Ecrans plats, guerre de technologies pour un marché en explosion

Depuis quelques mois, les principales enseignes de la grande distribution française ont déclenché une vaste offensive de promotion des écrans plats. A coup de campagnes publicitaires et promotionnelles, elles tentent de lancer ce nouveau marché à forts revenus: si, selon l'institut de marketing GFK, les écrans plats ne représenteront que 15% du marché français des téléviseurs fin 2004, leurs ventes dépasseront en valeur celles des écrans cathodiques dès 2005. Pourtant, selon Médiamétrie, seuls 200.000 foyers disposaient d'un écran plat en France à la fin 2003.Devant ce changement radical, la question de la technologie se pose désormais. Pour les consommateurs comme pour les fabricants. Si les rétro et les vidéo-projecteurs semblent véritablement distancés, le plasma (PDP) et les cristaux liquides (LCD) se partagent ce marché naissant. Jusqu'à présent, les deux technologies parvenaient à cohabiter sans trop de difficultés: le PDP occupait le terrain des téléviseurs de plus de 32 pouces (82 cms) de diagonale, le LCD les tailles inférieures. Mais les prévisions de croissance exponentielle du marché aiguisent l'appétit de tous les acteurs de l'électronique: selon l'institut de recherche DisplaySearch, la vente de téléviseurs à écrans plats devrait progresser annuellement de 75% jusqu'en 2007. La guerre est donc désormais ouverte, les fabricants d'écrans LCD convoitant le territoire du plasma. De fait, les ventes de téléviseurs LCD devraient doubler cette année pour atteindre 8 à 10 millions d'unités dans le monde, puis une vingtaine de millions en 2006. La progression des écrans plasma sera plus lente: de 1,6 million en 2004, les ventes passeront à 4,9 millions en 2006. Mais le marché reste vaste: le parc mondial de téléviseurs est à peu près de 800 millions.La fin de la barrière du 30 poucesLes entreprises du secteur, majoritairement, pour ne pas dire quasi-exclusivement sud-coréennes et japonaises, multiplient donc les investissements, dans la recherche et le développement aussi bien que dans la construction d'usines toujours plus perfectionnées. Les producteurs veulent diversifier leurs gammes et toucher tous les publics: la limite technologique virtuelle du 32 pouces pour les écrans LCD n'a donc pas tardé à sauter. "Pour dominer le secteur, nous pensons que nous devons avoir des téléviseurs LCD de toutes les dimensions, et notamment d'une taille supérieure au 32 pouces, explique Guillaume Villecroze, chef de groupe au marketing de Sharp France. Dans le cas contraire, nous ne pourrions pas concurrencer le plasma." Sharp a prévu la sortie d'un téléviseur LCD de 45 pouces, qui dépasserait le plus grand écran actuellement sur le marché, le 40 pouces du Sud-coréen Samsung. Preuve de cette course poursuite, tous les producteurs importants présents dans cette technologie disposent d'écrans de plus de 32 pouces. Les analystes d'IDC estiment ainsi que les télévisions LCD de plus de 30 pouces représenteront 43% du marché en 2007 contre 4% en 2003. Les arguments de promotion des deux technologies diffèrent largement selon les entreprises concernées. Sharp se veut ainsi le plus jusqu'au-boutiste d'entre eux: leader du secteur de la télévision LCD, avec près de 40% des parts de marché, le Japonais ne produit pas de plasma. "Nous avons pour ambition de remplacer le tube cathodique par une seule technologie, affirme Guillaume Villecroze. Nous allons d'ailleurs arrêter toute notre production de tube cathodique française. Les usines fabriqueront désormais du LCD. Cette technologie est plus satisfaisante que le plasma, que ce soit en termes de consommation électrique, de qualité d'image, de longévité et de facilité d'usage. Avec note futur écran 45 pouces, nous avons donc prévu de concurrencer le plasma sur son nouveau terrain.""Aucune des deux technologies n'est vouée à disparaître"Cette vision et cette analyse technique ne sont pas partagées par tout le monde, loin de là. "Aucune des deux technologies n'est vouée à disparaître, assure Ludovic Simion, chef de produits téléviseurs chez Samsung, qui est associé à Sony dans le secteur. Il y a eu de réels progrès techniques: dans le plasma, la durée de vie des dalles a quasiment rejoint celle des LCD, leur taux de contraste et de luminosité ont été amélioré. Du côté des LCD, le temps de réponse de l'image et la qualité du son ont évolué." Pour Guillaume Le Royer, le responsable de Fujitsu France, le numéro un mondial du plasma, qui ne vend sous sa marque que des écrans plasma, "chaque technologie possède ses caractéristiques propres. Les écrans plasma sont plus lourds car ils possèdent deux plaques de verre, mais l'angle de vue d'un écran LCD est moins grand que celui d'un plasma."Au-delà des qualités techniques, la différence entre le LCD et la plasma pourrait-elle s'effectuer sur les prix ? Selon Morgan Stanley, les coûts de production du plasma le rendent rentable sur les grandes tailles. Le plasma est même actuellement plus intéressant que le LCD à partir d'environ 30 pouces. Pour preuve, les écrans LCD 42 pouces coûtent entre 30 et 50% plus chers que leurs équivalents plasma. Ce qui pourrait changer avec la baisse des coûts du LCD. "Le LCD ne concurrencera pas le plasma sur son domaine de prédilection avant que la production de masse ne soit lancée, c'est à dire avant 2006", avance Eric Surdej, le directeur général de LG France, le premier producteur mondial d'écrans LCD via LG Philips LCD, la joint-venture montée avec le hollandais Philips. Pour Ludovic Simion, de Samsung, "le plasma va disparaître des téléviseurs 32 pouces car le LCD reviendra moins cher avec le lancement des usines de fabrication de nouvelle génération. Le plasma devrait donc se concentrer sur le 42 pouces, là où le LCD ne pourra pas lutter. Actuellement, cette taille d'écran représente 70% des ventes de plasma."Poursuite de la baisse des prixAprès une très forte chute ces dernières années, le prix des écrans est reparti à la hausse en fin d'année dernière suite à une importante pénurie d'éléments électroniques. Les ventes s'opéraient donc à flux tendu. Même si cela ne devrait pas à terme enrayer le processus de baisse des prix, son rythme devrait ralentir. "Le plasma est un marché désormais bien établi, explique Ludovic Simion. Les fabricants installés devraient donc stabiliser leurs tarifs. Cela leur permettra de garder leur marge et de poursuivre ainsi leur recherche visant à l'amélioration de leurs produits. Les nouveaux arrivants, ou les acteurs moins avancés technologiquement, devraient eux continuer à baisser les leurs. Mais ce serait comme conduire une Mercedes ou une Twingo: c'est la même télé, pas le même plaisir. Pour le LCD, il devrait encore y avoir du mouvement: les trois grands du secteurs, Samsung, LG et Sharp, ont annoncé la construction d'usines de nouvelle génération. Les coûts de production vont donc diminuer et les prix avec."A l'inverse, pour Guillaume Le Royer, de Fujitsu, il ne semble guère envisageable que les fabricants réalisent de nouveaux efforts. "L'essentiel de la baisse de prix a eu lieu en raison de la force de l'euro face au yen et au won, les monnaies japonaises et coréennes. Pour preuve, en dollars, il n'y a pas eu de baisse. Si la baisse se poursuit, elle sera due à l'érosion volontaire des marges des distributeurs." Une option déjà choisie par certains grands discounters étrangers et qui au final, devrait favoriser le principal intéressé: le consommateur.L'avancée apparemment irrésistible du LCD ne devrait pas, selon les spécialistes du secteur, mettre à mort le plasma. Il leur semble en effet difficile de croire que les coûts de production de ses écrans de plus de 40 pouces puissent un jour concurrencer, même de loin, ceux du plasma. Si Samsung est apparu dans ce segment avec son écran 42 pouces, c'était avant tout pour étouffer dans l'oeuf toutes les velléités de la concurrence. Sans grand risque: disposant des deux technologies, le conglomérat sud-coréen ne peut que s'avérer gagnant. Ce sera moins facile pour les entreprises comme Sharp, qui ne produisent que le LCD. Pour elles, le pari est de convertir les consommateurs aux vertus et aux qualités du LCD de petite et moyenne taille, afin de s'assurer de leur fidélité future, lorsqu'ils auront les moyens d'acheter un écran de plus de 40 pouces. Il en va du succès de leur stratégie expansionniste.A chaque technologie sa taille d'écranLes différents acteurs de l'industrie s'accordent sur les segments porteurs d'avenir dans les écrans plats. Pour Guillaume Le Royer, de Fujitsu, "la taille des téléviseurs à écrans plats doit d'ores et déjà dépasser 21 pouces (55 centimètres), celle d'un téléviseur à tube cathodique de taille moyenne." Ensuite, en ce qui concerne chacune des technologies, l'explosion du secteur LCD se répartira sur sa gamme d'écrans entre 23 et 30 pouces. Pour ce qui concerne les téléviseurs plasma, les estimations convergent tout autant. "Les 42 pouces représentent la grande majorité des ventes du secteur, assure Ludovic Simion. Les 50 pouces ne remportent pas un grand succès en France, contrairement aux Etats-Unis, où tout est dans le gigantisme." Des dires confirmés par les chiffres: en 2000, 43.000 téléviseurs 42 pouces ont été vendus en Europe, contre 7.000 50 pouces. En 2003, 311.000 téléviseurs 42 pouces ont été vendus, contre seulement 33.000 50 pouces.
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