Pétrole : l'Opep hésite face à la menace d'un ralentissement économique mondial

Les douze pays membres du Cartel des pays producteurs de pétrole discutent en ce moment d'une possible hausse de 0,5 millions de barils de leur production commune. Une décision décidée à montrer la volonté des pétromonarchies de ne pas aggraver - avec des prix de l'énergie élevés - une possible contamination de l'économie par la crise financière de l'été dernier. Dans l'attente de leur décision, les cours du brut demeurent accrochés à quelques encablures de leurs records historiques

La décision devait être rapide. Et pourtant, c'est une réunion "complexe" de l'aveu même de proches de la délégation saoudienne qui est en train de se tenir ce mardi à Vienne au siège de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (Opep, en anglais : Opec).

Complexe car les douze pays membres, après avoir réduit depuis dix mois leur production afin de réduire les stocks mondiaux de brut - et soutenus les cours - sont soudain plongés dans le doute face aux perspectives de la conjoncture économique globale... et aux besoins en pétrole de la planète. Jusque là au beau fixe, les perspectives de croissance sont aujourd'hui menacée par la crise sur le marché de l'immobilier et du crédit aux Etats-Unis.

Lors de son arrivée ce matin au siège de l'organisation le ministre du Pétrole du Nigeria, Odein Ajumgobia, a ainsi confirmé que la réunion portait bien sur "l'économie réelle". Plus tôt dans la matinée, le secrétaire général de l'Opep, Abdallah el-Badri, avait confié son "inquiétude" quant à la situation sur les marchés financiers.

"Si l'Opep n'accroît pas sa production il y a tout lieu de penser que les prix vont continuer de croître, explique Paul Tossetti, consultant chez PFC Energy, et les Saoudiens semblent pousser l'idée d'une possible augmentation de 0,5 million afin d'alléger la pression d'une énergie chère sur l'économie". Une attitude conciliante qui est interprété par certains observateurs présents à Vienne comme une réponse aux sollicitations d'une administration américaine redoutant la soudaine perte de souffle de leur économie - même si personne n'ose encore prononcer le "R word" - la récession - honnis.

Car sur les marchés, quelques heures avant une décision de l'Opep attendue en milieu d'après-midi, le prix du brut restait scotché à quelques encablures de ses niveaux records : 78,32 dollars, soit à peine un demi dollar en dessous de ses records historiques de début août. Peu impressionnés par la rumeur selon laquelle les pays pétroliers pourraient s'accorder sur une hausse de la production, les opérateurs ne veulent voir que la fonte des stocks d'hydrocarbures au niveau mondial, alors que la période hivernale de forte consommation de fioul approche.

Si elle était décidée dans les heures à venir, cette décision de réduire la production "serait interprété comme un signe que l'Opep ne veut être tenu pour responsables de l'aggravation de la situation économique" souffle un autre spécialiste. "0,5 million ne sera de toute façon guère autre chose qu'un geste symbolique, tempère un de ses homologues, car dans les faits, ceci ne ferait que compenser le ralentissement des cargaisons partant des Emirats Arabes Unis au cours de l'automne, en raison de la maintenance de leurs installations".

Pour Roger Diwan, de PFC Energy, "il y aura dans tous les cas besoins d'accroître la production au quatrième trimestre". Ce qui laisse entendre que le Cartel ayant la haute main sur près de quatre dixièmes des approvisionnements pourrait fort bien se contenter de signaler cet après-midi sa volonté d'intervenir lors du prochain sommets des chefs d'Etat des pays, prévue mi novembre à Riyadh.

Consensus sur les risques que font peser la situation économique ne signifie pas pour autant consensus total parmi les représentants du Cartel. Les délégations iraniennes et vénézuéliennes seraient ainsi notoirement opposées à tout accroissement de la production dès aujourd'hui. Une attitude autant motivée par l'opposition de leurs gouvernements respectifs à Washington que par la situation de leur industrie pétrolière.

"Leur production est à son maximum et de toute façon ils ne pourront suivre une décision d'accroître le rythme qui sera, comme d'habitude, le fait de l'Arabie Saoudite" pointe Paul Tossetti. Sans compter que si ces deux "faucons" ne sont plus en mesure d'accroître leurs exportations - et donc leurs recettes - même si l'Opep les y autorise... ils restent en revanche totalement exposés aux baisses des cours que cette décision pourrait déclencher. "Je pense que si les pays du Golfe veulent vraiment faire un geste, les autres membres suivront, ajoute Paul Tossetti, reste que le Cartel... ne voudra en aucun cas fêler sa cohésion de façade".

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