L'annonce du mariage entre Arcelor et le russe Severstal, imaginé pour bloquer l'OPA de Mittal Steel sur le groupe européen, avait relancé des rumeurs de rapprochement entre le russe Evraz et le néerlando-britannique Corus sous l'égide de Roman Abramovitch. La rumeur est confirmée aujourd'hui: le holding du milliardaire russe, Millhouse, vient en effet d'annoncer son intention d'acquérir plus de 41% d'Evraz. Ce dernier, numéro deux des sidérurgistes russes avec 13,9 millions de tonnes par an, comprend plusieurs entreprises d'extraction et d'industrie métallurgique en Russie et à l'étranger.

Les titres d'Evraz seront acquis par la compagnie Lanebrook contrôlée par les principaux actionnaires du groupe Evraz. Lanebrook aura 82,67% du capital d'Evraz. Ensuite, 50% de Lanebrook seront vendus à Greenleas International Holdings Ltd, dont le propriétaire final est Millhouse.

"Le prix de la transaction correspond aux conditions du marché. Elle sera finalisée après son approbation par les organes régulateurs", explique la direction de Millhouse, qui ne donne pas de chiffre. Une source industrielle et les médias russes avaient estimé le mois dernier que 40% du capital d'Evraz pourraient représenter l'équivalent de trois milliards de dollars. La transaction, signée le 16 juin, reste soumise à l'autorisation des autorités réglementaires.

D'après la presse russe, l'acquisition d'une participation dans Evraz s'inscrit dans une importante opération de Roman Abramovitch, la première fortune de Russie, dans la sidérurgie. Le milliardaire a en effet entamé des pourparlers pour prendre une participation dans le groupe sidérurgique néerlando-britannique Corus, selon le quotidien russe Kommersant. Le rapprochement avec Evraz permettrait de donner naissance au numéro 3 mondial de l'acier. Corus, qui traverse actuellement quelques difficultés,
a déjà fait savoir qu'il souhaitait se développer au-delà de l'Europe de l'Ouest, en particulier dans les pays émergents à bas coûts de main d'oeuvre comme le Brésil, la Russie, l'Inde ou la Chine.

A la clôture, l'action de Corus était en hausse de 1,27% à 5,59 euros, après avoir gagné jusqu'à 2,72%. Sa capitalisation est d'environ 17 milliards de livres (24,9 milliards d'euros). Des rumeurs de fusion entre les deux groupes avaient déjà profité à l'action Corus en mars, en la propulsant à des niveaux jamais vus depuis six ans. Le groupe anglo-néerlandais n'a pas souhaité commenter ces informations.

Credit Suisse First Boston a jugé de son côté qu'il était peut-être trop tôt pour parler d'une fusion entre Evraz et Corus, mais n'a pas exclu cette possibilité en raison des synergies que permettrait de dégager l'opération et des connexions dont dispose Abramovitch entre Moscou et Londres, où il vit et possède le club de football de Chelsea. "Corus pourrait examiner ses options, face à la consolidation en cours dans le secteur", avec notamment l'OPA lancée par Mittal Steel sur Arcelor, a estimé la banque dans une note récente. "Corus serait un partenaire attractif pour un acteur issu des marchés émergents, dans le cadre d'une fusion ou d'une alliance stratégique", avait-elle ajouté.

Les analystes s'attendaient à une accélération de la consolidation au sein de la sidérurgie russe (lire ci-contre) après l'annonce fin mai par le propriétaire de Severstal Alexeï Mordachov de la vente de ses actifs à Arcelor, lui-même cible d'une offre hostile du groupe anglo-néerlandais d'origine indienne Mittal Steel. L'opération projetée par Severstal lui donnerait 32,2% de la nouvelle entité, qui deviendrait le premier sidérurgiste mondial. Selon la banque américaine Citigroup, cette transaction pourrait être la "première étape" d'une série de transactions impliquant la sidérurgie russe, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays.