L'AMF se prononcera dans les "tout prochains jours" sur le dossier Suez-Pinault

Le groupe Suez estime "vague et imprécise" la déclaration d'Artemis, la holding de l'homme d'affaires François Pinault, qui a annoncé ce mardi n'avoir encore pris "aucune décision concernant l'éventualité" d'une OPA sur Suez. Il saisit de nouveau l'AMF, l'autorité des marchés financiers, qui se prononcera dans les "tout prochains jours".

Le groupe Suez n'est pas content. Il qualifie la déclaration du groupe Pinault sur ses intentions à son égard est "vague et imprécise". Suez considère qu'elle "ne clarifie en rien ses intentions réelles, et n'éclaire pas de manière satisfaisante les marchés financiers".

"Au contraire" pour le groupe dirigé par Gérard Mestrallet qui prévoit toujours de se marier avec Gaz de France, la déclaration de Pinault "favorise la spéculation et entretient l'incertitude pour les actionnaires de Suez".

Suez indique donc "en conséquence" que le groupe saisit une nouvelle fois l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) afin qu'elle fasse usage de la nouvelle réglementation en vigueur et obtienne du Groupe Pinault une clarification sans équivoque de ses intentions de faire une offre sur Suez ou
d'y renoncer pendant 6 mois, cela en application des dispositions de l'article 433-1 du code
monétaire et financier ainsi que des articles 222-22 à 222-25 du Règlement Général.

En fin d'après-midi, l'AMF a fait savoir que son collège prendrait une décision dans les "tout prochains jours" sur le dossier Suez. "On est en contact avec les protagonistes pour clarifier leurs positions", a simplement précisé la porte-parole de l'organisation.

Mardi matin, François Pinault indiquait n'avoir pris "aucune décision concernant l'éventualité" d'une OPA sur Suez, selon un communiqué de sa holding Artemis, ajoutant que "toutes les options" restaient ouvertes.

Gaz de France, qui doit toujours s'unir à Suez, avait aussitôt réaffirmé ne pas avoir de projet en commun avec le groupe Pinault. Et Suez, de son, côté, avait immédiatement souligné qu'aucun de ses actifs n'est à vendre.

Avant de recevoir la nouvelle demande de Suez, l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait fait savoir dans la foulée des déclarations de Pinault qu'elle étudiait à la lumière de sa réglementation "les termes du communiqué" publié par Artémis. Selon le règlement de l'AMF, le gendarme de la Bourse a le pouvoir d'exiger des sociétés ou des personnes "dont il y a des motifs raisonnables de penser qu'elles préparent une offre" sur une entreprise, par exemple en cas de rumeurs de marché, qu'elles lui déclarent leurs intentions.

Sur le modèle de la procédure surnommée "put up or shut up" (déclare-toi ou tais-toi), en vigueur notamment en Grande-Bretagne, une entreprise qui dément préparer une offre sur une société ou qui est "réputée ne pas avoir une telle intention" n'a pas le droit ensuite de lancer une OPA pendant un délai de six mois.

En revanche, lorsqu'une société déclare "avoir l'intention de déposer un projet d'offre", l'AMF fixe la date à laquelle elle doit "publier un communiqué portant sur les caractéristiques du projet d'offre ou, selon le cas, déposer un projet d'offre".

L'AMF "peut demander tout renseignement qu'elle juge nécessaire", précise le règlement, qui ne mentionne cependant pas le cas où une société déclare n'avoir pris "aucune décision".

Le Wall Street Journal annonçait lundi que François Pinault pourrait annoncer très prochainement qu'il ne comptait pas lancer d'offre sur Suez, intention que lui prête la rumeur et plusieurs journaux depuis quelques semaines.

L'action Suez s'est ainsi envolée vendredi et poursuit sur sa lancée ce mardi, portée par des informations de presse indiquant que l'homme d'affaires François Pinault pourrait lancer une offre sur Suez dès le début janvier pour 70 milliards d'euros, un montant supérieur à ce qui était évoqué jusque ici.

A la clôture, vendredi, l'action avait progressé de 2,56% à 39,23 euros, après avoir atteint dans la matinée un plus haut annuel à 40 euros. Depuis le 1er janvier, l'action Suez a progressé de plus de 49%. Et dans la foulée, l'action Gaz de France bondissait de 2,80% à 34,85 euros, tandis que Veolia Environnement s'envolait littéralement de 8,96%, à 58,40 euros. Ces deux derniers groupes sont des repreneurs potentiels respectivement des composantes énergie et environnement de Suez.

Selon le site Internet du magazine Capital, Jacques Chirac serait d'accord avec François Pinault pour que ce dernier lance dès le début janvier une offre de 70 milliards d'euros sur Suez et cède à GDF, pour 40 milliards d'euros, la partie énergie du groupe. "L'ancien patron de Pinault-Printemps-La Redoute, qui est très proche de Jacques Chirac, aurait sollicité et obtenu le feu vert de l'Elysée. Du coup, il pourrait déclencher son OPA avant la mi-janvier, voire même la semaine prochaine", écrit le magazine qui relance ainsi un scénario évoqué à plusieurs reprises sur le marché et dans la presse ces dernières semaines.

Mais vendredi en début d'après-midi, L'Elysée a démenti apporter son soutien à une éventuelle offre de François Pinault sur le groupe Suez, soulignant que l'Etat français continuait de soutenir le projet de rapprochement entre Suez et Gaz de France. "La présidence de la République dément cette rumeur fantaisiste", déclare-t-on. Et d'ajouter: "La position de l'Etat actionnaire est connue. C'est celle d'un soutien clair et déterminé au projet de fusion porté par GDF avec le groupe Suez".

Le quotidien Le Figaro avait déjà indiqué le 19 décembre que Pinault pourrait débourser "quelque 60 milliards d'euros" - pour offrir une prime aux actionnaires de Suez - puis en "récupérer environ 40 auprès de GDF", en cédant la partie énergie. Toutefois, jeudi dans une interview accordée à Paris Match, Jean-François Cirelli, le patron de GDF, a démenti être en contact avec François Pinault. "J'ai une grande estime pour François Pinault, mais nous n'avons aucun projet commun", a-t-il affirmé. "Pour nous, la solution idéale est le mariage avec Suez", a-t-il également répété.

Reste que, en fin d'après-midi vendredi, le groupe Suez à décidé de clarifier la situation: il a annoncé avoir demandé à l'Autorité des Marchés Financiers d'obtenir de François Pinault qu'il déclare ses intentions.

Le projet de fusion entre Suez et GDF est menacé depuis que le Conseil constitutionnel a validé la privatisation de GDF tout en ordonnant qu'elle ne soit effective qu'après le 1er juillet 2007, date à laquelle le marché sera totalement ouvert à la concurrence, ce qui fera tomber la notion de service public national. Du coup, les protagonistes semblent bloqués par la perspective de l'élection présidentielle du printemps prochain.


La Belgique met en garde la France contre tout nationalisation de Suez
Le ministre belge des Finances Didier Reynders, dans un entretien au quotidien Le Soir, met en garde la France contre toute nationalisation du géant français de l'énergie Suez, très présent en Belgique, dans le cadre de son mariage de plus en plus incertain avec Gaz de France. "Si comme certains l'évoquent désormais, l'opération venait à déboucher non plus sur une entreprise privée dotée d'un actionnariat public mais sur une entreprise d'Etat, cela changerait fortement la donne du point de vue de nos intérêts qui sont d'ouvrir la concurrence sur les marchés du gaz et de l'électricité en Belgique", a-t-il déclaré. Suez est la maison mère d'Electrabel, principal fournisseur d'électricité et de gaz en Belgique. Son projet de fusion avec Gaz de France, qui s'est heurté à de nombreux obstacles politiques, syndicaux et réglementaires au niveau tant national qu'européen, ne débouchera pas avant l'élection présidentielle d'avril-mai 2007 en France. Du coup, le projet risque de devenir un enjeu électoral et le statut futur de l'ensemble formé par GDF, une société publique, et Suez, détenu par des capitaux privés, pourrait s'en trouver modifié et déboucher sur une nationalisation de facto de Suez au lieu d'une privatisation partielle de GDF, selon les analystes. Dans le même entretien, Didier Reynders se dit très "attentif à l'évolution du dossier", et précise qu'il pourrait revoir sa position si "le processus dans lequel nous sommes inscrits venait à être modifié". Le 6 octobre, après des mois de négociations avec Suez, le gouvernement belge avait notamment obtenu que Suez cède une partie de sa production électrique, de manière à ce que le deuxième électricien du pays, la SPE - qui détient actuellement 10% du marché - et une entreprise étrangère à déterminer détiennent chacune, à terme, 15% de la production électrique belge.

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