Transports : "En 2015, il n'y aura plus un seul train qui aura plus de 10 ans"

Les transports constituent la principale compétence des régions. Face aux lecteurs de La Tribune, Jean-Paul Huchon a défendu son bilan et présenté ses projets sur ce sujet qui suscite de nombreuses critiques.

La Tribune. Parmi les questions des lecteurs de latribune.fr, une question porte sur deux lignes de la RATP qui préoccupent beaucoup les Franciliens. Ai-je besoin de vous dire lesquelles ?

Jean-Paul Huchon : Le RER A et la ligne 13 (sourires).

Pouvez-vous nous dire comment vous comptez améliorer la qualité du trafic sur ces deux lignes ?

J.-P. H. : Cela ne fait que quatre ans que la région préside le STIF (syndicat intercommunal des Transports en Ile-de France). On le doit à Jean-Pierre Raffarin qui a pris cette décision pour deux raisons. D'abord, il a constaté que, dans les autres régions, cela marchait bien et, ensuite -c'est moins glorieux- c'était l'occasion de repasser le mistigri à la région Ile-de-France. Aujourd'hui, les transports, c'est notre première compétence en termes budgétaires : nous y consacrons 1,4 milliard d'euros par an sur un total de 5 milliards d'euros. Pour comparaison, le budget de la région équivaut à celui du ministère de la Justice ou de la Culture.


Jean Ancely, retraité Neuilly -sur-Seine (92)

 

 

D'où viennent ces 5 milliards ?

J-P.H. Jusqu'à maintenant, il s'agissait pour 70% de dotations de l'Etat compensant la suppression de certains impôts. Par exemple, celle de la part régionale dans la taxe d'habitation supprimée du temps de Lionel Jospin. Les 30% restants correspondaient à des impôts que nous votions. La taxe professionnelle en représentait la moitié, le reste correspond aux cartes grises et aux redevances pour construction, c'est-à-dire au mètre carré construit ou programmé. Avec la crise, la construction s'est effondrée et on a donc perdu énormément de recettes.

Jean Ancely. Il y a aussi la taxe foncière. Quand vous dites, dans votre programme que « les impôts n'augmenteront pas », à quoi faites-vous allusion ? A cette taxe foncière ?

J-P.H. Non, la taxe foncière a aussi disparu au même titre que la taxe professionnelle. Il reste une toute petite partie de TIPP (taxe sur les produits pétroliers). Donc quand Xavier Bertrand (UMP) nous met au défi de ne pas augmenter les impôts sur la mandature, ce n'est pas difficile de lui répondre « banco », puisque nous ne levons plus d'impôts !

La Tribune : pouvons-nous revenir à la question sur les lignes A et 13 ?

La ligne A a une particularité : c'est la plus longue d'Ile-de-France, 160 kilomètres. C'est un peu comme la nouvelle ligne que les Anglais veulent construire, à Londres, pour rejoindre tous les sites des Jeux olympiques. Comme elle est très longue, le moindre incident a tendance à se répercuter très vite sur l'ensemble du trafic. Aujourd'hui, elle est totalement saturée. La première réponse qu'on peut apporter c'est la généralisation des rames à deux étages qui permettent d'augmenter de 35% la capacité d'embarquement à bord. Cela marche à condition qu'on soit capable d'organiser la descente et la montée du train sans faire perdre en fréquence ce qu'on a gagné en volume. En tout cas, on attend les nouvelles rames à partir de fin 2010. Elles ont coûté 650 millions d'euros au Stif, dont 50% à la charge de la région.

La Tribune : Et la ligne 13...

C'est un autre sujet. Cette ligne fonctionne normalement, mais elle est saturée parce qu'elle se termine par une fourche. Et comme on a prolongé une partie de cette ligne pour aller jusqu'à Gennevilliers afin de désenclaver des quartiers assez difficiles, il y a maintenant encore plus de monde. La première solution à court terme, c'est la mise en place de portes palières sur les douze stations les plus fréquentées de la ligne ; elles sont commandées ; le Stif a payé 25 millions d'euros et elles vont arriver à partir du printemps. Cela permettra à la fois d'éviter la bousculade et les tentatives de suicide. Deuxième solution, « Ouragan », un système de gestion automatique de la ligne qui permettra dès 2011 de réduire les intervalles entre les métros. Cela devrait faciliter et accélérer l'exploitation de la ligne. Troisième solution, la plus utile, le dédoublement de la ligne 13 par la prolongation de la ligne 14, qui ira jusqu'à Saint-Ouen, Clichy, etc. et qui délestera 35% à 40% du trafic. Cela ne signifie pas qu'on détient la panacée, parce qu'au bout de quinze ans, vingt ans, cette ligne sera à son tour saturée mais cela permet d'attendre une solution plus complète, qui passera par un dédoublement de la ligne 13. Pour le moment, on n'en est pas là.

 


Valéry Brancaléoni, demandeur d'emploi, Paris XVIIe

 

Sur les transports, la région est découpée en six zones, avec des prix d'abonnements mensuels variant de 60 à 120 euros. Pourquoi ne pas passer à un tarif unique ou un redécoupage en deux zones qui permettraient aux Franciliens habitant loin de ne pas être pénalisé financièrement?

J-P.H. C'est une question à laquelle il n'est pas facile de répondre. Il y a trop de zones en Ile-de-France. C'est le fruit de l'histoire. Cela correspond à un développement concentrique de l'agglomération. A la fin 2006, quand je suis arrivé au Stif, on a supprimé les zones 7 et 8 dont l'abonnement dépassait les 150 euros. 450.000 personnes étaient concernées, particulièrement en Seine-et-Marne, dans le sud des Yvelines et dans le nord du Val-d'Oise. Après cette première mesure, nous avons créé une tarification sociale pour permettre à ceux qui disposaient de faibles revenus (RMI à l'époque, RSA maintenant, les personnes en situation précaire, allocation parent isolé, parent handicapé, plus les ASS...) de bénéficier d'une réduction de 75%. Lors du lancement, cela représentait un effort financier de presque 100 millions d'euros. Et aujourd'hui, 1.550.000 personnes bénéficient de cette quasi gratuité.
Quant au prix unique que vous suggérez, c'est d'un point de vue urbanistique, une mauvaise idée. Il faut densifier l'habitat autour des gares et non pas l'étaler de plus en plus loin. C'est le seul moyen d'assurer un transport public partout au même niveau de qualité. Et puis il y a le coût financier d'une pareille mesure. Dans la décennie qui vient, je vais disposer de 18 milliards d'euros, soit 1,8 milliard par an, pour construire les lignes, rénover le matériel, faire le tramway et réaliser Arc Express qui est la rocade des rocades -le véritable périphérique ferroviaire autour de Paris. Monsieur Yves Jégo, tête de liste en Seine-et-Marne, a proposé un tarif unique à 30 euros. Cela coûterait 1,5 milliard d'euros par an. Qui va payer les projets de modernisation ? Les entreprises ? Soyons sérieux. On peut étendre la tarification sociale : les jeunes « en insertion », ceux qui n'ont pas de travail et qui recherchent un emploi, auront également droit à la gratuité à partir de l'année prochaine. Cela va nous coûter au minimum 20 à 30 millions d'euros supplémentaires,
Pour clore ce sujet, sachez qu'en Ile-de-France, la tarification est exceptionnellement basse. A Londres, l'abonnement est 4 à 5 fois plus cher que chez nous et pour payer les Jeux olympiques, les tarifs des transports ont été augmentés de 18% en février. Quant au fameux péage urbain, il va passer de 5 livres à 10 livres par jour, voire à 18 livres pour certains véhicules.

Nicolas Maubert, avocat, Les-loges-en-Josas

J'habite depuis trois ans dans un petit village à côté de Versailles. Chaque année, en partant à la même heure en voiture, je mets un quart d'heure ou vingt minutes de plus, parce que le trafic se densifie... Que comptez-vous faire pour les automobilistes ?

J-P.H. 70% des Franciliens circulent en voiture. La plupart d'entre eux n'ont pas le choix. Il y a très peu de lignes de transports collectifs pour aller d'une banlieue à l'autre sans passer par Paris, or l'essentiel de la circulation automobile est lié à des déplacements de ce type. Pour proposer une alternative aux automobilistes, quatre infrastructures sont déjà en construction. D'abord, la tangentielle Nord de Bobigny à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) qui va coûter 1,6 milliard d'euros, prise en charge à 70% par la Région. J'ai posé la première pierre avec Fadela Amara et Roger Karoutchi, en toute confraternité, et les choses avancent.

Ensuite la tangentielle ouest qui ira de Versailles à Cergy, en passant par Saint-Germain-en-Laye, Poissy. On est en fin de concertation. L'Etat n'a pas mis un sou. Mais le président du conseil général des Yvelines qui n'est pas de ma tendance politique a accepté de cofinancer avec la région ce projet parce qu'il y en avait assez d'attendre. La troisième tangentielle Massy-Evry, un tram-train financé à 50% par la Région et le département de l'Essonne. Toujours zéro du côté de l'Etat. Enfin, la tangentielle Est entre Evry et Sénart ville nouvelle. Il s'agit là d'un bus à haut niveau de service qui circulera sur une voie construite à côté de la route de manière à aller le plus vite possible. Et puis, il y a Arc Express, ce métro automatique qui circulera de Saint-Denis au nord à Bagneux au sud. Cette ligne sera réalisée vers 2020.

Nicolas Maubert : Et il vous restera encore de l'argent pour améliorer la circulation routière ?

J-P.H. : Les routes relèvent de la compétence des départements.
Mais une partie des problèmes de circulation seront réglés par l'amélioration des transports collectifs. Ils doivent devenir cette « deuxième voiture » promise autrefois par la RATP dans ses campagnes de publicité. Il faut pour cela disposer d'un transport de qualité, sécurisé confortable et ponctuel. C'est la raison pour laquelle, par exemple, je change tout le matériel. En 2015, il n'y aura plus un seul train qui aura plus de dix ans. Quand je suis arrivé, c'était 45 ans. Reste le problème du réseau lui-même. Réseau ferré de France a pour actionnaire unique l'Etat. Il perçoit un péage sur tous les trains qui passent et pas seulement des TGV. Or comme par hasard, depuis trois ans entre un tiers et deux tiers du produit de ces péages a été détourné pour faire du TGV et des lignes en province. Résultat, l'Ile-de-France n'a pas été servie. Comme aurait dit Mme Thatcher « I want my money back ».

 


Nicolas Frangoulis, chef d'entreprise, Paris VIIe

Avez-vous pensé à mettre en place un péage urbain ?

J.-P. H. : J'y suis hostile. Le péage urbain a une connotation sociale extrêmement négative et on constate aujourd'hui qu'il ne fonctionne que sur un périmètre relativement étroit. Je suis allé à Londres, ville que je connais bien, pour voir ce qu'il en était et je n'ai constaté aucune amélioration de la circulation automobile. Le maire de Londres a d'ailleurs l'intention, dans les semaines à venir, de le réduire le périmètre de son péage urbain d'à peu près d'un tiers. A priori, cela rapportera moins d'argent. Mais de toute façon, il s'agit là d'un pouvoir appartenant au maire et au préfet de police. Et le maire de Paris y est formellement hostile.

Valéry Brancaleoni : Est-il envisageable de faire circuler les métros toute la nuit, au moins le week-end ? Je constate par ailleurs que les Parisiens connaissent très peu les lignes de bus Noctilien. Pourquoi ne faites vous pas plus de publicité pour les populariser ?

Vous avez complètement raison. Depuis 2006, on a créé 42 lignes supplémentaires. Elles sont connues de ceux qui les utilisent le week-end, mais les gens ne savent pas que ces bus circulent tous les jours et toute l'année. Au sujet de la circulation des métros la nuit, j'ai proposé dans mon programme qu'il n'y ait plus d'interruption dans la nuit du samedi au dimanche. La RATP doit certes pouvoir continuer à entretenir les rames et le réseau mais je pense qu'on peut tout à fait s'organiser. Ca se fait dans d'autres métropoles. Pour le reste de la semaine, on va déjà demander à la RATP et à la SNCF d'avancer à 4 heures du matin, les départs des premiers trains pour permettre aux salariés qui vont vers des bassins d'emploi comme Roissy-en-France ou Saclay de pouvoir partir plus tôt. Cela bénéficiera aussi aux fêtards. Tous ces efforts de services nouveaux ont un prix. Si on ajoute la possibilité offerte le week-end aux détenteurs de pass navigo de circuler sur tout le réseau quelque soit le nombre de zones de leur abonnement, cela représente près de 100 millions d'euros par an.

Valéry Brancaleoni. Pourquoi ne pas avoir procédé à ces changements d'horaires plus tôt ?

Vous avez des salariés dans ces entreprises. Le président du Stif n'est pas le DRH des employés de la RATP et de la SNCF, ni des employés des entreprises des transports privés. Nous passons un contrat avec eux. Chaque fois que vous faites un changement de service, vous avez les syndicats qui exigent des compensations, ce qui, d'ailleurs, peut se comprendre... S'il faut plus de personnel la nuit, il faut recruter du personnel et le problème c'est que souvent ces négociations achoppent sur ce que l'entreprise est prête à mettre. Regardez ce qui s'est passé l'année dernière avec la grande grève du RER A. Il s'agissait de savoir si 400 conducteurs allaient bénéficier oui ou non d'une augmentation entre 80 et 100 euros. Regardez ce que cela représente et demandez-vous si cela valait la peine de faire poireauter autant de Franciliens et de sinistrer durablement l'image du transport public pour le futur. C'est normal qu'un chef d'entreprise soit ferme sur les coûts et leur dérive, etc., mais se braquer et humilier les syndicats comme cela a été fait a conduit à une catastrophe. Aujourd'hui, que se passe-t-il ? Les syndicats de la ligne de RER A ont décidé d'appliquer la réglementation à la lettre, donc je peux vous dire que cela ne facilite pas la rapidité du trafic, parce qu'ils prennent toutes les précautions de sécurité. Pourquoi ? Parce qu'ils sont sortis humiliés, vaincus, pleins d'amertume de cette grève, et ils sont furieux. Un jour ou l'autre, on risque d'avoir un nouveau conflit. Dans le passé, l'amélioration du climat social était une priorité de la RATP qui était citée en exemple.

Commentaires 4
à écrit le 26/02/2010 à 12:13
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Les trains qui avaient plus de 45 ans ne tombaient pas en panne et arrivaient à l'heure. La tangentielle ouest M.HUCHON n'en est pas l'initiateur pas plus que la ligne RER Mantes la Jolie (M.BEDIER).

à écrit le 23/02/2010 à 9:57
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quand on voit que la réalisation des tangentielles, dépend de l'accord entre départements, régions,.... et que l'état n'est même plus capable d'instaurer un schémas directeur en fonction des priorités de l'emploi et de la population, c'est très inqui...

à écrit le 22/02/2010 à 18:08
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Le prolongement de la M14 vers la Mairie de Saint Ouen est un scandale. Pourquoi faire dans 20 ans ce que nous pouvons faire maintenant !!!! Raccorder une branche de la M13 à la M14 est la seule solution viable pour désaturer la ligne 13. Pourquoi ...

à écrit le 22/02/2010 à 16:20
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C'estr une blague!!?? Il est vraiment fier de son bilan ? Vous l'avez vu prendre le métro devant les caméras, on voyait bien que c'était la première fois. Et le fait qu'il fanfaronne sur le bilan des transports prouve bien qu'il ne connait pas le qu...

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