"Il n'y a pas de bulle sur les marchés émergents"

latribune.fr.- Le marché obligataire des pays émergents a beaucoup progressé ces dernières années. Doit-on s'attendre à une correction ? Nadine Trémollières.- Je ne le pense pas. Certes, la progression est importante, mais les taux américains et européens sont tellement bas et la recherche des rendements reste importante, il n'existe donc aucune raison d'assister à une correction rapide. D'autant qu'en termes de classes d'actifs, la progression reste mesurée. Il n'y a pas de bulle. En revanche, il est certain que si un problème politique grave survient dans un pays émergent (ce que je crois peu probable), plus dure sera la chute. Quels sont les zones que vous privilégiez actuellement ? Dans la mesure où l'on a eu une bonne progression ces dernières années, je privilégie les crédits plus stables, c'est-à-dire ceux qui sont soutenus par une amélioration réelle de l'économie. Le rendement y est un peu moins fort, mais il est plus sûr. Ainsi, je choisirais plutôt d'investir au Mexique qu'au Venezuela, où l'économie est surtout soutenue par le prix du pétrole et où le risque politique est encore important. A titre indicatif, l'économie vénézuélienne hors pétrole a détruit 40% de sa richesse en quelques années. De quoi inciter à la prudence, malgré les rendements importants. Après l'arrestation de Mikhail Khodorkovski, peut-on continuer à investir en Russie ? La Russie est intéressante, car grâce aux revenus générés par le pétrole et l'arrêt partiel de la fuite des capitaux, elle a de moins en moins besoin de financement externe. C'est en effet cet élément qui détermine le prix de la dette. Par ailleurs, la stabilité politique semble assurée par l'équipe Poutine. Je reste donc confiante concernant la dette d'Etat. En revanche, je serais plus prudente sur la dette corporate et sur les marchés actions dans la mesure où on a eu la preuve qu'une intervention de l'Etat est possible à tout moment et où la volatilité devrait perdurer.Peut-on s'attendre à une modification du comportement des investisseurs vis-à-vis des marchés d'Europe de l'Est en vue de l'adhésion de ces derniers à l'Union européenne ? En fait, ces pays ne sont plus traités depuis plus de deux, trois ans comme des pays émergents. Seule la Pologne conserve certains éléments qui peuvent la rapprocher de ces derniers. Mais aujourd'hui, l'Europe de l'Est est considérée comme une zone d'investissement classique avec des risques liés aux devises, comme c'était le cas dans la zone euro avant 1999. La volonté politique étant très forte sur l'intégration européenne, ces pays présentent même moins d'incertitude que la Suède, par exemple. A titre d'exemple, le taux tchèque est inférieur au Bund allemand.Deux ans après le défaut de paiement argentin, où en est l'Amérique latine ?Le risque autour de l'Argentine et, dans une moindre mesure, de l'Uruguay, reste énorme. L'avenir est complètement bouché et la dette de ces pays me semble disqualifiée pour les prochaines années. Le gouvernement argentin propose en effet des plans qui sont irréalistes et encore trop défavorables aux créditeurs avec qui il refuse de dialoguer. Il convient donc de se tourner dans la région vers d'autres pays comme le Chili ou le Brésil qui suit les recommandations du FMI. Quelles leçons tirer de l'exemple argentin ? Après le redressement spectaculaire de la Russie après la crise de 1998, certains investisseurs considéraient que le défaut de paiement était une option soutenable. L'Argentine a montré que ce n'était pas le cas. D'une certaine façon, cette leçon est donc saine. L'Asie est-elle encore une zone émergente ?L'investisseur émergent n'a plus grand chose à faire en Asie du sud-est. Les territoires sont souvent notés "single A" par les agences de notation et il est vrai que la Chine est une véritable locomotive pour toute la région. Reste qu'il demeure un risque important, notamment au sud de la zone, celui du terrorisme. L'Indonésie est évidemment visée, mais le pays ne s'est pas encore réellement remis de la crise de 1997 et le risque est déjà pris en compte par les marchés. Ce n'est pas le cas de la Malaisie, qui a bénéficié d'une stabilité politique, mais qui, en tant que pays majoritairement musulman, pourrait être une cible potentielle pour le terrorisme. Comment a évolué récemment votre stratégie ? Beaucoup de pays vont passer dans le monde développé en Europe ou en Asie. Notre portefeuille, qui contient actuellement 40 pays, n'en comptera plus que 25 dans le futur. Il est donc important de trouver de nouvelles opportunités. Dans cet esprit, l'Afrique a peut-être un rôle à jouer, avec cependant une condition sine qua non : la présence d'un pouvoir politique sûr. Je pense donc que le continent africain devrait progressivement devenir intéressant, mais nous restons encore prudents pour le moment. Un autre élément important de notre évolution porte sur le retour à une réflexion par "ratings", c'est-à-dire par notes attribuées par les agences de notation, plutôt que par zone géographique. Aujourd'hui, il est impossible de comparer la République tchèque avec la Moldavie, le Brésil avec l'Argentine ou les Philippines avec la Chine.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.