Grève générale et manifestations en Espagne

Si l'Europe est passée dans le camp libéral, les résistances ne se sont pas éteintes pour autant. Après le grand succès de la grève générale italienne du 16 avril, c'est au tour de l'Espagne, devenu le modèle du libéralisme sur le Vieux continent, de connaître la contestation syndicale. Pour protester contre la réforme du système d'assurance chômage qui prévoit notamment des sanctions pour les chômeurs refusant un travail "adéquat" à moins de 30 km de leur domicile, les deux principaux syndicats du pays, l'UGT (proche du parti socialiste, le PSOE) et les Commissions ouvrières (proches des communistes d'Izquierda Unida) ont appelé ce 20 juin à une grève générale.En début d'après-midi, une manifestation s'est ébranlée à Séville sous 35 degrés, à la veille du sommet européen. Les organisateurs y ont compté 100.000 manifestants, tandis que les forces de l'ordre n'en dénombraient que 9.300. Encadrés par d'imposantes forces de l'ordre, dans une ville transformée en camp retranché, les grévistes auxquels s'étaient joints des manifestants grecs, argentins, français ou belges, ont défilé sous des slogans comme "Espagnols : Franco est revenu" ou "Le parti des patrons s'engraisse avec notre pain". Les leaders syndicaux et ceux de la gauche ont demandé le respect des droits des salariés et l'ouverture d'un vrai dialogue social. D'autres rassemblements moins importants sont prévus dans tout le pays.Le mouvement a commencé la nuit dernière à minuit, et toute la journée les deux camps se sont livrés une guerre des chiffres sans merci. Pour le porte-parole du gouvernement Pio Cabanillas, cité par le site Internet du quotidien catalan La Vanguardia, la journée était "normale". Pour convaincre, il s'appuie sur les consommations d'électricité et de téléphone qui sont "nettement supérieures à celles d'un jour de grève et comparables à celles d'un jour normal". Pio Cabanillas en conclut "qu'il n'y a pas de grève générale". Selon le ministre de l'Economie Rodrigo Rato, les grévistes sont "13 à 14% dans le secteur public" et "5 à 10% dans le secteur financier". Il en conclut qu'il s'agit du "plus gros échec du parti socialiste depuis vingt ans" Des affirmations corroborées apparemment par le site du journal conservateur ABC, pour qui le trafic dans le métro et dans les trains de banlieue de Madrid est "normal". Quant à la confédération patronale CEOE, elle affirme que seuls 8% des employés des grandes surfaces font grève et que 60% des ouvriers du bâtiment sont au travail. En tout, la CEOE estime à 10% le taux de grévistes dans l'ensemble de la population active.Des affirmations contestées par La Vanguardia qui indique que la grève a eu une "caractère massif" dans le service de nuit des usines catalanes de Seat, Nissan, Mercedes, Sony, Bosch et Basf. Le quotidien catalan indique également qu'aucun journal n'a pu sortir des rotatives de Barcelone, limitant les éditions du jour à la diffusion sur Internet. La vision gouvernementale est également mise en doute par les syndicats. Le président des Commissions ouvrières, José Luis Sanchez, affirme que la grève est suivie "à 97,3%" et parle de "succès total". Selon lui, la grève est suivie à 95% dans les transports terrestres et à 70% dans le transport aérien. Il note également que les marchés centraux (les halles) de Madrid, Barcelone, Valence et de toutes les villes andalouses étaient fermés ce matin. Un communiqué de l'UGT indique que les entreprises industrielles de Madrid, Barcelone, Valence, Saragosse, Vallalolid, Gijon et Vigo sont "entièrement paralysées". José Luis Sanchez a d'ailleurs accusé Pio Cabanillas de "mentir" sur les chiffres de la consommation d'énergie pour minimiser la grève. M. Sanchez a également critiqué les réquisitions de personnel effectuées dans les transports pour assurer un service minimum. Selon le président des commissions ouvrières, le gouvernement considère que ces personnes sont "non-grévistes", ce qui n'est pas le cas. Ainsi, à Madrid, le nombre de grévistes dans le service d'autobus est estimé à 80% par les syndicats et à 60% par le gouvernement.A noter enfin que dans les principales villes, des piquets de grève ont été installés, ce qui a donné lieu à des incidents avec les forces de l'ordre. Selon la police, cinq personnes ont été arrêtées. La grève a d'ailleurs fait un mort: un officier de police décédé d'une crise cardiaque au cours d'une confrontation avec un piquet de grève devant un supermarché madrilène. Toujours dans la capitale, des autobus conduits par des non grévistes ont quitté un dépôt encadrés par d'importantes forces de l'ordre. Les syndicats ont déploré dans la matinée l'atitude du gouvernement qui cherche à "couvrir la répréssion policière par de fausses informations".
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