Production et distribution d'énergie : Bruxelles propose une alternative

La Commission européenne privilégie la "séparation patrimoniale", entre activité de production de gaz et d'électricité d'une part, et distribution via un réseau d'autre part. Mais elle offre aussi une autre option avec le seul maintien d'un lien purement capitalistique entre les deux entités, sans dirigeants ni administrateurs communs.

C'était la décision attendue avec impatience par les grands acteurs de l'énergie en Europe et par les Etats: la Commission européenne a proposé ce mercredi deux options, une dure et une plus souple pour accélérer l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence.

Fidèle à sa volonté d'avancer en ce sens, Bruxelles privilégie la "séparation patrimoniale", entre activité de production de gaz et d'électricité d'une part, et distribution via un réseau d'autre part. Une telle solution signifierait la scission de géants comme EDF ou les allemands E.ON et RWE.

La Commission reprend en l'occurence la thèse des pays européens les plus libéraux comme les Britanniques (qui ne comptent plus de géant national de l'énergie) ou les Suédois qui veulent ainsi faciliter l'accès des "nouveaux entrants" du secteur aux réseaux existants.

Mais Bruxelles ne pouvait offrir cette seule solution face à l'opposition ferme d'une majorité d'Etats membres emmenés par la France et l'Allemagne. La Commission européenne a donc présenté une autre option qui consisterait à créer une société filiale entièrement indépendante dans son management et son conseil d'administration (donc sans dirigeants eni administrateurs communs).

Des organismes indépendants de contrôle nationaux - il existe déjà en France sur le papier avec la CRE, la Commission de régulation de l'énergie - mais aussi les services de la Commission seront chargé de faire respecter ces règles.

D'ailleurs, le président de la CRE, Philippe de Ladoucette, affirmait la semaine dernière lors d'un Congrès organisé par l'Association française du gaz, qu'en termes d'indépendance de réseaux en France, "on est arrivé à quelque chose qui est relativement peu critiqué par les utilisateurs".

"Nous sommes résolument opposés" à ce projet de "modèle unique et caricatural où nous serons tous coupables", avait déclaré pour sa part le PDG du groupe public Gaz de France (GDF), Jean-François Cirelli, dont le groupe doit bientôt s'unir avec Suez et être ainsi privatisé.

Pour lui, "ce n'est pas dans l'intérêt des consommateurs", ni "dans l'intérêt d'une politique énergétique européenne", ni "dans l'intérêt d'une sécurité d'approvisionnement".

Le PDG du groupe Suez, Gérard Mestrallet avait, lui, salué au cours de ce Congrès "l'efficacité du RTE (NDLR, réseau de transport d'électricité, qui est juridiquement filiale d'EDF) et du GRT (NDLR, réseau de transport du gaz, filiale, lui de Gaz de France), dans des conditions d'équité sans discrimination".

Le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, dans un message lu par le directeur général de l'énergie et des matières premières, Pierre-Franck Chevet, était allé dans leur sens en plaidant en faveur d'une "séparation régulée", qui "mette l'accent sur le rôle des régulateurs nationaux".

Outre cette concession en offrant une option plus souple, la Commission européenne a voulu, ce mercredi, montrer qu'elle ne souhaitait pas fragiliser les groupes énergétiques européens. Son président, José Manuel Barroso, propose en effet d'imposer de "sévères conditions" aux entreprises non-européennes voulant investir dans l'énergie en Europe. Histoire de ne pas laisser dire que Bruxelles veut laisser Gazprom acheter les réseaux ou les producteurs de gaz et d'électricité européens.

Le géant gazier public russe a répondu. "Gazprom a une importante contribution à faire dans le débat sur la régulation du secteur énergétique en Europe et est certain que sa voix sera entendue", a réagi son porte-parole, Sergueï Kouprianov, cité dans un communiqué.

Le groupe, qui fournit une grosse partie du gaz naturel consommé en Europe, se dit "impatient de mener des discussions constructives sur l'amélioration de la sécurité de l'approvisionnement en Europe". "Gazprom est un fournisseur fiable de gaz à l'Union européenne et un investisseur majeur dans les infrastructures de transport de gaz vers l'Europe. Nous suivons le même objectif de fond que l'UE, qui est d'assurer la sécurité à long terme de son approvisionnement en énergie", poursuit Sergueï Kouprianov.

Gazprom indique qu'il va "étudier avec soin" les mesures proposées par la Commission puis s'entretenir avec les instances européennes chargées du dossier. Il compte ensuite "présenter son estimation de la manière dont ces mesures vont affecter la sécurité de l'approvisionnement, la compétitivité des marchés européens de l'énergie et, au final, les prix de l'énergie en Europe".

A Bruxelles, certains estiment que les conditions fixées par la Commission de Bruxelles sont tellement draconiennes qu'elles vont conduire de fait à une séparation entre production et distribution d'énergie. A moins de devoir faire face à une montagne de paperasses. A Paris, d'autres se veulent plus rassurants en estimant qu'il ne s'agit que d'une adaptation de ce qui existe déjà dans l'Hexagone.

La proposition de Bruxelles doit être en tout suffisamment agaçante pour que la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, affirme dans la foulée mercredi que Paris "pouvait rassembler des soutiens" d'autres Etats membres au sein de l'Union européenne contre les projets de Bruxelles de séparer les activités de production et de transport d'énergie.

Elle poursuit aussi le bras de fer avec la Commission en prédisant le maintien des tarifs régulés (au prix fixés par l'Etat et non par le marché ou par le fournisseur) du gaz et de l'électricité, ce à quoi s'oppose une directive européenne, rappelée fréquemment par Bruxelles.

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