Les banques ont besoin d'Eurotunnel...

La situation est peu commune. Eurotunnel, la société bien connue qui exploite le tunnel sous la Manche, a affiché une perte de 2 milliards d'euros en 2003. Si l'on ajoute à cela le fait qu'elle cumule 9 milliards d'endettement, on pourrait s'attendre à ce qu'elle dépose son bilan du jour au lendemain. Car rien ne permet d'espérer qu'elle puisse dans un avenir prévisible redresser sa situation. En effet, chaque euro de bénéfice d'exploitation qu'elle dégage est immédiatement destiné au paiement des intérêts de sa dette. Et encore, l'an dernier son résultat d'exploitation n'a pas été suffisant pour en assurer le service à 100%. Bref, le seul fondement d'une poursuite de l'activité repose sur le remboursement de la dette, et non pas sur la perspective de dégager un bénéfice. Mais pour Eurotunnel, cette dette est en fait le seul joker dont elle dispose. Comment en effet imaginer que les banques créancières puissent du jour au lendemain tirer un trait sur 9 milliards d'euros ? On se rappelle que l'été dernier l'ensemble de la place s'était mobilisée pour expliquer qu'une défaillance d'Alstom faisait courir le risque d'une crise systémique, c'est à dire une cascade de faillites bancaires. Leur appel au secours a été entendu et l'Etat est intervenu à la rescousse d'Alstom. Le cas de figure est un peu le même : les banques ne peuvent se permettre une faillite d'Eurotunnel et nul doute que si l'entreprise arrivait à une telle extrémité, les pouvoirs publics ne resteraient pas de marbre. C'est d'ailleurs le discours que tiennent en privé les grands banquiers de la place. Pour eux, le "problème Eurotunnel" est avant tout celui de l'Etat. La situation, là aussi, ne manque pas de sel quand on sait que la mise en chantier du tunnel, il y a bientôt vingt ans, était présentée comme une victoire de l'initiative privée sur l'économie dirigiste. Margaret Thatcher, alors Premier ministre britannique, avait convaincu François Mitterrand de financer le projet sur capitaux privés. Les petits actionnaires ont (presque) tout perdu, les banques ont renégocié en 1998, pourraient le faire à nouveau et entre temps ont engrangé les intérêts.
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