Euro 2012, le focus du jour : Le conte de fées raté du Red Bull Lepizig

La firme autrichienne de boisson énergétique a racheté en 2009 un club de la banlieue de Leipzig pour en faire un géant du football allemand. Mais les millions ne paient pas toujours.
@ RB Leipzig

Pour investir dans le football, vous disposez de plusieurs possibilités. Vous pouvez d'abord racheter directement et au prix fort un club déjà à son zénith comme l'a fait le magnat américain des médias Glazer avec Manchester United en 2005. Une autre stratégie consiste à racheter une vieille gloire ternie pour redorer son blason, comme l'a fait Roman Abramovitch avec Chelsea en 2003. On peut aussi acheter un club terne et peu performant, mais disposant d'un fort potentiel, comme s'y est risqué Jean-Michel Aulas   lorsqu'il a racheté Lyon en deuxième division dans les années 1980. Et puis, il y a la solution de la création ex nihilo.

L'empire sportif de Red Bull

C'est le choix qui a été fait par la firme autrichienne de boissons énergétiques à la mode Red Bull. Pour polir une image souvent controversée, le groupe a investi fortement dans le sport. Il sponsorise de nombreux événements et a monté une écurie de Formule 1. Dans le football, il a investi dans quatre clubs aux Etats-Unis, au Brésil, au Ghana et en Autriche où l'Austria Salzbourg est devenu le Red Bull Salzbourg et a remporté quatre championnats nationaux et deux titres de vice-champion en six ans. Fort de cette expérience, le Red Bull a décidé de faire en 2009 le grand saut dans un pays phare du football, l'Allemagne.

Stratégie en Saxe

Red Bull a choisi alors la stratégie de la création ex nihilo, s'appuyant sur l'exemple de Hoffenheim, un club du Bade-Wurtemberg racheté par Dietmar Hopp, un des fondateurs de SAP au milieu des années 1990, alors qu'il jouait au niveau local, et qui disputera l'an prochain sa troisième saison consécutive en Bundesliga. Le choix de la firme autrichienne se porte sur l'Allemagne de l'est et Leipzig. La ville de Saxe a une forte tradition de football, donc un potentiel énorme. Mais son club, le Lokomotiv, jadis premier champion d'Allemagne, se traîne en cinquième division. Il y a donc la place pour une autre équipe. La stratégie de Red Bull est simple : multiplier les succès, acheter des stars et attirer ainsi les « nouveaux clients du football » sensibles au star système et aux success stories.

Rebaptiser club et stade

L'avantage de cette stratégie est qu'elle limite dans un premier temps les investissements. Avec un budget modeste de quelques millions d'euros, il est facile d'écraser les clubs amateurs et de grimper les échelons. Le choix de Red Bull se porte alors sur un club sans histoire d'une ville de 14.0000 habitants à une quinzaine de kilomètres de Leipzig, le SSV Markranstädt. Avec l'appui de la municipalité, il entend profiter du grand stade de 45.000 places construit à Lepizig pour la coupe du monde 2006 et rebaptisé Red Bull Stadion. Et pour faire bonne mesure, le club, qui joue alors en cinquième division également, est aussi rebaptisé Red Bull Leipzig.

Ambition et budget

Premier accroc : le nom n'est pas accepté par la ligue allemande. Impossible, comme en Autriche, de Baptiser les clubs par des noms de marques commerciales. Red Bull trouve alors une parade : le club s'appellera RasenBallsport Lepizig, littéralement « sport de balle sur pelouse de Leipzig ». L'avantage, c'est que l'on peut écrire « RB Lepizig », sigle qui ne manque pas de faire songer à la boisson énergisante. Pour enfoncer le clou, le logo du club sera composé des taureaux rouges de la marque autrichienne. L'ambition affichée : arrivée en Bundesliga d'ici dix ans. Red Bull annonce qu'il pourrait investir jusqu'à 100 millions d'euros dans le club.

une success story en marche

Voici donc le club qui joue sa première saison, en 2009-2010, en Oberliga Nord-Ouest, équivalent de la CFA2. Son budget est démesuré et la conséquence en est simple : le RB Leipzig termine premier avec 26 victoires en trente matchs et 74 buts marqués. Le club peut aborder la Regionalliga, l'équivalent de la quatrième division, avec confiance. Mais premier coup d'arrêt : le RB trouve plus d'opposition et ne finit que quatrième du championnat, manquant la montée en Bundesliga 3. En 2011/2012, Red Bull n'entend plus être freiné dans ses ambitions. On recrute à tout va, jusqu'en deuxième division allemande. Un des joueurs phare du RB Salzbourg, Roman Wallner, international autrichien et « footballeur de l'année » de la république alpine en 2001 est transféré dans la filiale allemande du groupe. le budget du club, 10 millions d'euros, est le double du deuxième budget de la même division. Au début de la saison, l'optimisme est de mise : le RB bat au premier tour Wolfsburg, équipe de première division, par 3 à 2 avant de s'incliner au tour suivant par 1 à 0 devant une autre équipe de l'élite Augsbourg.

Coup d'arrêt et détestation

Mais dépenses d'argent ne paient pas toujours en retour. Le RB fait une bonne saison, mais ne surpasse pas, malgré ses moyens, ses rivaux. Le 19 mai dernier, dans un match décisif, le RB fait match nul à Halle, ville voisine et finit troisième. C'est le club de Halle, le Hallersche FC, qui monte en troisième division. Un club modeste, mais avec une tradition forte. C'est un échec amer pour la firme autrichienne qui craint désormais que le RB Leipzig ne patine à ce niveau. Ces échecs sont d'autant plus inquiétants qu'ils posent un problème de stratégie. Le club n'est désormais pas synonyme de succès irrésistible. Or, le RB cherche son public, donc son marché. Même s'il singe les clubs professionnels à chaque match à domicile avec loges VIP et produits dérivés, le RB n'attire guère plus de 7.000 spectateurs dans son grand stade. Parallèlement, à Halle, il y avait 14.000 spectateurs pour le dernier match de la saison. En réalité, la presse allemande ne cesse de marteler que le RB Leipzig est « le club le plus détesté d'Allemagne », par son arrogance capitaliste. Dans certains clubs, comme le club de Berlin-Est, l'Union Berlin, les supporters ont protesté pour empêcher avec succès leur équipe de jouer contre le RasenBallsport.

Un club test

Sauf, évidemment, que cette opposition ne peut avoir de force que si les résultats du RB continuent à être décevants. Hoffenheim a connu les mêmes critiques et il est aujourd'hui un club comme un autre de Bundesliga. Si le RB parvient en Bundesliga, il sera forcément l'étendard de la Saxe et les supporters suivront. Red Bull n'a certes pas choisi la voie la plus simple, car il lui faut créer son marché. L'avenir du RB Leipzig déterminera sans doute en partie celui du football. Si ce type de club « de marque » finit par s'imposer, les championnats pourraient bientôt ressembler à des rayons de supermarché...
 

Commentaires 3
à écrit le 09/06/2012 à 21:22
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Je mets au défi cette marque de boisson "énergisante" de prouver qu'elle n'est en rien responsable de plusieurs décès, notamment de jeunes ayant absorbée ce breuvage mélangé à de l'alcool! Je mets également en demeure l'ex ministre de la santé R. Bac...

le 10/06/2012 à 1:47
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Madame Bachelot a tout fait pour empêcher la commercialisation en France c'est Bruxelles qui a forcé la main à la France, le produit étant libremment commercialisé partout en Europe sauf en France après 12 années de résistance, les arguments du " non...

le 10/06/2012 à 12:56
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Est-ce que c'est la faute des fabriquants de beurre si les gens ont du cholestérol ? Est-ce que c'est la faute des distilleries si les gens font des comas éthyliques ? Est-ce que c'est la faute des constructeurs automobiles si les chauffards s'encast...

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