Le SPD allemand se déchire sur le pacte budgétaire européen

Les sociaux-démocrates n'ont pas encore décidé de leur stratégie concernant le vote du 25 mai sur le traité budgétaire européen. Leur choix sera une étape importante dans la définition de la ligne et du candidat du parti avant le scrutin fédéral de 2013. Et pèsera évidemment sur les relations franco-allemandes à l'issue des élections de part et d'autre du Rhin.
Sigmar Gabriel, Peer Steinbrück et Frank-Walter Steinmeier (de gauche à droite), les trois candidats potentiels à la chancellerie pour le SPD. Copyright AFP

Le ton monte au sein du SPD sur le comportement du parti face au projet de traité budgétaire européen. En théorie, le Bundestag et le Bundesrat seront amenés à se prononcer sur ce nouveau traité le 25 mai prochain. Comme le texte induit des pertes de souveraineté, Angela Merkel aura besoin d'une majorité des deux tiers pour qu'il soit adopté par l'Allemagne. Autrement dit, il lui faudra le vote positif des 146 députés sociaux-démocrates et de l'ensemble des Länder dirigés ou co-dirigés par le SPD.

Divergence sur la stratégie

Or, ces derniers ne sont pas vraiment d'accord sur la stratégie à suivre. Sigmar Gabriel, l'actuel président du parti, voudrait clairement faire dépendre l'accord au texte européen de l'adoption par l'Allemagne d'un impôt sur les transactions financières. Il tonne ainsi à longueur de journées contre « le scandale des marchés qui ne sont pas encore régulés ». Et, le 3 mars dernier, il a envoyé à certains députés un SMS les incitant à défendre cette position. Mais cette vision met en rage le chef du groupe parlementaire SPD et ancien vice-chancelier, Frank-Walter Steinmeier. Pour lui, la question européenne ne peut dépendre de considération de politique intérieure et doit être jugée en tant que telle. Autrement dit : le SPD doit voter le projet de traité si celui-ci est bon pour l'Europe.

Echéances électorales

Selon la Süddeutsche Zeitung, les deux hommes se sont violemment opposés lors d'une réunion le 5 mars dernier. La position du SPD concernant le vote du 25 mai est donc encore incertaine. Cette indécision doit en réalité se comprendre à l'aune de deux prochaines échéances électorales. L'une, très proche, est celle de l'élection dans le Land de Rhénanie du Nord Westphalie, le plus peuplé de la République fédérale, où le SPD espère, avec les Verts, glaner la majorité absolue. L'autre, ce sont les élections fédérales de 2013. Pour ces dernières, le parti doit encore définir sa ligne de conduite : ou se distinguer très clairement d'Angela Merkel en adoptant des positions dures face au gouvernement pour tenter d'obtenir la majorité avec les Verts, ou bien limiter le conflit pour ne pas se couper de la possibilité d'une « grande coalition » avec la CDU qui sera sans doute orpheline de son allié libéral.

Deux tendances, trois candidats

Et évidemment, du choix de la stratégie pour 2013 découlera sans doute celui du candidat à la chancellerie (ou inversement) : Sigmar Gabriel incarne très clairement la « gauche » du parti. Lui qui, en 2009, n'avait pas exclu une alliance avec « Die Linke » (il en est aujourd'hui beaucoup moins question, car la cote de popularité du parti d'Oskar Lafontaine est plus faible), se réclame d'un interventionnisme assumé. En face, Frank-Walter Steinmeier et aussi l'ancien ministre des Finances, Peer Steinbrück, représentent l'aile plus modérée, plus proche également de la vision de Gerhard Schröder. Sur le plan européen, ils affichent un certain soutien à la politique du gouvernement fédéral en matière d'assainissement des finances publiques.

Loin de la CDU

Peer Steinbrück est le plus populaire des trois. Mais le SPD a beaucoup perdu de voix dans son « tournant libéral » des années 2000. En 2009, il a atteint son plus bas niveau de l'après-guerre à 23 %. Il a regagné un peu depuis, mais les sondages ne le voient guère plus haut que 30 %, soit déjà 7 points de moins que la CDU. Avec des Verts en perte de vitesse en raison de la concurrence du parti pirate, la victoire de la gauche en 2013 est loin d'être acquise. Sigmar Gabriel défend l'idée que le SPD dispose de réserve de voix à gauche, chez les Verts, les Pirates ou Die Linke. Au centre, la disparition des Libéraux laisse le champ libre à la seule CDU. Il faut donc donner, selon lui, un coup de barre à gauche. Ce qui irrite fortement ses concurrents, soucieux de la crédibilité économique du parti.

L'enjeu français

Une chose est certaine : avec l'approche de l'échéance du choix du candidat SPD à la chancellerie, à la fin de l'année, les tensions au sein de cette « Troïka » risque d'être forte. Une éventuelle victoire socialiste à la présidentielle française pourrait renforcer Sigmar Gabriel, qui s'est beaucoup affiché avec ses camarades français. Mais ce SPD pro-PS n'est en fait qu'un courant. Si l'éventuel président français connaît des difficultés, l'autre camp, plus anglophile que francophile, pourrait en profiter. Et si Peer Steinbrück ou Frank-Walter Steinmeier est désigné, la belle alliance PS-SPD d'après 2013 tant espérée par les Socialistes français pourrait faire long feu.

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