"La croissance américaine pourrait désormais n'avoisiner que 2,5% "

La Tribune - Quels enseignements tirez-vous de la semaine écoulée qui a été riche en statistiques aux Etats-Unis?Evariste Lefeuvre - Depuis le début de l'année, les marchés sont passés du pessimisme à l'optimisme de façon radicale en fonction des statistiques publiées. Désormais, il existe un consensus autour du scénario d'une croissance moins vigoureuse que prévu. Les marchés ont donc réagi de façon plus mesurée. Par ailleurs, les statistiques actuelles semblent à double tranchant.C'est-à-dire ?Les deux interprétations, optimiste et pessimiste, sont possibles. Jeudi, par exemple, l'indice de confiance de la Fed de Philadelphie a ainsi montré une composante investissements assez médiocre, mais une amélioration de sa composante emploi. A moyen terme, on sait que l'investissement est la clé de la reprise américaine. Cet indice n'était donc pas bon. Si les marchés ont réagi légèrement à la hausse, c'est donc parce qu'ils ont décidé de retenir d'abord l'aspect emploi.Comment expliquez-vous la bonne tenue de la consommation américaine ?L'indice des ventes au détail a été une vraie bonne surprise. On pouvait craindre des chiffres artificiellement gonflés par l'effet pétrole, mais la consommation, notamment d'automobiles, ne fléchit pas, bien au contraire. Dans un contexte où les salaires sont désormais en baisse, où le chômage remonte légèrement et où le prix du pétrole et de l'essence est en hausse, cette volonté d'acheter des voitures est étonnante. Elle est d'autant plus remarquable qu'elle a des conséquences sur la production d'automobiles, comme l'a montré le chiffre de la production industrielle d'avril. Néanmoins, cette bonne nouvelle n'a pas été confirmée par les chiffres des mises en chantier d'avril qui ont baissé de 5,4%. Or, si l'inflation continue de progresser et que les déficits publics continuent à se creuser, la tension sur les taux longs est inévitable. Le secteur résidentiel pourrait en pâtir. Il faut donc s'attendre à un recul de ce secteur.Y a-t-il là un danger pour la reprise ?C'en est un, mais ce n'est pas le seul. Les dépenses publiques ont également fortement soutenu la croissance. Deux tiers de ces dépenses sont assurés par les Etats. Or, ces derniers doivent présenter en fin d'année des budgets en équilibre, ils vont donc restreindre fortement leurs dépenses. Il faut donc s'attendre à une contribution quasi-nulle de la demande publique au PIB au deuxième semestre.La consommation a, elle, été jusqu'ici soutenue par des cash-flows importants. Les ménages ont notamment bénéficié des baisses d'impôts, de taux bas et du faible prix de l'énergie. Aujourd'hui, le danger vient d'un éventuel effet de ciseaux défavorable entre les salaires et les prix. Les salaires ont en effet entamé une période de baisse nette, alors que l'inflation remonte légèrement. Pour consommer, les ménages devront donc puiser dans leur épargne, mais ce ne sera pas facile dans la mesure où leurs ratios de solvabilité se sont dégradés. Il faut donc également s'attendre également à un ralentissement de la consommation.L'investissement pourrait-il alors compenser cette baisse ?Actuellement, l'économie américaine souffre encore d'une crise de surendettement et les conditions ne sont pas complètement réunies pour permettre une reprise dans ce domaine. Certes, les données macro-économiques des entreprises vont bien, on l'a vu avec les gains de productivité énormes réalisés au premier trimestre, mais les entreprises hésitent encore. Les doutes sur les comptes des entreprises, notamment en terme de goodwill, jouent ici un rôle important. Les actionnaires ne sont pas encore prêts à accepter une accumulation du capital alors qu'ils paient encore des amortissements de survaleurs énormes.N'y a-t-il pas de rebond de l'investissement possible ?Le tableau n'est certes pas si sombre. La bulle de surinvestissement a éclaté voici deux ans et les matériels achetés ont une durée de vie de trois ans. Les conditions d'une reprise de l'investissement sont en train de naître, mais cette reprise risque d'être insuffisante pour compenser la baisse de la consommation.Quelles seraient les conséquences de cette situation pour les taux de croissance américains ?La croissance sera évidemment plus faible et il ne faudra pas s'étonner d'avoir des taux annualisés de 2,5% aux deuxième et troisième trimestres 2002.Enfin, après la publication d'un taux d'inflation en hausse mercredi, quelle sera la réaction de la Fed ?Personne ne s'attend à une réaction rapide. Compte tenu des risques sur la croissance, la Fed devrait rester prudente cette année et sera plus active en 2003. Evidemment, les anticipations peuvent encore évoluer, mais la politique monétaire américaine ne devrait pas changer avant août ou septembre.
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