Pernod-Ricard, une stratégie qui séduit le marché

Restée quelque peu à l'écart de la folie boursière qui s'était emparée des marchés jusqu'en 2000, l'action Pernod-Ricard peut depuis trois ans savourer sa revanche. Sur la période, elle s'est envolée de près de 70% alors que le CAC 40 fondait de moitié. Et consécration ultime : depuis le 11 juillet, Pernod-Ricard a fait son retour dans l'indice phare de la place parisienne plus de cinq ans et demi après l'avoir quitté.Bien entendu, un tel succès peut laisser craindre un avenir moins rose. Ce que certains observateurs n'ont pas manqué de souligner en rappelant notamment que l'action Pernod-Ricard est actuellement proche de son plus-haut historique (85,52 euros le 25 octobre 2002).La stratégie séduit...D'un point de vue industriel, il n'y a en tout cas pas d'inquiétude majeure chez les professionnels. Le recentrage vers les spiritueux amorcé depuis deux ans, et dont la reprise des alcools de Seagram en décembre 2001 a été le point d'orgue, s'est avéré porteur, essentiellement au niveau de la rentabilité. Les comptes en témoignent. Le chiffre d'affaires a augmenté de 10% entre 2000 et 2002 (année durant laquelle le groupe a dépassé ses objectifs financiers), mais surtout le résultat d'exploitation a progressé de 78%. Quant à l'activité du début de l'année 2003, elle est tout aussi prometteuse. "Sur Seagram, Pernod-Ricard a redonné vie aux filiales et a mis à profit la période précédant le feu vert des autorités de la concurrence pour bien préparer l'intégration", souligne Cédric Louboutin chez Fideuram-Wargny. Bref, le groupe n'a pas perdu de temps et des progrès devraient encore être faits à l'avenir. "La marque Chivas est en cours de relance et le redressement de Martell devrait intervenir surtout l'an prochain", poursuit l'analyste.En résumé, le groupe avance donc "dans la bonne direction" comme le faisait remarquer une étude récente de Morgan Stanley, chiffres à l'appui. Selon celle-ci, le bénéfice par action devrait progresser en moyenne de 7,65% sur les trois prochains exercices. Bien sûr, quelques risques sont en mesure de freiner le développement du groupe. Cependant, à chaque fois, les craintes sont vite nuancées. La baisse du dollar pourrait peser sur le chiffre d'affaires, mais nettement moins sur la rentabilité puisqu'une partie de la dette est libellée en dollar. L'accroissement de la prévention contre la consommation d'alcool ou d'éventuelles hausses de taxes notamment en France constituent aussi une menace. Mais la part de chiffre d'affaires dans l'Hexagone se réduit. Et "le gouvernement ne veut certainement pas tuer la poule aux oeufs d'or. Or, une augmentation brutale des taxes est dommageable pour la croissance de la consommation", fait remarquer Cédric Louboutin, en faisant référence à la manne financière que représentent les taxes sur les alcools. Enfin, si Cyril Freu, chez CDC Ixis Securities, estime qu'"il manque encore à Pernod-Ricard une liqueur et une présence forte aux Etats-Unis pour compléter ses positions", il remarque toutefois que "Pernod-Ricard est aujourd'hui dans une meilleure dynamique de croissance bénéficiaire que le numéro un mondial, Diageo". Face à un Diageo qui, malgré une puissance colossale, semble aujourd'hui "patiner", à un Allied Domecq qui se redresse mais demeure un pari risqué ou à des groupes à la taille limitée comme Rémy Cointreau et Campari, Pernod-Ricard apparaît donc, pour la communauté financière, comme l'un des acteurs les mieux armés pour affronter le marché dans les mois à venir. Ainsi, certains analystes résument les qualités du groupe en mettant en avant son positionnement sur des niches où la demande est forte, la montée en gamme progressive de ses produits et son excellente approche du terrain. Dans ces conditions, la seule véritable faiblesse de Pernod-Ricard reste sa puissance financière limitée face à Diageo. "Si Diageo a rencontré le succès avec les ready to drink [prêts à consommer], c'est aussi parce qu'il avait les moyens de se lancer et éventuellement de faire face à un échec, explique Cédric Louboutin. Pernod est quant à lui obligé de tester ses nouveaux produits sur des zones restreintes et ne pourrait pas se permettre de subir un revers de grande ampleur."...mais la décote sur Diageo persisteC'est notamment cette capacité financière plus réduite et sa taille plus limitée qui justifient aujourd'hui encore aux yeux de certains une décote boursière (voir tableau) de Pernod-Ricard par rapport à Diageo (PER 2003 de 12,48 contre 14,04). "La décote entre les deux groupes fluctue entre 10 et 15%. Il est logique que Diageo se paie plus cher, mais je crois que cet écart est un peu trop large car Pernod-Ricard est actuellement la valeur du secteur qui présente le plus fort levier", analyse Cyril Freu.A l'exception de Morgan Stanley (qui reste neutre, considérant le groupe bien valorisé), les analystes accordent donc à Pernod-Ricard un potentiel de hausse. Quelques-uns pensent même que Pernod, en raison de ses perspectives plus encourageantes, justifierait de se payer plus cher que Diageo. D'autant qu'avec l'entrée dans le CAC 40, les gérants vont être plus nombreux à s'intéresser au titre.Toutefois, si la grande majorité s'accorde à penser que l'action peut encore monter et mérite sans conteste une prime vis-à-vis de nombreux acteurs (comme Rémy Cointreau ou Allied Domecq), les analystes ne vont pas jusqu'à verser dans l'excès d'optimisme. Avant tout parce qu'en raison de leur inertie en Bourse (qui leur a permis de bien résister à la déprime), les vins et spiritueux devraient d'une façon générale demeurer en retrait au moment de la reprise des marchés financiers. Egalement parce que la spéculation qui est généralement de mise en cas de consolidation attendue d'un secteur ne devrait pas jouer dans les prochains mois. Suite aux mutations qui ont agité la profession (principalement avec la vente de Seagram), il est en effet temps pour les groupes de vins et spiritueux de conforter leurs positions. "L'avenir de Pernod-Ricard est dans la croissance issue du redéploiement de ses marques actuelles", résume Cédric Louboutin. Bref, si Pernod-Ricard offre un potentiel au vu de ses qualités évidentes, sa progression passée, son secteur et la phase de digestion dans laquelle il est entré ne plaident guère en faveur d'une folle envolée boursière à court terme.Pernod-Ricard en brefTroisième groupe mondial de vins et spiritueuxCapitalisation boursière : 5,4 milliards d'eurosEffectifs à fin 2002 : + de 12.000 salariésChiffre d'affaires 2002 : 4,84 milliards d'eurosRésultat net 2002 : 413 millions d'euro
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