Pékin freine le développement du rail

Après le limogeage du ministre des chemins de fer chinois pour corruption en février dernier et le grave accident ferroviaire de Wenzhou le mois dernier, les autorités chinoises sont sous pression pour réformer le secteur ferroviaire. Pékin vient de suspendre tout nouveau projet ferroviaire.
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Les compagnies chinoises liées au réseau de chemin de fer dans l'Empire du Milieu ne sont pas à la fête. 

Ce jeudi, le cours des actions de China Railway Group Ltd. ont chuté de 7,4% au prix journalier le plus bas depuis son introduction en 2007 à la Bourse de Hong-Kong. De même l'action de CSR, plus grand constructeur de trains du pays, a elle aussi dévissé.

Cette mauvaise performance est clairement la conséquence de l'annonce mercredi par le gouvernement chinois de la suspension des nouveaux projets de chemins de fer et la mise en place des contrôles de sécurité sur les lignes existantes.

Cette décision des autorités chinoises est le contre-coup de l'accident ferroviaire du mois dernier à Wenzhou entre deux trains à grande vitesse. Un accident qui a ému la Chine, quarante personnes y ayant perdu la vie. Un débat sur les limites humaines de la croissance du pays s'est même engagé.

Le pouvoir chinois est de toute évidence en pleine réflexion sur une restructuration du secteur ferroviaire, un mastodonte à peine dépassé par le secteur ferroviaire indien. L'idée d'une scission du gigantesque minsitère compétent est ainsi évoquée. 

"II est temps de démanteler le ministère des chemins de fer afin d' épargner des vies. Le ministère prend tout en charge de la construction au contrôle, on ne peut raisonnablement pas penser qu'il peut être bon juge quant au contrôle de ses propres opérations", plaide Zhao Jian, expert des transports de l'université Jiaotong de Pékin.

Après le limogeage de l'ancien ministre Liu Zhijun pour corruption en février et l'accident de Wenzhou, ce farouche défenseur d'une réforme de ce ministère surnommé le "royaume indépendant" a trouvé des soutiens.

Avec un nombre d'employés supérieur à celui du gouvernement américain (2,1 millions) et une dette plus importante que celle du Danemark (2.000 milliards de yuans soit environ 219,7 milliards d'euros), le ministère des chemins de fer est le dernier à cumuler les rôles de régulateur et d'opérateur, contrairement aux autres ministères contrôlés par Pékin dont l'aviation, les télécommunications et l'énergie.

La tradition d'opacité de la maison (le ministère a ses propres tribunaux) favorise aussi la corruption à grande échelle. L'ancien ministre du rail Liu Zhijun a accepté plus d'un milliard de yuans (environ 110 millions d'euros) de pots-de-vin. La catastrophe de Wenzhou a été révélateur de ces pratiques: le public chinois a été particulièrement choqué quand un des wagons a été enterré alors que l'enquête était encore en cours.


Le train rapide chinois trop cher, construit trop rapidement

Le TGV chinois faisait la fierté de Pékin : grâce à la technologie empruntée au Shinkansen Japonais et à l'allemand Siemens, la Chine pouvait entrer dans la cour des grands. Seulement, même avant l'accident de Wenzhou, les experts et l'opinion publique s'interrogeaient sur ce projet trop cher, développé trop rapidement. La Chine qui a ouvert sa première ligne à grande vitesse en 2007 possède aujourd'hui le premier réseau de ce type au monde. Selon les plans, il doit atteindre 13.000 km fin 2012 et 16.000 km d'ici 2020.

Il a fallu débloquer des sommes colossales pour faire avancer ce chantier, premier bénéficiaire de la relance très controversée de 4.000 milliards de yuans (environ 439,4 milliards d'euros) de Pékin en 2008. Ainsi, le niveau d'investissement en Chine représente près de 50% de l'économie, soit trois ou quatre fois le niveau des Etats-Unis ou du Japon.

La Chine construit ses chemins de fer en trois ans au lieu des dix à vingt ans nécessaires en temps normal. Et qu'importe si les mesures de sécurité n'ont pas toutes été respectées... Ainsi l'emblématique ligne Pékin-Shanghai a été mise en service un an avant la date prévue et surtout à la veille du 90ème anniversaire du Parti communiste chinois. Les premières semaines, les pannes et les retards se sont multipliés sur cette ligne.

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