acteurs du secteur. Ceci, afin de pouvoir à nouveau proposer cet amendement. Je n'abandonne donc pas l'idée d'un amendement qui, à mon sens, est nécessaire et solide sur le plan juridique.

En quoi cet amendement est-il nécessaire?

Il a deux buts principaux. D'abord lutter contre l'optimisation fiscale. Selon les chiffres dont je dispose - et que je souhaiterais précisément vérifier lors de mes auditions - l'industrie du tabac réaliserait dans l'Hexagone un bénéfice d'un milliard d'euros par an et ne paierait que 80 millions d'euros d'impôts en France. Ce secteur échappe donc manifestement à l'impôt français et il faut freiner ce mouvement. Mais il s'agit également de modifier les termes de la politique de lutte contre le tabagisme.

Comment cela ?

La politique qui est menée depuis des années consiste à augmenter les prix en espérant que cela dissuadera les fumeurs tout en préservant le chiffre d'affaires des entreprises du secteur. Le prix du tabac doit être homologué par les douanes et ceci donne lieu à des négociations. Ainsi, actuellement, les industriels négocient avec l'État pour que, malgré la hausse de la TVA de 19,6 % à 20 %, le prix du paquet de Marlboro demeure au prix symbolique de 7 euros, et non pas à 7,20 euros comme le voudrait l'arithmétique. Il faut sortir de cette logique schizophrène qui est un échec puisqu'un rapport de la Cour des Comptes a souligné que le tabac coûtait encore à la collectivité 47 milliards d'euros de dépenses globales contre 14 milliards d'euros de recettes fiscales. Je propose de modifier cette logique en taxant directement le secteur et en portant le produit de cette taxe au budget de la Sécurité sociale.

Cette proposition défendrait-elle aussi le secteur des buralistes ?

Oui, car en ne faisant pas porter l'effort que sur le consommateur, on réduit le marché parallèle qui représente aujourd'hui 20 % du marché du tabac en France et pèse sur la profession des buralistes. Le changement de logique que je propose ne peut donc que leur être favorable.

Mais on est encore loin de pouvoir combler les 33 milliards d'euros que vous évoquiez. Votre taxe ne rapporterait que 150 millions d'euros par an pendant deux ans…

C'est un premier pas symbolique. Il s'agit surtout de montrer aux industriels du tabac que la politique de lutte contre le tabagisme va changer et que leur optimisation fiscale est inacceptable. C'est un message qu'il faut envoyer aux Français : ce n'est pas toujours aux mêmes de payer. C'est pourquoi je ne peux être d'accord avec ceux qui disent qu'il est inutile de se mettre l'industrie du tabac à dos pour seulement 150 millions d'euros.

Bercy a jugé votre amendement contraire au droit européen. Qu'en est-il selon vous ?

Le rapporteur général du budget pense, lui, et c'est aussi mon avis, que cet amendement peut très bien s'inscrire dans le droit communautaire parce qu'il a une finalité précise, la santé publique, et qu'il est limité dans le temps à deux ans. Des contributions de ce type ont déjà été mises en place sur d'autres secteurs, comme les banques, par exemple. Si les industriels du tabac veulent porter plainte au niveau européen sur le sujet, je pense que cela promet un joli débat d'où ils ne sont pas sûrs de sortir gagnants.

Votre amendement a déclenché la colère du secteur du tabac…

Oui, il y a eu un lobbying intense à l'Assemblée nationale, puisque tous les députés de la majorité qui n'avaient pas ouvertement soutenu mon amendement ont reçu des coups de fils et des argumentaires de la part des entreprises du tabac. Je compte du reste utiliser mes auditions pour demander si ces sociétés établissent systématiquement des fiches sur chaque député comme c'est le cas au parlement européen pour évaluer leur « proximité » avec l'industrie du tabac.

Le gouvernement a-t-il subi également des pressions ?

Je sais que Matignon a reçu deux coups de fil où on a rappelé qu'un cigarettier avait encore deux usines en France, dont une en Loire-Atlantique, le département du premier ministre. On a donc tenté de se livrer à un chantage à l'emploi, à mon sens assez dérisoire puisque le secteur du tabac a largement délocalisé et n'emploie plus que 2.500 personnes en France. C'est autant que le seul hôpital de ma ville de Mâcon !

Commentaires 9
à écrit le 11/12/2013 à 12:27
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Le parlement a voté il y a quelques jours, la suppression d'une dette de 4 millions du journal l'Humanité, hors des subventions (injustifiées) données à la presse en générale, c'est un Scandale à 4 millions, un scandale électoral, LA TRIBUNE que je l...

à écrit le 11/12/2013 à 8:14
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Benefice realise en France taxation en France pour l egalite des chances avec les PME...et la cigarette coute chere en plus à la SS

à écrit le 10/12/2013 à 22:13
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Est-ce que la nouvelle loi sur le raccolage c'est pas aussi de l'optimisation fiscale ? A 1500 euros la pipe, il vaut mieux fumer la moquette :-)

à écrit le 10/12/2013 à 17:43
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Tant qu'on aura des niches fiscales, on pourra s'offusquer ... Solution assez simple : supprimons TOUTES les niches, recentrons la fiscalité sur 2 ou 3 grands impôts et taxes (et ajustons les barèmes) : l'argent rentrera dans les caisses et il n'y a...

le 11/12/2013 à 8:15
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le 11/12/2013 à 11:12
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le 11/12/2013 à 13:53
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le 12/12/2013 à 0:28
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Mais qu'entend-on par niche fiscale ? La deduction d'un don aux resto du coeur est officiellement une niche... Pas sur que sa suppression reduise la fraude. Et ce n'est pas la seule "niche" a etre utile, loins de la.

le 12/12/2013 à 19:56
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le prix du paquet de Marlboro demeure au prix symbolique de 7 euros, et non pas à 7,20 euros comme le voudrait l'arithmétique. 20centimes d'augmentation pour0,004% d'augmentation?

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