Tensions politiques croissantes en Grèce

Le pays semble être entré en période de précampagne électorale alors que des élections anticipées sont possibles et que la question de la dette continue de peser sur le débat politique.
La Grèce pourrait à nouveau voter bientôt

La coalition du premier ministre grec Antonis Samaras semble à bout de souffle. Et les exigences de la Troïka viennent encore jeter de l'huile sur le feu. La tension est particulièrement vive au sein du Pasok, le parti socialiste qui est le dernier allié au parlement des Conservateurs de la Nouvelle Démocratie du premier ministre. Selon la presse hellénique, le ministre des Transports Pasok, Michalis Chrysochoidis, s'est violemment opposé vendredi 12 septembre avec le chef du parti, Evangelos Venizelos, par ailleurs ministre des Affaires étrangères et vice-premier ministre. Il aurait accusé ce dernier de faire du Pasok un parti « portable qu'il emporte avec lui », autrement dit une marionnette au service de ses intérêts personnels.

Tensions au sein du Pasok

Quelques jours auparavant, une autre polémique avait opposé Evangelos Venizelos, partisan convaincu de la coalition avec ND, avec l'ancien premier ministre George Papandréou, débarqué en novembre 2011 sous la pression de la Troïka. En toile de fond, le Pasok est surtout divisé sur la question des nouveaux « efforts » réclamés par les bailleurs de fonds internationaux et européens, notamment dans le système de retraite et sur le marché du travail. Si le gouvernement veut faire voter ces « efforts », il n'est pas certain que l'unité du Pasok y résiste. Encore une fois, Antonis Samaras, qui ne dispose que d'une courte majorité de quelques députés à la Vouli, le parlement grec, se trouve donc entre le marteau de la Troïka et l'enclume des impératifs politiques.

L'épée de Damoclès de l'élection présidentielle

Mais si la coalition tangue, c'est aussi que la question de l'élection présidentielle inquiète de plus en plus la coalition. Le mandat de l'actuel président, Karolos Papoulias, s'achève au début de l'an prochain. La Vouli va devoir lui élire un successeur, mais la constitution de 1975 prévoit que le président soit élu par une majorité des deux tiers, soit 180 députés. Faute de quoi, la Vouli sera de facto dissoute et il faudra procéder à un nouveau scrutin. Une telle majorité est inatteignable pour la coalition d'Antonis Samaras. La plupart des autres partis représentés à la Vouli sont en effet violemment opposés à la politique du gouvernement. Or, trouver un candidat de « compromis » se serait accorder à ce gouvernement la possibilité de gouverner jusqu'en 2016. C'est peu probable.
Même si le premier ministre a indiqué que des élections anticipées seraient « un suicide », le scrutin présidentiel semble les rendre inévitables. La question n'est pas de savoir si elles auront lieu, mais quand.

Quoi qu'il arrive, elles s'annoncent très délicates pour Antonis Samaras. Malgré en effet ses « succès », son excédent budgétaire primaire, l'espoir d'un retour à une faible croissance grâce au tourisme au troisième trimestre et le retour du pays sur les marchés (pour les titres ayant une maturité de 5 ans), les effets de la politique menée depuis 2010 sont toujours aussi difficiles à supporter pour les Grecs. Le taux de chômage reste aux alentours de 27 %, les investissements étrangers et domestiques ne profitent guère des baisses de coûts et la vie quotidienne demeure très délicate. Un rapport de l'institut statistique Elstat soulignait lundi les difficultés des ménages grecs.

Le programme de Syriza

Le principal parti d'opposition, Syriza, la coalition de la gauche radicale, entend profiter à la fois de ce mécontentement et des tensions internes à la coalition. Son leader, Alexis Tsipras, a prononcé un discours à la Foire de Thessalonique samedi 13 septembre qui avait des airs de meeting de campagne électorale. Le chef de l'opposition a présenté un programme économique reposant à la fois sur une nouvelle restructuration de la dette et un vaste « plan de reconstruction » du pays de 13,5 milliards d'euros.
Alexis Tsipras entend s'appuyer sur le précédent de la Conférence de Londres de 1953 qui avait annulé une grande partie de la dette allemande d'avant-guerre et demande donc l'annulation de la majeure partie de la dette grecque. Il avance également l'idée que le remboursement de la dette restante dépende de la croissance, afin d'intéresser les créanciers du pays à la relance de l'activité en Grèce. Dans son projet de « plan de reconstruction », Syriza entend faire face à la « crise humanitaire », mais le parti de gauche veut aussi relancer l'activité en réduisant les impôts sur les plus modestes et en organisant un vaste plan d'annulation de la dette privée.

Contre-attaque du gouvernement

Ce programme a été violemment dénoncé par le gouvernement. Comme lors de la campagne qui avait précédé les élections à la Vouli de juin 2012, le discours était à la dramatisation. Le ministère des Finances a publié trois jours après le discours d'Alexis Tsipras sa propre évaluation du coût du programme de Syriza qui, selon l'administration, s'élèverait à 27 milliards d'euros. De son côté, mercredi, Antonis Samaras a prévenu que « s'il y avait des élections et que Syriza les emportaient, il n'y aurait plus un seul euro dans les banques le lendemain. » Il semble donc, plus que jamais, que cette question des élections hante les esprits des hommes politiques helléniques.

L'espoir allemand d'Antonis Samaras

Du coup, c'est un Antonis Samaras en quasi-campagne, qui va se rendre la semaine prochaine à Berlin pour rencontrer Angela Merkel. Le vice-chancelier allemand et ministre de l'Economie Sigmar Gabriel viendra mardi à Athènes. Le premier ministre va devoir convaincre la chancelière que la situation est critique en Grèce et qu'il faut accepter un plan de restructuration de la dette et qu'il faut également calmer les ardeurs de la Troïka. La question de la dette grecque se joue à Berlin. Les créanciers de la Grèce sont en effet désormais principalement les Etats, la BCE et le Mécanisme européen de Stabilité (MES). Or, l'Allemagne dispose d'un droit de veto au sein du MES. Sans l'accord de Berlin, pas de remise sur la dette. Antonis Samaras proposera sans doute non pas d'annuler la dette, mais de lisser son remboursement sur 50 ans, par exemple, afin de la rendre indolore. Mais Angela Merkel, aux prises avec les Eurosceptiques, devra compter sur l'effet désastreux dans l'opinion allemande d'une concession à Athènes.

Nouvelle démocratie distancée

Revenir de Berlin avec « quelque chose » est cependant la dernière chance d'Antonis Samaras pour briser l'élan de Syriza dans les sondages et convaincre les indécis. La dernière enquête d'opinion réalisée par l'université de Macédoine était, pour lui, très préoccupante. Son parti était donné à 18 % des intentions de vote contre 24 % pour Syriza. Or, la première place donne un bonus de 50 députés sur 300, ce qui est essentiel à la constitution d'une majorité. D'autant que ses alliés potentiels : le Pasok et les centristes de Potami sont donnés ensemble à 11 %. Sans ce bonus, le camp pro-mémorandum ne peut espérer constituer une majorité. Il faut donc convaincre les 21 % d'indécis.

Syriza sans alliés ?

Quoi qu'il arrive, gouverner la Grèce risque d'être une gageure dans les prochaines années. Syriza ne disposera pas d'une majorité absolue, même si elle arrive en tête. Or, le parti d'Alexis Tsipras ne dispose pas d'alliés sûrs avec qui former une majorité. Une alliance avec les néo-nazis d'Aube Dorée (encore donnés à 6,5 % d'intentions de vote) et avec la droite eurosceptique des Grecs Indépendants (3 % d'indécis) est inenvisageable. Les Communistes du KKE ont toujours refusé de s'allier avec Syriza. Enfin, la Gauche démocratique (Dimar) qui a quitté la coalition l'an dernier est très faible (1 % des intentions de vote) et son appui sera sans doute insuffisant.


Bref, l'austérité n'a pas achevé son œuvre en Grèce. Après avoir détruit un quart de l'économie du pays, c'est le système politique du pays qui est aujourd'hui dissout. La voie semble ouverte à plusieurs années d'instabilité qui ne favorisera certes pas le redressement du pays.

Commentaires 2
à écrit le 20/09/2014 à 23:33
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Article passionant qui souligne bien que les annees passent mais que les mêmes problématiques demeurent. Nous semblons être revenus aux années 2011-2012 quand nous spéculions a longeur de journée sur la sortie de la Grece de la zone euro.

à écrit le 18/09/2014 à 15:12
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Vos articles sont intéressants mais n'y a-t-il personne pour les relire afin de corriger l'orthographe et les erreurs de syntaxe ?

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