Regard en coulisses

Avec sa nouvelle création, "L'Emission de Télévision", Michel Vinaver fait du comique un outil de réflexion sur le pouvoir de l'image et les dangers du voyeurisme.

Deux chômeurs sur le retour, Delile et Blache, sont contactés par deux chargées de production afin de venir raconter leurs déboires professionnels dans une célèbre émission de télé-réalité. A priori, le sujet de "L'Emission de Télévision" semble banal. Mais la pièce s'ouvre sur une interrogation et, déjà, le suspense s'installe. Un des deux candidats potentiels a été assassiné. Le juge, un homme zélé aux faux airs de Docteur Knock met un point d'honneur à résoudre le mystère. La structure du texte repose sur une chronologie complexe et déréglée, avec une alternance entre les entretiens au tribunal et les retours en arrière consacrés aux processus de recrutement télévisuel. L'enchaînement entre le présent et les scènes de flash-back se fait sans transition.

L'adaptation de Thierry Roisin privilégie l'image avec une mise en scène quasi-cinématographique Ici, le principe de "fondu-enchainé" ne cache rien du décor, un mobilier de style moderne d'une blancheur immaculée. "Ici tout est vrai monsieur Delile", s'écrie par ailleurs une des rabatteuses au verbe haut. Le son tient également une place de choix. Du bruit de la cuillère à café, à l'eau d'un bain qui coule, rien n'est laissé de côté. Le jeu sur la transparence révèle bien les mensonges de la boîte noire, personnage à part entière de la pièce. L'écriture faite de dialogues échangés sur le vif, est drôle et corrosive.

Forcément, il y a l'évocation du chômage et la mise au ban de la société qu'il accompagne pour ceux qui le subissent. La figure de l'exclu révèle "les rêves et les douleurs, les fantasmes et les vexations, tous ces signes quotidiens qui accompagnent la perte de l'identité sociale avec l'absence d'emploi", selon la définition du metteur en scène, le regard des autres, la sensation d'être inutile. Mais les malheurs des "salariés kleenex" fascinent, comme l'exprime justement Delile (Daniel Delabesse dans le rôle).

Mais n'est-ce pas l'idée que les médias sont tout-puissants qui l'emporte? Avec les épouses, Jackie et Béatrice, des candidats qui rêvent d'un rôle secondaire dans ce monde cathodique, les femmes de la pièce expriment fortement tout le fantasme sur le pouvoir des médias. Michel Vinaver, dramaturge et ancien chef d'entreprise, connaît son sujet. Sa pièce n'est pas moraliste mais interroge le public. Où l'absurde provoque un rire jaune.


Jusqu'au 4 février au Centre Dramatique National de Montreuil. 63, rue de Victor Hugo - 93100 Montreuil. Réservations: 01 48 70 48 90. www.cdn-montreuil.com

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