Pourquoi Berlin freine (encore) l'union bancaire

L'Allemagne veut modifier les traités européens avant la mise en place de l'Union bancaire. Un nouveau retard qui pourrait signer la mort de fait de ce projet.
Commerzbank, détenu à 25 % par l'Etat fédéral allemand, ne va pas bien. Copyright Reuters

Mercredi dernier, le gouvernement allemand a adopté en conseil des ministres un projet de loi préparant l'adoption par l'Allemagne de l'Union bancaire européenne. Ce texte rendait possible le transfert de la supervision bancaire allemande à la BCE. Mais voici que, quelques jours plus tard, ce lundi, Wolfgang Schäuble a d'emblée placé un obstacle vers cette union qui prend des allures d'arlésienne à la sauce européenne.

Changer les traités

Dans une tribune publiée lundi dans le Financial Times, le ministre fédéral des Finances allemand proclame d'emblée que la mise en place d'une instance centrale de démantèlement des banques insolvables nécessitera une modification des traités européens. Derrière les proclamations de bonne volonté de Wolfgang Schäuble, ceci ressemble bel et bien à un enterrement de première classe de l'union bancaire. Il faudrait en effet reprendre les négociations, réfléchir à l'articulation entre pays membres et non membres de la zone euro, soumettre le texte par la suite aux autorités nationales, obtenir une ratification de 28 pays et en passer par des modifications constitutionnelles dans bon nombre d'entre eux. Tout ceci pourrait prendre des années et s'achever par un fiasco si un peuple ou parlement décident de rejeter le mécanisme.

Un statu quo amélioré ?

Pour prouver encore une fois qu'il n'entend pas pour autant bloquer la situation, Wolfgang Schäuble propose une « solution transitoire » fondée sur un « réseau de superviseurs nationaux » dès l'été 2014. Autrement dit, les superviseurs nationaux devront se mettre d'accord entre eux, avec leurs propres systèmes nationaux, pour liquider une banque en difficulté. La nuance avec la situation actuelle sera bien mince... En réalité, Berlin prône donc un statu quo légèrement amélioré. Et en profite pour dynamiter le projet de la Commission européenne qui devrait être présenté dans quelques semaines. Certes, le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijssembloem, a indiqué qu'il « faudra répondre » aux questions posées par les Allemands, mais il a assuré ne pas « voir pourquoi cela empêcherait d'avancer sur l'union bancaire. » Mariano Rajoy, le président du gouvernement espagnol, a lui lundi exigé que l'on s'en tienne au calendrier prévu. Mais en réalité, ce nouveau front ouvert par Berlin, après tant d'autres, a vocation à retarder la mise en place de l'union bancaire.

Berlin a tout fait pour retarder l'union bancaire

Il faut rappeler que le gouvernement d'Angela Merkel n'a jamais vraiment souhaité ce mécanisme. Après avoir tout fait pour retarder l'adoption du principe de l'union bancaire, Berlin a finalement accepté en décembre 2012 une version allégée de cette union qui excluait de fait la majeure partie des banques mutualistes et des caisses d'épargne du pays et qui, surtout, repoussait sa mise en ?uvre à l'été 2014. Ensuite, Berlin a rejeté l'idée que le MES puisse venir renflouer des banques grevées par des dettes contractées avant l'entrée en vigueur de l'union bancaire (les « dettes héritées »). La question n'est pas encore tranchée, et elle est centrale pour juger de l'efficacité de ladite union. Enfin, Wolfgang Schäuble sort de son chapeau l'argument institutionnel. Si l'Allemagne voulait tout faire pour réduire à néant ce projet, elle ne pourrait pas s'y prendre autrement.

Pourquoi Berlin n'en veut pas

C'est que Berlin n'a guère intérêt à la création de cette union bancaire. La centralisation de la supervision bancaire l'inquiète d'abord parce que le secteur bancaire allemand n'est pas en bonne santé. Commerzbank, détenu à 25 % par l'Etat fédéral, ne va pas bien. La question des Landesbanken demeure encore non résolue. Du reste, on se souvient combien Berlin avait combattu les solutions prônées par Bruxelles sur ce secteur des banques régionales en 2009-2011, notamment dans le cas de WestLB et que cette dernière n'a été démantelée qu'après un ultimatum de la commission.

Le secteur bancaire allemand est fondé sur trois piliers : un privé, un mutualiste, un public. Ce dernier est un enjeu politique majeur et Berlin rechigne à donner la supervision de ce secteur à la BCE. Autre élément central : le coût. Le MES viendrait renflouer ou liquider les banques en difficulté des pays européens pour éviter que les Etats ne le fassent eux-mêmes. Ce serait donc une « socialisation » de l'ensemble du secteur bancaire européen où l'Allemagne prendrait la part la plus importante. Or, avec Chypre et la Grèce, une nouvelle jurisprudence a été introduite : faire payer les déposants et les créanciers des banques. Ceci réduit considérablement la facture par rapport à une union bancaire. Enfin, il y a l'élément électoral. Angela Merkel entend montrer qu'elle défend les intérêts des contribuables allemands contre la mise en place d'une « union des transferts. » Bref, l'Allemagne a toutes les raisons de ne pas vouloir de l'union bancaire.

Il y a donc fort à parier que l'union bancaire ne voit le jour que dans une version minimale qui permettra à Berlin de proclamer sa volonté de défendre les intérêts européens, en continuant à mettre en avant les siens propres.
 

Commentaires 23
à écrit le 26/06/2013 à 7:41
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Nouvelle étape dans la construction européenne : l'Union Bancaire http://www.leconomiste.eu/decryptage-economie/50-nouvelle-etape-dans-la-construction-europeenne-l-union-bancaire.html ? pic.twitter.com/dsM5Hdmi6P

à écrit le 19/05/2013 à 14:32
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Regardez l'article de jacques Sapir sur Ria Novosti qui correspond à mon analyse sur la situation en zone Euros ,et vous comprendrez, le problème Français et vers quoi notre économie tend , et surtout pourquoi les Allemand freinent l'Union bancaire ...

à écrit le 15/05/2013 à 9:30
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Personne ne sait vraiment aujourd'hui quelles sont les banques européennes au bord de la faillite. Il y a une omerta que le FMI a tenté plusieurs fois de rompre, en vain. Les banques se soutiennent les unes les autres par des crédits interbancaires. ...

à écrit le 15/05/2013 à 8:23
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votre article commente bien la politique allemande , un pas en avant et un pas en arrière , il faut dire que si les banques régionales sont riches , ce ne sont que certaines , d'autres n'ont aucune trésorie a proprement parler et certaines sont memes...

à écrit le 14/05/2013 à 18:44
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Parceque c'est une con...ie qui ne servira a rien , qui va couter une fortune et qui plombera encore un peu plus l'Europe. En Europe, nous sommes les rois pour nous autodetruire, c'est comme pour le gaz de chiste, nous nous posons de grandes quest...

le 14/05/2013 à 21:45
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Oui @Alan John, pourquoi réfléchir, fumons de la dynamite et buvons de la nitroglycérine, suivons le troupeau de moutons, que de belles perspectives !!!. La conner.. c'est de croire que l'Allemagne peut faire cavalier seul en laissant les autres pays...

le 14/05/2013 à 23:58
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L' Allemagne peut tres bien sortir de l'Europe avec ses satelites et laissez les PIIGS et les presque PIIGS( dont la France) avec leurs cher Euro qui se trouvera de facto devalue et comme ca personne ne fera defaut. C'est, a mon avis ce qui va se pas...

à écrit le 14/05/2013 à 18:22
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Il faut bien se mettre dans la tête que toute manip qui a la moindre odeur de tentative de mutualisation de dettes sera rejettée d´office par Berlin. Ni le gouvernement de Merkel (CDU/FDP) ni l opposition ne seront disposés de commettre un suici...

le 14/05/2013 à 18:39
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" qui a la moindre odeur de tentative de mutualisation de dettes sera rejettée d´office par Berlin" ==Qu'en termes galants... euh je veux dire qu'en termes politiquement correct , cela est bien dit ! Non il ne s'agit pas de mutualiser des dettes, l'A...

le 15/05/2013 à 8:48
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C'est surtout que les allemands n'ont pas trop envie qu'on se rende compte qu'ils prennent le chemin du Japon avec leurs banques pourries et leur vieillissement accéléré ...

le 15/05/2013 à 9:39
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et puis, ce sont les élections bientôt pour la mère Merckel...alors attention ! NIET

à écrit le 14/05/2013 à 16:58
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Mis à part l'euro, Il n' y aura aucune autre union (politique, fiscale, bancaire...) dans cette construction bancale (où l'on a attelé les boeufs avant la charrue), désormais vouée à l'échec devant l'amateurisme de certains pays, dont la république ...

le 15/05/2013 à 9:42
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c'est comme si vous vouliez faire entrer des pieds différents dans une seule pointure de chaussures, c'est voué à l'échec d'avance ! Aïe!Aïe! ben, NON ! même avec la meilleure volonté du monde , ça NE LE FAIT PAS! point !

à écrit le 14/05/2013 à 16:15
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tu parles, leur système bancaire est tellement bancal qu'ils ne veulent pas d'une supervision supranatianal. faut pas croire, leur système bancaire est très mauvais. cqfd

le 14/05/2013 à 18:32
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encore un qui connait bien le systreme bancaire allemand ! Savez vous que la plus grande partie des depots sont gerés par des caisses d´epargne regionales qui n´on aucune activité dans le monde des casinos et du poker ? Le travialleur de ...

à écrit le 14/05/2013 à 16:13
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L? Allemagne veut modifier les traités européens autoritairement, toute seule, mais avec le consentement obligatoire des partenaires obéissants. Les fourmis de l?Europe ne sont pas les mêmes quand Ésope a écrit le mythe «des fourmis et des cigales»...

le 14/05/2013 à 21:46
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Si la solidarité se resume à toujours attendre l'argent des autres sans contre-partie (pour exemple les mêmes droits et obligations pour tous, pour exemple en terme de l'age de depart en retraite pareille partout) elle n'aura pas lieu.

le 15/05/2013 à 0:45
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Je suis d'accord. Règles sévères et honnêtes pour tous y compris les nations «supérieures» qu?ils profitent jusqu?ici de la crise économique européenne.

le 15/05/2013 à 9:12
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Il n'y a pas des nations "supérieures" et même l'Allemand moyen ne pense pas qu'il est supérieur au Grecque moyen (mais la bêtise n'a pas de nationalité donc on trouve aussi chez les Allemands mais aussi chez les Grecques). Mais votre tableau est pai...

le 15/05/2013 à 18:32
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à CAD Aucune objection à vos points de vu raisonnables. Les politiciens en Grèce sont corrompus et sans honte. En France sont tous honnêtes? Les corruptions impressionnantes des hommes politiques sont aussi apparues dans la presse française. Pe...

à écrit le 14/05/2013 à 16:10
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Si les banques et assurances françaises ont poussé à l'être et sont désormais régulées, il n'en va pas de même pour les allemandes qui nagent dans l'opacité faillitaire dénoncée ici depuis des années. Mais au fond la France se satisfait de cette situ...

à écrit le 14/05/2013 à 15:57
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pourquoi elle freine c'est qu elle a peur que tout cela soit mis au placard alors elle qui est moins bete que les autres freine pour ne pas etre mise sur la paille par des pays qui sont a demi en faillite aussi on ne peut que lui donner raison et qu...

à écrit le 14/05/2013 à 15:33
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Les Allemands sont bons, mais pas naïfs, si la zone Euros explose il y aura moins de dégâts collatéraux . Suffira de changer de monnaie.

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