Robyn Orlin décape Haendel

La chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin livre une version décapante de l'ode pastorale de Haendel "L'Allegro, il Penseroso ed il Moderato". Un télescopage parfois drôle parfois abscons d'images, sur une musique sublime portée par William Christie.

Marier le chant, la musique, la danse et les images en fuyant comme la peste les conventions... Le vieux rêve de Gérard Mortier, patron de l'Opéra de Paris, et de la directrice de la danse, Brigitte Lefèvre, est réalisé au Palais Garnier au-delà de leurs espérances. Il est vrai qu'en confiant le spectacle et la troupe du Ballet de l'Opéra de Paris à la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin, ils prenaient leurs risques. Celle-ci, totalement étrangère au monde de l'opéra, n'a de cesse d'en dynamiter les codes et profite de toutes les occasions pour traiter les problèmes de son temps et de son pays (apartheid, Sida, déshérence urbaine...). Le résultat, souvent très inventif et drôle, est aussi inégal, disparate dans ses intentions comme dans ses effets.

Sous les ors du Palais Garnier, cette ode pastorale et baroque composée en 1740 par Haendel sur des poèmes de Milton prend de drôles de résonnances. D'innombrables allusions à la mythologie, à ses héros et à leurs aventures sucrées-salées parsèment la joute pacifique à laquelle se livrent les trois personnages allégoriques qui défendent tour à tour leur partition sur la scène: l'Allegro (le joyeux joué par un ténor) en première partie, le Penseroso (le soucieux, un baryton) dans la deuxième et le moderato (le raisonnable, une soprano) en synthèse finale.

A chacun de ses trois personnages sont associées des images projetées sur un écran en haut du fond de scène: images bucoliques avec des paysages et des visages de paysans d'Afrique du Sud pour l'Allegro, suburbaines et déprimantes pour le Penseroso.

Un très ingénieux procédé d'incrustation numérique permet d'intégrer danseurs et chanteurs qui s'ébattent sur scène dans ces images, provoquant souvent l'hilarité générale. Les uns et les autres se prêtent au jeu avec bonne grâce, surtout l'étoile Nicolas Le Riche en drag-queen à perruque Louis XIV ou le ténor britannique Toby Spence, aussi bon acteur que chanteur, jouant du hula hoop. Nettement plus grinçante, et même glaçante, la partie finale du Moderato est accompagnée d'images de désastres naturels ou provoqués (tsunami, tours du World Trade Center en flammes..) qui apportent un démenti cruel au message de tempérance délivré par le chant. Si la danse passe souvent au second plan, conduite par des intentions pas toujours lisibles, l'interprétation musicale est en revanche irréprochable. Tant du côté des solistes que de celui de l'Orchestre et du choeur des Arts Florissants, portés par William Christie à des sommets.

Opéra Garnier les 25, 27, 29 avril et 2, 4, 6, 7, 9 et 12 mai, tél. 08 92 89 90 90, www.operadeparis.fr

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