En net retrait, le yen a retrouvé ses niveaux de mai 2011 face au dollar

Alors qu'elle s'échangeait encore à 76,03 yens pour 1 dollar début février, la monnaie japonaise s'est très nettement affaiblie ces dernières semaines. Un mouvement appelé à s'essouffler, selon les experts, si la Banque du Japon ne muscle pas davantage encore son action contre la déflation.
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En dévoilant une nouvelle augmentation de son programme de rachat de titres pour l'équivalent de 100 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année et en se fixant un objectif d'inflation à 1%, la Banque du Japon (BoJ) avait créé la surprise sur les marchés financiers le 14 février dernier. Pour certains intervenants, la BoJ, sous la pression des politiques, était peut-être passée à la vitesse supérieure pour soutenir son économie.  Conséquence, le yen s'était nettement replié.

Depuis, force est de constater que le mouvement ne s'est pas inversé. Vendredi, la monnaie nippone s'échangeait jusqu'à 81,73 pour 1 dollar, s'éloignant ainsi des points hauts du début du mois de février (76,03 yens pour 1 dollar) de 6,6%. Le yen évolue désormais à ses niveaux du mois de mai 2011 sans que la Banque centrale, au nom du ministère de Finances, n'ait eu besoin d'intervenir sur le marché des changes entre le 30 janvier et le 27 février. L'intervention massive réalisée l'automne dernier, alors que le yen venait de battre un nouveau record face au dollar à 75,35 le 31 octobre, avait finalement eu moins de succès. La Banque du Japon aurait donc convaincu ? Les stratégistes semblent pourtant sceptiques.

Des doutes sur les motivations de la Banque du Japon

« Certes, la Banque du Japon mène une politique plus accommodante, mais les 10.000 milliards de yens supplémentaires de rachats d'actifs promis ne devraient pas davantage réussir que les précédentes mesures », estiment ainsi les analystes de BNP Paribas. Pour l'équipe de Deutsche Bank, plus que la volonté de générer de l'inflation, ce sont surtout les pressions politiques qui expliqueraient la décision récente de la BoJ. Or, en l'état, le différentiel de rendements entre Etats-Unis et Japon tend davantage à inscrire le dollar autour de 78 à 79 yens. Seule une décision de la Réserve fédérale de relever ses taux pourrait changer la donne. Reste que celle a promis de maintenir ses taux à des niveaux exceptionnellement bas au moins jusqu'à fin 2014. De fait, si le dollar peut aller taper les 82-83 yens, Deutsche Bank s'attend à voir le mouvement s'inverser.

Pour Valérie Plagnol, directeur de la recherche chez Credit Suisse, la Banque du Japon pourrait bien, en réalité, être venue appuyer un mouvement qui s'amorçait. L'euro a repris du poil de la bête depuis la mi janvier. Les opérations de refinancement à trois ans de la Banque centrale européenne ont contribué à restaurer la confiance sur les marchés. Et les inquiétudes sur le volet grec se sont quelque peu apaisées. En outre, le marché semble intégrer l'idée que la Réserve fédérale ne s'engagera pas dans une troisième vague d'assouplissement quantitatif. Ce qui permet au dollar de remonter face au yen.

« Avec des anticipations d'inflation négative et des taux d'intérêts nominaux très faibles, les taux réels japonais sont positifs et élevés, ce qui est favorable à la fermeté du yen », rappelle toutefois Valérie Plagnol. A moins que la BoJ ne parvienne à convaincre les marchés que son objectif d'inflation est crédible. Elle pèserait alors sur les anticipations d'inflation, affectant ainsi les taux d'intérêt réels. « Mais la seule détermination de cet objectif ne suffit pas à obtenir de l'inflation », précise-t-elle.

Les pressions politiques devront encore se renforcer

Dans une étude en date du 23 février, les experts de Morgan Stanley faisaient valoir que la communication de la BoJ ne liait aucune mesure de politique monétaire à l'objectif de 1%. "Les nouveaux rachats de titres annoncés seront bouclés d'ici à la fin de l'année, bien avant qu'un éventuel progrès ne puisse être visible en matière d'inflation, faisaient-ils ainsi valoir. Vendredi l'indice des prix à la consommation hors produits périssables témoignait d'un recul de 0,1% sur le mois de janvier. De quoi alimenter l'espoir de nouvelles mesures de la part de la banque centrale.

Du côté de Morgan Stanley, on juge donc que « davantage de pressions politiques sur la BoJ sera nécessaire » pour nourrir le mouvement. En l'absence de telles pressions, le yen pourrait revenir sous les 80 pour 1 dollar. Dans ce contexte, un élément promet d'être suivi avec attention au cours des prochaines semaines : le 4avril prochain, deux postes seront vacants au sein du conseil de politique monétaire de la Banque du Japon. L'arrivée de partisans d'un objectif d'inflation plus élevé pourrait changer la donne. Et la pression monte parmi les parlementaires pour que le gouvernement pousse des candidatures en ce sens et que, d'ici là, la Banque du Japon renforce encore son action.
 

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