Bruxelles veut amputer les États de leurs "golden shares"

La Commission européenne est repartie à la charge jeudi contre les "golden shares", ces droits spéciaux conservés par les États dans des entreprises stratégiques privatisées, ciblant l'Allemagne et l'Italie, qu'elle accuse de restreindre la libre circulation des capitaux.
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Dans le cas allemand, c'est le maintien de la minorité de blocage de l'Etat régional de Basse-Saxe dans le capital du constructeur automobile Volkswagen qui fait tiquer Bruxelles, au nom du respect d'une concurrence équitable.

En 2007, la Commission s'était tournée vers la Cour de justice européenne, qui lui avait donné raison en jugeant illégales trois dispositions de la "loi Volkswagen" adoptée par l'Allemagne après la privatisation du constructeur automobile en 1960, et qui permettaient aux pouvoirs publics de verrouiller son capital. Les autorités allemandes ont amendé la loi Volkswagen en 2008 et supprimé deux dispositions, mais elles n'ont pas touché au troisième point, qui accorde une minorité de blocage à un actionnaire détenant 20% du capital, ce qui est le cas de la Basse-Saxe.

La Commission, qui a cherché en vain à obtenir un accord amiable, a donc annoncé jeudi qu'elle poursuivrait à nouveau les autorités allemandes dans les prochaines semaines devant la Cour de Luxembourg. Elle compte lui demander d'infliger à Berlin une astreinte qui pourrait aller jusqu'à 280.000 euros par jour.

"La loi Volkswagen continue de privilégier les autorités allemandes", a souligné lors d'une conférence de presse la porte-parole du commissaire au Marché intérieur, Michel Barnier. "Volkswagen est une société privée et un tel traitement taillé sur mesure n'a pas lieu d'être", a estimé cette porte-parole, Chantal Hughes.

La Commission s'est défendue de s'acharner sur un fleuron de l'économie allemande, comme une partie de la presse du pays le lui reproche. "Volkswagen est clairement une entreprise qui réussit. Ce n'est pas dans l'intention de la commission d'entraver cette réussite", a assuré Chantal Hughes.

Dans le cas de l'Italie, Bruxelles menace également de saisir la Cour de Justice, cette fois pour les "golden shares" détenues par l'Etat dans des entreprises stratégiques, notamment le géant pétrolier ENI, le groupe d'énergie Enel, l'opérateur Telecom Italia et le géant de l'aéronautique et de la défense Finmeccanica.

Rome dispose d'une législation qui lui permet de s'opposer à la vente d'actions d'une de ces entreprises, à la formation d'un pacte d'actionnaires qui obtiendrait des droits de vote trop importants.

La Commission a toutefois donné encore un mois à l'Italie avant de mettre à exécution cette décision, dans l'espoir de voir Rome bouger sur ce dossier politiquement très sensible. L'Italie vient en effet de changer de chef de gouvernement, avec l'arrivée de Mario Monti, qui fut lui-même commissaire européen pendant une décennie et connaît particulièrement bien les questions en jeu puisqu'il a été chargé d'abord du marché intérieur, de 1995 à 1999, puis de la concurrence jusqu'en 2004.

Les "golden shares" sont depuis longtemps dans le collimateur de la Commission européenne qui avait fait plier le Portugal en juillet dernier. Lisbonne a dû renoncer à ses droits spéciaux dans le capital de Galp Energia, Energias de Portugal (EDP) et Portugal Telecom (PT).

Pour Bruxelles, ces droits spéciaux rendent en effet les investissements dans les entreprises concernées "moins attractifs" et peuvent "décourager les investisseurs potentiels dans les autres Etats membres (de l'Union européenne) d'acheter des actions de ces entreprises".

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