Claude, Gustave, Edouard et les autres s'exposent à Berlin

La capitale allemande crée un événement en Europe cet été en montrant pour quatre mois 150 oeuvres d'artistes français du XIXème siècle prêtées par le Metropolitan Museum of Art. Intitulée "Les plus beaux Français viennent de New-York", l'exposition promet d'être un immense succès.

Encore heureux que ces chef-d'oeuvres de Courbet, Manet, Degas et autres Rodin ne séjournent pas quatre mois durant dans un sombre entrepôt: en travaux de rénovation, le Metropolitan Museum of Art de New York qui les abrite a accepté de les prêter momentanément à la Neue Nationalgalerie à Berlin. Résultat, une sélection de 150 tableaux et sculptures françaises du XIXe siècle qui est à admirer jusqu'au 7 octobre dans une exposition événement de l'été dans la capitale allemande.

On doit à une agence de publicité le slogan accrocheur de l'exposition, "Les plus beaux Français viennent de New York", décliné partout dans la ville sur des affiches bordées des traits tricolores de l'aéropostale. Entièrement financée sur les fonds privés de l'Association des amis de la Nationalgalerie, l'événement a coûté 7,5 millions d'euros, assurances comprises. L'Etat fédéral se porte toutefois garant de 75% des indemnités en cas de sinistre.

Les oeuvres, quant à elles, parlent d'elle-même. "Plus qu'une exposition sur l'impressionnisme, nous avons voulu créer un itinéraire historique à travers la peinture française du XIXème siècle", explique une guide de l'exposition. On entre en effet dans cette collection, la plus importante après celle du Musée d'Orsay à Paris, par une salle consacrée aux styles classique et romantique. Une jeune femme peignant dans son atelier attire l'oeil, oeuvre longtemps attribuée à David, alors que l'auteur est une de ses élèves, Marie-Denise Villers, qui l'a exécutée en 1801. On reste pantois devant l' "Odalisque" grisée d'Ingres, une réplique de celle en couleurs visible au Louvre. A admirer aussi, dans cette lignée, "Oedipe et le Sphinx" de Gustave Moreau, et "La naissance de Vénus" d'Alexandre Cabanel (1875). Trois ans plus tard, Gustave Courbet s'en inspirera pour sa "Femme au perroquet", qui réussira à entrer au saint des saints, le Salon carré du Louvre.

Le réalisme a sa part avec en particulier une "Laveuse" d'Honoré Daumier (1863), ou "Les meules d'Automne" de Jean-François Millet. En passant aux impressionnistes, l'ombre devient lumière. Claude Monet en fait la démonstration dans son très lumineux "Jardin à Saint-Adresse" maniant par ailleurs parfaitement la géométrie du paysage. Manet et Degas ont les honneurs d'une salle, on peut y admirer un espagnol "Joueur de guitare" (Manet) en son temps relégué au Salon des refusés du Louvre. Parmi les plus petits formats exposés, on trouve de Degas une "Classe de danse", exécutée en 1870.

La collection rassemble au total une quarantaine d'artistes, célébrant le romantisme de Delacroix, le fauvisme chez Matisse, et finissant son parcours historique avec quelques Picasso de la période bleue et des Modigliani.

L'impressionnisme se taille la part du lion, avec l'un de ses précurseurs, Boudin, puis avec Cézanne, Pissaro, Sisley, Renoir. Les post-impressionnistes Gauguin et Van Gogh suivent, sans oublier le maître de l'art naïf Rousseau et Toulouse Lautrec. Une quinzaine de sculptures ont également traversé l'Atlantique, parmi lesquelles figure l'un des onze exemplaires au monde des "Bourgeois de Calais" de Rodin.

Le succès de l'exposition promet d'être immense, les organisateurs espèrent 4.000 visiteurs par jour pour équilibrer leurs comptes. Les plus patients ont dû faire la queue 90 minutes. On reste loin de la cohue connue en 2004 avec l'expo "Moma à Berlin", avec 1,2 million de personnes attendant parfois pendant huit heures pour voir les 200 oeuvres prêtées par le Museum of Modern Art de New York.

Cette fois, un système sophistiqué de billetterie a été mis en place qui limite fortement l'attente. Les plus fortunés peuvent s'offrir pour 30 euros le billet VIP qui permet une entrée immédiate, guide-audio fourni. Sinon, un billet "classique" acheté en caisse se voit attribuer un numéro de file d'attente, comme à la sécurité sociale. Le "plus" technologique est que l'on peut être prévenu par SMS du moment où l'on sait de façon certaine que l'on obtiendra le sésame pour pénétrer dans l'exposition.

En attendant, il est possible de flâner, par exemple en allant admirer d'autres oeuvres dans la Nationalgalerie attenante, voir dans la superbe Alte Nationalgalerie située dans l'île aux musées. Avis aux amateurs! Le voyage à Berlin vaut le détour, car aucune autre étape n'est prévue en Europe pour voir ces "Plus beaux Français" avant qu'ils ne s'en retournent pour (très) longtemps outre-Atlantique.


Jusqu'au 7 octobre à la Neue Nationalgalerie, Potsdamer Strasse 50, Berlin. www.smb.spk-berlin.de

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