Allemagne : le SPD durcit le ton face à la finance

L'ancien ministre des finances Peer Steinbrück a proposé une série de mesures pour réguler la finance. Une façon de "gauchiser" l'image du SPD, mais la réalité du discours est moins claire.
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Peer Steinbrück a lancé son offensive. L?ancien ministre des Finances d?Angela Merkel de 2005 à 2009 a présenté voici deux jours un projet de restructuration du système bancaire. Un projet visant la finance pour « recentrer » une image un peu trop droitière. Car Peer Steinbrück veut être le candidat social-démocrate à la chancellerie l?an prochain face à son ancienne « amie » Angela Merkel. Et depuis que Sigmar gabriel, l?actuel président du SPD, jugé plus à gauche, a officieusement jeté l?éponge, il sent qu?il a une place à prendre en s?appuyant sur cette aile gauche désormais orpheline.

Durcir le ton face à Angela Merkel

Dès la semaine dernière, Peer Steinbrück avait durci le ton, en affirmant qu?il « n?ira plus jamais dans un cabinet de madame Merkel. » C?était fermer la porte à toute idée de grande coalition qui désespère la gauche du parti. Cette semaine, le voilà qui est reparti à la charge, avec cette fois un texte affichant sa volonté de mettre au pas les grandes banques.

Quelles sont les propositions de Peer Steinbrück ?

Premier point : il veut faire cotiser les banques européennes à un fonds de 200 milliards d?euros chargé de sauver les banques en difficulté. Mais avant que ce fonds n?intervienne, les créanciers et les actionnaires devront payer. Le projet n?est pas nouveau, il est soutenu par la commission européenne et est en mesure de briser, en effet, le lien entre Etat et banques si néfaste en Europe. Problème : beaucoup d?Etats ne sont pas prêts à abandonner leur système bancaire à son sort. Le spectre de Lehman Brothers continue d?effrayer les dirigeants européens. Pas sûr qu?un tel fonds puisse donc voir le jour.

Deuxième proposition : diviser les banques entre les activités de crédit et d?investissement qui seraient cependant regroupées sous un même holding. C?est le programme électoral ? adouci ? de François Hollande. Mais la mise en ?uvre concrète de cette division est très complexe et la question devrait être tranchée en octobre par le rapport Liikanen au niveau européen qui ne devrait pas préconiser cette division radicale. Il sera ensuite difficile de revenir sur le sujet.

Les autres propositions sont toutes du même ordre : la meilleure régulation des marchés, l?encadrement des agences de notation ou encore la supervision paneuropéenne du secteur bancaire sont des processus en cours. On cherchera en vain dans ces propositions une percée inquiétante pour les banques.

La gauche du SPD ravie

Et pourtant, le mouvement tactique a réussi. Le plan Steinbrück a provoqué l?ire des banquiers et le quotidien financier Handelsblatt a titré lundi dernier « L?homme qui fait peur aux banques » avec la photo de l?ancien ministre. Peer Steinbrück reprend les habits de François Hollande qui avait déclaré que son « ennemi » était la finance lors de son discours du Bourget. De quoi ravir l?aile gauche du parti qui a applaudi. Un de ses chefs de file, le leader hessois Thorsten Schäfer-Gümbel a jugé que le plan de Peer Steinbrück était une « contribution porteuse. » Voilà qui est fort élogieux pour celui qui apparaissait voici encore peu comme le champion des héritiers de Gerhard Schröder. Peer Steinbrück a beau se défendre que ce plan n?est pas son « dossier de candidature », il est évident qu?il a décidé de prendre de l?avance sur celui qui semble actuellement son seul rival, Frank-Walter Steimeier, candidat malheureux en 2009, et qui semble de moins en moins motivé.

Un vrai recentrage ?

Reste à présent à savoir si ce « recentrage » de Peer Steinbrück n?est que tactique. L?évolution doit être suivie de près à Paris où le gouvernement tente de vendre aux élus socialistes réticents le pacte budgétaire en prétendant que l?Europe pourra être rééquilibrée grâce à un basculement à gauche de l?Allemagne. Rien n?est moins sûr : Peer Steinbrück n?est pas un tendre sur le plan budgétaire. Il n?a jamais vraiment accepté de devoir renoncer, à cause de la crise, à l?abandon de son projet de retour à l?équilibre des comptes fédéraux et il a été un des plus vifs partisans de la règle d?or en 2009 et du pacte budgétaire cette année. S?il accepte de « gauchiser » son image, on a vu que les propositions restent modestes. Il n?est donc pas certain, une fois au pouvoir (ce n'est guère aujourd'hui du reste d'actualité), qu?il modifiera ses positions historiques. Mais sur ce point, François Hollande ne pourra guère lui faire la leçon.
 

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