Le patron de la Bundesbank martèle "qu'une attaque sur l'euro est vouée à l'échec"

De passage à Paris, mais boudé par l'Elysée, le président de la Bundesbank et candidat officieux à la présidence de la BCE, Axel Weber, a indiqué que le fonds d'aide européen (ESM) de 750 milliards d'euros suffira à dissuader de spéculer sur l'euro et la dette des Etats-membres, comme l'Irlande, en difficulté. Sinon, "on devrait augmenter cet engagement [financier, NDLR] mais cela ne sera pas nécessaire". Il se refuse à exiger de Dublin une hausse de son impôt sur les sociétés et salue les priorités de la présidence française du G20.
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Sous les dorures du Palais Beauharnais, à quelques encablures de l'Assemblée nationale, le président de la Bundesbank, Axel Weber, a tenu mercredi soir à rassurer à propos de l'euro. Il n'y a pas d'alternative à l'euro, a-t-il martelé durant toute la soirée devant un parterre d'anciens ministres, députés et de chefs d'entreprises français.

"Quelles ont les alternatives [à l'euro, NDLR] ? Le deutschemark (DM) n'est pas une alternative", a lancé Axel Weber, présidant pourtant l'institution qui pendant cinquante ans a géré avec succès le DM. "On sait vite contre quoi on est" mais il est plus difficile de bâtir quelque chose, a-t-il rétorqué au député Jacques Myard qui s'est lui-même qualifié d'"eurosceptique". Peu avant le président de la Buba avait déjà indiqué "qu'il n'y a pas de marche arrière sur cette voie de l'Union monétaire" en Europe.

Ce membre influent du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a surtout tenu à dissiper les inquiétudes et incertitudes sur la capacité de la zone euro à faire face aux difficultés financières de certains pays et à la spéculation sur leurs emprunts d'Etat sur les marchés. Les 750 milliards d'euros mis à disposition en mai dernier pour le sauvetage d'un pays de la zone euro en difficulté à travers le Mécanisme de stabilisation européen [ESM, et qui pour la première fois a été sollicité par l'Irlande cette semaine, NDLR], après la crise grecque, "devraient tout à fait suffire pour convaincre les marchés qu'une attaque sur l'euro serait vouée à l'échec", a indiqué Axel Weber.

Il met en avant que la dette publique cumulée des quatre pays à risque, les fameux "Pigs" (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne) totalise à peine 1.070 milliards d'euros, ce qui, selon les données de la BCE, est moins de 15% de la dette totale des pays de l'euro. Si ce n'était pas le cas, le président de la Bundesbank a indiqué "que l'on devrait augmenter cet engagement [financier, NDLR] mais cela ne sera pas nécessaire".

Il insiste cependant sur le fait que l'aide à la Grèce ou celle de l'ESM ne sont que "des aides provisoires" et qu'il ne s'agit pas d'instaurer "un transfert de fonds durable" envers ce pays ou d'autres dans la même situation. "Les Etats actuellement les moins stables dans la zone euro, ont la responsabilité d'être les plus stables à l'avenir", a-t-il ajouté.

PAS D'EXIGENCE SUR LA FISCALITE IRLANDAISE

Cet ancien professeur d'économie à l'Université de Cologne a contre toute attente déconseillé de s'immiscer dans les choix de politiques budgétaires des Etats-membres. "En tant que membres de la banque centrale, nous regardons la dette des Etats souverains. Je ne suis pas d'avis qu'il faille s'immiscer dans la politique des comptes publics des Etats. En tout cas nous avons renoncé à dire comment les pays membres doivent organiser leurs recettes et leurs dépenses, nous ne regardons que le solde", a-t-il souligné.

"Je ne suis pas d'avis qu'avec Bruxelles nous imposions à Dublin comment elle doit organiser sa politique en matière de fiscalité", a répondu Axel Weber à propos des demandes insistantes sur le continent pour que l'Irlande hausse son taux d'imposition sur les sociétés, actuellement un des plus bas d'Europe à 12,5%, soit presque trois fois inférieur à ceux pratiqués en France et en Allemagne.

"Il faut distinguer très nettement et ne pas mélanger les questions d'harmonisation des politiques fiscales dans l'Union européenne (UE)" et le débat sur la dette publique des Etats dans le cadre du pacte de stabilité, a précisé Axel Weber. Il rejette donc toute conditionnalité fiscale à l'aide promise à l'Irlande. "Nous ne serions pas bien avisés de dire aux Irlandais comment ils doivent élaborer leur budget", a insisté le chef de la Bundesbank, alors que le parlement irlandais doit voter le 7 décembre prochain un budget d'austérité, un vote qui est une condition au déblocage de l'aide européenne au pays.

Il a d'ailleurs aussi relativisé le risque encouru par les banques allemandes avec une faillite de l'Irlande et de ses banques, indiquant que sur les quelques 130 milliards d'euros d'exposition des établissements allemands sur l'Irlande, "plus de 100 milliards d'euros sont en fait des lignes de crédit, de liquidités que des groupes allemands ont octroyé à leurs filiales irlandaises [installées là pour des raisons fiscales mais non opérationnelles, NDLR] et donc cela n'a donc absolument rien à voir avec l'Irlande elle-même", a expliqué Axel Weber.

"LA BCE PARLE D'UNE SEULE VOIX"

Le président de la Bundesbank a été plus évasif sur sa candidature au poste de président de la BCE, en remplacement du français Jean-Claude Trichet qui quittera son poste en novembre prochain. Il a au moins évité de remettre en cause l'autorité de l'actuel président, comme de récentes déclarations publiques d'Axel Weber l'avaient fait s'attirant l'ire de Jean-Claude Trichet. "La BCE ne parle qu'avec une seule voix et elle est exprimée parle président de la BCE : cela a toujours été le cas et cela le restera", a tranché le banquier central allemand. Tout juste s'est-il permis d'expliquer qu'il y a des positions différentes au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE et que d'ailleurs un tel organe de décision vit aussi de tels débats, citant son homologue de la Fed américaine, Ben Bernanke : "quand deux personnes ont le même avis, une des deux est superflue" ...

"Mon job actuel est président de la Bundesbank : je n'ai pas d'autres fonctions et ne veux pas en avoir (...) il ne faut pas faire usage de fantaisie pour l'avenir", a indiqué Axel Weber. Le banquier allemand, plutôt peu apprécié à l'Elysée, a placé mercredi soir rue de Lille des jalons pour un rapprochement avec Paris.
Il a ainsi indirectement salué l'agenda fixé par Nicolas Sarkozy pour la présidence française du G20, qualifiant de "thème central (...) les déséquilibres [économiques] mondiaux" et "extrêmement importante" la régulation des marchés des matières premières, soient des priorités explicites de Paris... "Je me félicite des discussions avec mes collègues français lors de la préparation du G20", a ajouté Axel Weber, bien disposé à revenir à Paris à cet effet.

BOUDE PAR L'ELYSEE

Pour le moment Nicolas Sarkozy n'a pas montré vouloir rompre son hostilité envers le président de la Bundesbank, qu'il voit comme artisan d'une politique monétaire trop inflexible et orthodoxe. Bien qu'à Paris, Axel Weber n'a en effet pas été reçu à l'Elysée, des conseillers du président se décommandant d'ailleurs dans l'après-midi de mercredi alors qu'ils avaient indiqué vouloir écouter le patron de la Bundesbank lors de son intervention à la résidence de l'ambassadeur d'Allemagne.

Mais il y a fort à parier que plusieurs des hôtes de renom de la "soirée Axel Weber", qui ont dialogué avec lui mercredi soir, auront l'occasion d'en parler au président français : le directeur du Trésor, Ramon Fernandez, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, les anciens ministres Edmond Alphandéry et Francis Mer, la présidente du Medef, Laurence Parisot, ou le PDG de la Société Générale, Frédéric Oudéa et celui d'EADS, Louis Gallois.

Et peut-être le candidat allemand au fauteuil de Jean-Claude Trichet aura un peu plus les faveurs du palais de l'Elysée, qui décidera si oui ou non il peut rêver de diriger la BCE à partir de novembre prochain.

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