"Culturellement, les Français ne peuvent faire appel au crédit indéfiniment"

Publiée ce matin, la consommation des ménages s'est redressée à 0,9% en octobre. Directeur du Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), Robert Rochefort explique la résistance de la consommation par l'optimisme des Français à titre individuel et la vigueur de l'immobilier. En revanche, la culture française de culpabilité envers l'argent ne devrait pas permettre au crédit à la consommation et au taux d'épargne de s'aligner sur la moyenne européenne.

Latribune.fr - Qu'est-ce qui explique le dynamisme de la consommation française observé ces derniers mois?

Robert Rochefort - Malgré un moral très bas constaté dans les enquêtes de conjoncture et une faible progression du pouvoir d'achat, les Français continuent de consommer. Ils tirent sur les crédits à la consommation et puisent dans leur épargne. De fait, les taux d'intérêt bas défavorisent l'épargne de précaution et rendent attractifs les crédits. De plus, s'ils n'ont pas confiance dans l'avenir globalement, les Français estiment qu'ils tireront individuellement leur épingle du jeu.

Le dynamisme de l'immobilier joue-t-il un rôle?

Le sentiment de richesse des propriétaires induit par la hausse des prix immobiliers n'est bien entendu pas neutre. Et cette vigueur de l'immobilier entraîne d'autres dépenses conséquentes (électroménager, décoration...). Par ailleurs, l'offre de produits de nouvelles technologies dope les achats. Une nouvelle saga "écran plat" (déjà observée durant la coupe du Monde de football, NDLR) n'étonnerait personne à Noël. A ce titre, il est important de noter que la consommation profite beaucoup aux produits importés, particulièrement pour les produits technologiques, et ne se traduit donc pas entièrement par de la production et de la croissance domestiques.

Jusqu'à quand les Français vont-ils continuer à puiser dans leur bas de laine et augmenter leurs crédits?

Ils n'ont pas encore épongé leur retard par rapport à leurs voisins européens. Mais la culture française, terrienne, d'argent caché, rend peu probable un alignement. La culpabilité par rapport au crédit se ressent très clairement à chaque augmentation des crédits à la consommation: les médias font alors part de la crainte du risque de surendettement. Le discours négatif sur le comportement de crédit est ici particulièrement éloquent.

La hausse des taux d'intérêt de la Banque centrale européenne (BCE) ne risque-t-elle pas de mettre un frein à ce dynamisme?

D'une part, ce mouvement devrait se calmer avec le ralentissement de la croissance dans la zone euro attendu l'an prochain. De plus, les taux d'intérêt pratiqués par les banques demeurent très bas en raison de la concurrence dans le secteur bancaire et sont compensés par l'allongement de la durée du crédit. Produits d'appel des banques, les crédits immobiliers rapportent des marges quasiment nulles aux banques.

La baisse du chômage joue-t-elle un rôle?

Bien sûr. Mais ce facteur joue sur le long terme et n'est pas accompagné d'une hausse des rémunérations des actifs.

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