« C’est une décision difficile, mais nous avons décidé d'arrêter des "Chiffres et des lettres" » (Stéphane Sitbon-Gomez, France Télévisions)

ENTRETIEN - Le dirigeant du groupe public se confie sur ses chantiers stratégiques, à commencer par les JO. Et dévoile les premiers changements à prévoir dans les grilles à la rentrée.
Stéphane Sitbon-Gomez dans les couloirs de France Télévisions, à Paris.
Stéphane Sitbon-Gomez dans les couloirs de France Télévisions, à Paris. (Crédits : © LTD / CORENTIN FOHLEN POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

À quelques jours de l'arrivée du Belem avec à son bord la flamme olympique, le patron des programmes de France Télévisions se réjouit des retombées positives que vont avoir les Jeux. Un entretien exclusif où il réaffirme également la singularité des antennes du service public.

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LA TRIBUNE DIMANCHE- Que représente pour vous l'arrivée de la flamme le 8 mai?

STÉPHANE SITBON-GOMEZ- C'est là que les choses sérieuses vont commencer! C'est le top départ d'une aventure exceptionnelle qui va durer quatre mois. Le 8 mai, nous proposerons sur nos antennes une journée spéciale, avec de nombreux programmes en direct depuis le Vieux-Port comme Télématin et les JT. Le grand concert événement avec Soprano et Alonzo sera diffusé le soir en prime time sur France 2. On lancera ce même jour notre chaîne numérique entièrement consacrée aux JO, sur laquelle le public pourra suivre en direct pendant deux mois le parcours de la flamme dans toute la France. Pour France Télévisions, les JO seront un moment de communion avec les téléspectateurs et une immense fête. En tant que diffuseur officiel, nous allons faire battre le cœur des Français.

Quarante-trois millions d'euros de recettes supplémentaires sont attendus grâce aux JO. Allez-vous rentrer dans vos frais?

Les Jeux sont un investissement significatif en matière de droits sportifs, mais aussi de couverture éditoriale. La publicité permettra d'en financer une partie mais ne suffira pas à couvrir l'intégralité. Cependant, en tant que service public, nous ne raisonnons pas comme cela. Les JO seront rentabilisés car ils nous permettront de toucher 100 % des Français sur cette période et donneront un incroyable élan à France Télévisions. En interne, il y a actuellement une véritable effervescence, un bouillonnement. La direction des sports, qui a un grand savoir-faire, est dans les starting-blocks, mais tous les autres secteurs de la maison le sont aussi. On sent beaucoup de fierté et d'impatience dans les équipes. C'est un moment de bascule.

Pour la première fois, les deux grandes chaînes vont diffuser les compétitions des Jeux olympiques en simultané

Quel sera le dispositif cet été sur vos antennes?

Pour la première fois, les deux grandes chaînes vont diffuser les compétitions en simultané, et la chaîne olympique sera proposée gratuitement et en exclusivité sur la plateforme France.tv. À chaque moment de la journée, vous pourrez vivre les Jeux et ne pas en manquer une miette. Rarement un diffuseur hôte se sera autant mobilisé. France 2 portera les grandes épreuves comme l'athlétisme et la natation, et France 3 plutôt les sports collectifs. Les sports urbains comme le BMX ou le breakdance seront quant à eux retransmis sur la chaîne numérique. Ça va continuer pendant les Paralympiques avec la diffusion de toutes les épreuves. Durant toute la durée des Jeux olympiques et paralympiques, France 2 diffusera tous les jours - du lundi au dimanche - en deuxième partie de soirée un late show à l'américaine, présenté par Léa Salamé avec Laurent Luyat.

La semaine dernière, neuf associations de journalistes scientifiques ont publié dans Libération une tribune dénonçant la suppression du Magazine de la santé et de Vert de rage, parlant d'« une politique d'effacement des sciences » à France Télévisions. Que répondez-vous?

Les chiffres disent le contraire : France 5 est la seule chaîne à avoir une case hebdomadaire consacrée à l'environnement tous les lundis soir et une case scientifique tous les jeudis. Aucun autre média n'est aussi mobilisé. Mais la science se retrouve sur toutes nos chaînes : France 3 avec Le Monde de Jamy et France 2 lancera bientôt Secrets de science, une plongée dans les découvertes scientifiques. Martin Boudot a souhaité arrêter de présenter Vert de rage, mais, sur le sujet de l'environnement, nous lancerons aussi de nombreuses nouveautés : Les Sentinelles du climat, avec Chloé Nabédian, ou Résiste, avec Perrine Crosmary. Mais je suis toujours à l'écoute des inquiétudes qui s'expriment. J'ai bien vu que la suppression du Magazine de la santé avait suscité l'émoi. Je comprends l'attachement à cette émission historique de France 5 et nous avons donc finalement décidé de la prolonger.

Avec quel présentateur aux manettes ?

Nous travaillons avec les équipes de Newen à l'élaboration d'une nouvelle formule du magazine ; Jimmy Mohamed y sera seul aux commandes tous les jours. Mais Marina Carrère d'Encausse conserve la présentation d'Enquête de santé en première partie de soirée et nous travaillons avec elle sur des documentaires de société, à l'image du film sur la fin de vie qu'elle a réalisé il y a quelques mois et qui a eu un grand impact. Newen est une filiale de TF1 et notre troisième fournisseur de programmes. On nous a reproché de réaliser nos économies sur leurs programmes. Ce n'est pas notre intention. Nous continuerons de faire appel à eux sur leurs bons projets comme avec tous les producteurs.

La programmation de « Des chiffres et des lettres » le week-end n'a pas été couronnée de succès et l'émission va s'arrêter

 France Télévisions doit réaliser 200 millions d'euros d'économies en année pleine d'ici à 2028, dont la moitié sur les programmes. Comment allez-vous procéder ?

Nous allons faire quelques ajustements. La présidente Delphine Ernotte m'a demandé de ne pas toucher aux grands rendez-vous emblématiques. On ne fera pas d'économies sur la fiction, le documentaire, l'animation et la culture. Les missions essentielles du service public seront préservées.

Concrètement, vous allez quand même devoir supprimer des programmes la saison prochaine...

C'est la vie normale de toutes les chaînes de télé. Nous testons des choses en permanence. Certaines émissions lancées à la rentrée sur France 2 ne reviendront pas, comme Bertrand n'a pas sommeil ou En bande organisée car elles n'ont pas pleinement trouvé leur public. De même, la programmation le week-end de Des chiffres et des lettres n'a pas été couronnée de succès. Après cinquante ans d'existence, c'est un rendez-vous emblématique. C'est une décision difficile, mais nous avons fait le choix d'arrêter ce programme. Une émission d'au revoir réunira Patrice Laffont et Laurent Romejko, et remerciera toutes les équipes. L'adaptation du Jeu des 1 000 euros, qui marche très bien, sera diffusée désormais le week-end [lire ci-dessous]. En revanche, beaucoup de programmes récents sont reconduits, à l'image de C médiatique [France 5] et de Bel et bien [France 2]. Nous allons aussi poursuivre notre stratégie en direction des jeunes publics en investissant la plate-forme Twitch à partir de la rentrée.

En juillet dernier, l'audience mensuelle de France 2 a failli être supérieure à celle de TF1. L'objectif est-il d'en faire la première chaîne de France ?

Non. Je me réjouis de nos excellentes audiences car cela prouve que la télévision publique sait innover et fédérer. 80 % des Français regardent chaque semaine les antennes de France Télévisions. Mais nous ne sommes pas en concurrence directe avec le privé. Nos propositions sont complémentaires.

Pourtant, l'Association des chaînes privées vous a accusé l'an passé de proposer des programmes trop proches des leurs et de « développer une programmation [...] commerciale [...], notamment sur France 2 »...

Il est temps de tourner cette page. France Télévisions n'est pas en guerre avec le privé. Nous ne nous inscrivons pas dans une démarche commerciale, mais nous nous adressons à des citoyens, avec la volonté de leur proposer des programmes qui leur ressemblent. C'est notre seule boussole. Nous ne ferons jamais la même télévision que les chaînes privées. France 2, qui est notre navire amiral, a un positionnement singulier. Demain lundi, nous diffuserons par exemple les Molières, jeudi une soirée consacrée à la diplomatie européenne et samedi le concours Eurovision de la chanson. Tout ça en première partie de soirée. Aucune chaîne commerciale ne ferait cela.

La matinale de TF1, Bonjour, lancée en janvier, peine à décoller et reste loin derrière Télématin. Soulagé ?

Je me réjouis de la puissance de Télématin, et en aucun cas des déboires des concurrents. Vous évoquez Bonjour, mais avant cela il y a eu l'arrivée ces chaînes info sur ce marché. Malgré tout, nous sommes restés un rendez-vous incontournable pour les Français. Cette émission a près de quarante ans et a su se renouveler grâce à une super équipe très dynamique, sympa et créative!

Ce que pourrait changer la holding

Les 23 et 24 mai, les députés examineront le projet de réforme de l'audiovisuel public. Avec au menu des débats la création d'une holding chapeautant tous les services publics de l'audiovisuel (France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde). Une perspective réjouissante, selon Stéphane Sitbon-Gomez. « Cela nous permettra d'unir nos forces. Aujourd'hui, chacun travaille un peu trop dans son coin. Il faut construire une "équipe de France de l'audiovisuel public" ! En jouant collectif et en se passant davantage la balle, on peut se renforcer, afin d'être encore plus au service des Français. » D'autant que, selon lui, une holding ne ferait pas obstacle au maintien des spécificités de chacune des entreprises.

Des marques identifiées

« Nous n'allons pas faire de la radio filmée, et la radio n'a pas vocation à être la chambre d'écho des programmes télé. Il s'agit d'identifier des marques sur lesquelles nous pouvons travail- ler ensemble. » C'est déjà le cas pour certains programmes de France Inter comme Affaires sen- sibles ou Le Jeu des 1 000 eurosdéclinés respectivement sur France 2 et France 3.

« À la rentrée, nous donnerons encore plus de place au Jeu des 1 000 euros en le diffusant désor- mais deux fois par semaine, le samedi et le dimanche, à la place de Des chiffres et des lettres. France 3 et France Bleu travaillent également sur un projet éditorial commun. Je suis persuadé que l'on peut tous s'enrichir mutuellement. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé dans les pays européens qui ont fait le choix de rassembler leurs services publics de l'audiovisuel, à l'image de l'Angleterre ».

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Commentaires 7
à écrit le 09/05/2024 à 0:06
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Vague de suicide à prévoir dans les EHPAD.

à écrit le 06/05/2024 à 13:02
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C’est comme ça et il faut se dire que même lorsque ce n’est pas toujours souhaitable et nécessaire tout peut disparaitre un jour. Par exemple alors que je ne pensais pas que cela soit possible France Inter est en train de « bousiller » l’émission cul...

à écrit le 05/05/2024 à 18:05
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Cette emission a bercé mon enfance et j'ai grandi avec l'habitude de la regarder. C'est l'une des vraies émissions de la télévision française, une émission pas comme les autres, qui nous donne de réfléchir. Pas comme ces émissions qui nous divertiss...

à écrit le 05/05/2024 à 15:37
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Et voilà une raison de plus de ne plus regarder la 3 !

à écrit le 05/05/2024 à 15:36
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Et voilà une raison de plus de ne plus regarder la 3 !

à écrit le 05/05/2024 à 10:30
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"Des chiffres et des lettres" seule émission qui demande de la réflexion et de l'entrainement, est excellente pour la mémoire. Il vaut mieux chercher à faire de l'audimat avec des navets. C'est très regrettable. Quant à la programmation le weekend, c...

à écrit le 05/05/2024 à 9:36
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Ben ouais faut que les gens votent massivement le pen c'est pas le moment de trop les faire réfléchir... du coup ça va libérer un créneau horaire pour nous mettre une énième grosse m... débile et vulgaire.

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