Howard Barker, chef de file d'un "théâtre de la catastrophe", aime s'emparer des thèmes récurrents de la modernité. Sexe, désir et passion; violence de la guerre et du pouvoir; individu sacrifié pour la raison d'Etat ou la religion. Malgré tout, "la. tragédie nous aide à contempler l'abîme de notre solitude", écrit Barker (1). C'est un peu le sentiment du spectateur en entendant les dialogues de sa pièce, "Judith ou le corps séparé", tragédie contre le plaisir, contre tout espoir d'harmonie entre les êtres. Le spectateur peut être, pendant quelque temps, agacé par trop d'obscurité, au propre comme au figuré. Mais, intrigué, il suit le jeu des personnages, plein de sous-entendus lourds de conséquences. Quand, sans crier gare, un mensonge libérateur arrive. Mentir, c'est se débarrasser de "la simple pression étouffante de la sincérité", vient à rappeler Judith.

La mise en scène et le décor renforcent l'idée de spirale dans laquelle Barker veut entraîner son monde. Dans cette salle du Planétarium du théâtre des Amandier, il y a ce lit, omniprésent. Objet de l'amour à mort. Le sacrifice du général Holopherne. Le destin tragique de Judith. Le metteur en scène de Jean-Paul Wenzel invite à entrer dans la parenthèse du temps suspendu, dans l'intimité des lieux.

Belle harmonie entre les jeux des sons (de Philippe Tivillier) et des lumières. Mention spéciale pour le travail de la costumière Cissou Winling dont les créations offrent un spectacle d'une peinture toujours en mouvement. Parfois, on retrouve des tableaux de la Renaissance, d'un Caravaggio, qui reprennent la violence et la sensualité du mythe. La jeune Lou Wenzel (Judith) et les 'anciens' Mohamed Rouabhi (Holopherne) et Camille Grandville (la domestique), interprètent cette tragédie d'une voix juste.


Jusqu'au 11 février au Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre.
Réservations: 01 46 14 70 00. www.nanterre-amandiers.com

(1) "Arguments pour un théâtre", de Howard Barker aux Editions les Solitaires intempestifs.