Affaire DSK : la presse étrangère a-t-elle raison de faire le procès de la France ?

Au-delà de l'affaire elle-même, la réaction des Français criant au complot contre DSK a été minutieusement décortiquée par la presse étrangère. Elle dénonce le silence des journalistes devant les écarts de comportement des hommes politiques et des Français habitués à une justice qui protège les puissants.
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"Je ne considère pas que l'image de la France soit entamée par cette affaire, confiait, au lendemain de l'incarcération de Dominique Strauss-Kahn aux États-Unis, Laurence Parisot. C'est l'affaire d'un homme, c'est une affaire individuelle, ce n'est pas une affaire collective." On ne peut qu'être ébloui devant une telle sérénité quand l'affaire DSK a plongé la France entière dans la sidération. La présidente du patronat français ne lit donc pas la presse étrangère, qui a consacré des pages entières à l'incrédulité des Français dont plus de la moitié crie au complot ? Peut-elle s'en tenir aux faits incriminés, et passer sous silence l'incroyable choc des cultures qui a surgi dans ce face-à-face entre la France et les États-Unis, et dont la première ne sort pas grandie ?

Car le directeur général du FMI venait à peine d'être incarcéré que les éditorialistes du monde entier traquaient dans l'affaire non seulement nos travers gaulois, mais plus encore le fonctionnement de la France. Avec des mises en cause qui dépassent de très loin le coup de griffe amical du portrait gentiment féroce d'un pays qui s'adonne joyeusement à la gaudriole. Un portrait qui accuse pêle-mêle l'indulgence de la presse et une justice française qui protège les puissants. Mais l'affaire a aussi révélé des stratégies de conquête du pouvoir trop dépendante de la "starification" des leaders.

La "subtile hypocrisie de la France" dénoncée par Il Giornale

D'abord, le respect de la vie privée des hommes politiques a été érigé en sanctuaire dans les rédactions françaises. Ce que le New York Times a appelé "le code du silence". Sans vouloir "favoriser la victoire du buzz et du trash", selon les mots du directeur de la rédaction de Libération, il faut bien dire que cette "subtile hypocrisie de la France", dixit le quotidien italien Il Giornale, est un vrai problème. Le fait est qu'en France le respect de la vie privée est devenu le paravent de bien des turpitudes et de certains renoncements journalistiques. Il repose sur le postulat qu'il existerait une paroi parfaitement étanche entre vie publique et vie privée. Dans un rigorisme très américain où la valeur du contrat est sacrée, la journaliste américaine du New York Times, Elaine Sciolino, a affirmé au journal Le Monde, "si un homme politique ne craint pas de violer son contrat avec son épouse, comment être sûr qu'il le respectera avec les citoyens ?".

Sans s'ériger en ayatollah des bonnes moeurs, la question de la crédibilité d'un responsable qui, dans sa vie privée, agit à l'encontre du discours qu'il porte n'est pas sans fondement. À bien y regarder, cette sanctuarisation de la vie privée a fini par dévaloriser la vie publique dans l'opinion : elle est au coeur de la dynamique du "Tous pourris" et d'une quête grandissante de l'exemplarité des politiques. Car, sans être américains, les Français sentent bien que la frontière est de plus en plus floue : où s'arrête la sphère privée quand elle peut conduire à un dérapage qui, sans aller nécessairement jusqu'au viol, porte atteinte à l'homme public, sa stature et son crédit ? Avec l'affaire DSK, le mur entre vie publique et vie privée s'est fissuré dans les rédactions, comme dans les appareils politiques.

Le fonctionnement de la justice ensuite. La rapidité avec laquelle celui qui avait un statut de quasi-chef d'État a été arrêté, s'est vu refuser jusqu'ici la mise en liberté provisoire par la juge (républicaine) du tribunal de New York, Melissa Jackson, dans une médiatisation inconnue en France, puis a été incarcéré, a stupéfait les Français. Au point que nombre d'hommes de gauche en sont venus à parler de DSK comme d'une victime, sans penser à la femme de chambre ! C'est que, là aussi, a surgi un choc des systèmes judiciaires.

Les Français en état de sidération

"Quand, en France, la procédure inquisitoire donne au juge ou au parquet toute latitude pour tempérer, le système accusatoire américain se révèle rigoureusement codifié dans la procédure comme dans les chefs d'accusation, mais aussi extraordinairement égalitaire", relève le centriste Jean-Louis Bourlanges. Au-delà de l'Atlantique, l'exhibition médiatique du prévenu vise à montrer que nul n'est au-dessus des lois. Quand, en France, la présomption d'innocence protège d'abord le suspect et le procureur y représente la société, aux États-Unis, c'est au nom de la victime que le procureur porte l'accusation et recueille les éléments à charge.

Enfin, autre découverte, l'état de sidération de la gauche devant la disparition brutale du favori des sondages pour 2012 confirme que les candidats sont devenus à l'excès le pilier des stratégies d'appareil. "Le président concentrant tous les pouvoirs en France, remarque le sociologue Jean Viard, chaque camp surinvestit sur son leader, hissé au rang de star dont l'ascension est dûment préparée, pour conquérir le pouvoir à chaque étage de la machine politique." Or, pour lui, c'est clair : "Dans chaque camp, cette starification à outrance des candidats, devenue le moteur stratégique des appareils, a remplacé le véritable projet de société, le programme cohérent et porteur."

Commentaires 41
à écrit le 21/05/2011 à 0:55
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Vous avez raison la curée doit commencer !!! par qui commence t'on ? parce qu'une chose est sûr DSK n'était pas le seul ..... si d'ici les prochains jour , les rumeurs ne remontent pas à la surface "publique" pour d'autres homme politique, vous pouv...

à écrit le 20/05/2011 à 21:50
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Comment peut-on parler de système égalitaire de la justice américaine alors qu'on voit bien que c'est l'argent qui va décider du sort du prévenu?

à écrit le 20/05/2011 à 18:39
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Dans un éditorial, le Daily Mail a évoqué un conspiration du silence. Et c'est bien la vérité. La haute bourgeoisie française (de Gauche comme de Droite) a sa propre justice. Une véritable censure empêche toute information. Et les autorités n'ont pas...

à écrit le 20/05/2011 à 17:33
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Superbe, félicitations, enfin un éditorial pertinent, humble et vrai. Merci sincèrement.

à écrit le 20/05/2011 à 16:52
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Article courageux. Mais quelle est cette puissance occulte qui amène tant de journalistes à renoncer? Pourquoi les médias sont-ils de plus en plus muselés et les journalistes empêchés de faire leur travail d'information? Cette affaire Strauss-Kahn es...

à écrit le 20/05/2011 à 16:38
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suite a ce complot notre pays vat connaitre des heures difficiles,ne pas oublier nous sommes basculé sous un regime fachiste

à écrit le 20/05/2011 à 16:22
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Si nombre de politiques s'insurgeaient de la façon dont DSK était « malmené », de nombreux citoyens lambda trouvaient cet état tout à fait normal. Un de mes amis m'a expliqué qu'il trouverait presque normal que la présumée victime se retourne contre ...

à écrit le 20/05/2011 à 15:48
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Bel article, de qualité.

à écrit le 20/05/2011 à 15:27
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Excellent article ! c'est très juste

à écrit le 20/05/2011 à 15:25
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La France est un pays de crapules !!!

le 20/05/2011 à 15:53
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Patrickb toutjours aussi objectif...mais alors dites moi Madoff, Fuld (Lehman Brothers), Mozillo (Inventeur des subprimes), tous les traders de Wall street, les Freddie Mac, Fannie Mae, World Tobacco, World Company, Busch, le secret défense sont tous...

à écrit le 20/05/2011 à 15:23
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excellent article

à écrit le 20/05/2011 à 14:21
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Voyons! Le monde entier sait que les français sont les meilleurs dans tout! Ils peuvent donner des leçons aux autres mais par contre ils sont très fragiles dans ce domaine! Surtout pas un "nanglo-saxon" = l'horreur ! Alors, no comment !

à écrit le 20/05/2011 à 14:15
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Mais où est passée Elisabeth Badinter, réflexe de classe peut-être?

le 20/05/2011 à 15:49
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Hé bien, parmi les noms des témoins du mariage de DSK, il y avait Badinter et Kahn. Ceci explique peut-être cela ?

à écrit le 20/05/2011 à 13:41
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"subtile hypocrisie de la France" ok, mais qu'ont fait les italiens de Berlusconi? que font les puritains d'américains en inondant internet de leur pornographie? la xénophobie ne pouvant plus s'exprimer ouvertement, elle le fait via d'autres canaux.....

le 22/05/2011 à 4:31
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Exact, et si on le lynche lui ET la presse avant le procès, préparez vous pour un potentiel méga-retour de bambou de la presse pendant et après le procès. J'ai remarqué que malgrès les attaques, beaucoup de journalistes gardent également la tête froi...

à écrit le 20/05/2011 à 13:30
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C´EST BIEN DIT EN PARTICULIER QUAND TU DIT CELTHIC QU´IL N´Y A PAS DE PETITS ARRANGEMENTS, C´EST CLAIR QUE CES PAYS QUI VEULENT NOUS FAIRE LA MORALE, IL DEVRAIT PRENDRE EXEMPLE SUR NOUS

à écrit le 20/05/2011 à 13:13
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Posez-vous certaines questions et les réponses vieindront d'elles-même : Pourrait-on imaginer notre Président (actuel, passé ou futur) expliquer en détail devant les caméras de télévision du monde entier qu'il a eu des relations extra-conjugales avec...

le 20/05/2011 à 15:51
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Attention, vous mélangez des faits relevant de l'ordre du privé d'une affaire de viol. Cela n'a rien à voir.

à écrit le 20/05/2011 à 13:00
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Dans cet article, il y a effectivement matière à réflexions, tant sur la société française qu'américaine et en règle général anglo-saxonne, au travers du fonctionnement de la justice que de celui des médias. En France, s'il n'y a pas délit, les média...

à écrit le 20/05/2011 à 12:54
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nos médias fixes a gauches doivent retenir la leçon

à écrit le 20/05/2011 à 12:53
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La presse n'a pas besoin, les Français à l'étranger s'en charge :-)

à écrit le 20/05/2011 à 12:44
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En économie cela s'appelle un oligopole, en politique une oligarchie, mais c'est exactement la même chose, et les conséquences sont tout aussi désastreuses. En France, nous avons les deux et ils s'alimentent l'un et l'autre. Plus que nul part ailleur...

le 20/05/2011 à 16:42
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merci de votre commentaire très pertinent sur notre pays cela fait plaisir.

à écrit le 20/05/2011 à 12:41
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il n'y a aucune election démocratique en france . l'ump et le ps rassemble environ 30% des inscrits et representent la presque totalité des élus. et les journalistes qui ont des avantages fiscaux accordés par ces crapules de politique ne peuvent qu'e...

à écrit le 20/05/2011 à 12:10
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aucuns pays ne doit donner de leçon à la france,et encore moins vouloir faire la morale comme le font les américains comme les anglais. les américains n´ont rien à dire, sachant qu´ils se font passer pour des puritains alors qu´il n´y a pas pire qu´...

le 20/05/2011 à 15:57
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Lucienne, vous mélangez joyeusement le fait de faire l'amour et le viol. Je vous rappelle que le second est un crime.

à écrit le 20/05/2011 à 11:52
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Pour des postes subalternes ,une enquete de moralité peut etre faite alors pourquoi n'est-elle pas obligatoire pour ceux qui veulent diriger ,représenter un pays , notre pays ,la France ?Cette enquéte n'étant pas divulguée à tous bien sur .

à écrit le 20/05/2011 à 10:15
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Cette "affaire" a non seulement porté un regard critique sur l'omerta à laquelle nous sommes soumis, mais a aussi mis à l'index : - la faiblesse des critères de recrutement au FMI, - l'absence de sécurité personnelle accordée au DG du FMI, un poste à...

le 20/05/2011 à 15:58
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Heu, et la victime ? Vous n'avez pas le sentiment de passer à côté de l'essentiel dans votre analyse ?

à écrit le 20/05/2011 à 10:06
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On a peine à imaginer le nombre d'affaires qui ont été étouffées.. ou que la presse s'est refusée de communiquer.. notre république bananière a encore de l'avenir !! et avec tout ca, ils voudrait qu'on fasse confiance ... à qui ... à quoi ???

le 20/05/2011 à 15:59
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A Marine !

à écrit le 20/05/2011 à 9:44
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Que ferait la presse Française si le scandale venait des USA, des Britanniques où d'ailleurs ???

à écrit le 20/05/2011 à 9:13
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Très bon article, et oui chers hommes politiques, nous n'avons plus confiance en vous et nous savons pertinement que vous en avez rien à fout.e de nous. C'est un véritable problème de gouvernance: Les hommes au pouvoir ce réclame de nous mais nous ne...

le 20/05/2011 à 9:37
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Avez vous vraiment lu et compris l'article ? Les journalistes étrangers ne remettent pas en cause nos hommes politiques mais la presse... Votre commentaire est complètement à côté de la plaque !

le 20/05/2011 à 11:55
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Je pense que vous devriez egalement relire l'article REMI.

à écrit le 20/05/2011 à 8:48
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il est évident que la presse française protège les puissants. c'est aussi une des raisons de sa perte de vistesse

le 20/05/2011 à 10:13
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Il est tout aussi évident qu'une certaine presse, à large diffusion, se nourrit de bruits de couloirs, d'accusations non vérifiées, d'éditoriaux nauséabonds pour satisfaire un public avide de ragots.

le 20/05/2011 à 11:25
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oui, mais cette presse là ne s'attaque pas trop aux politiques, je me trompe ?

le 20/05/2011 à 13:44
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Lola: oui, vous vous trompez: relisez Marianne, Le Canard enchaîné, Rue89, Mediapart entre autres. Non seulement les politiques ne sont pas épargnés, mais ils sont la cible principale des ragots. C'est d'ailleurs ce qu'attendent leurs lecteurs.

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