Archie Shepp, libre et engagé

Monument du jazz, le saxophoniste célèbre ses 70 ans. Entretien avec un musicien engagé et ouvert, du free au rap.

Clin d'oeil de l'histoire. Archie Shepp a célébré ses 70 ans à la Fondation Cartier, à l'endroit exact, boulevard Raspail à Paris, qui abritait dans les années 60 le Centre américain, haut lieu du free jazz. Habitué des lieux, le saxophoniste ténor conserve intacte cette flamme de liberté, au point de titrer son programme de ce 7 mai " Born free ".

Musicien " africain-américain ", selon ses propres termes, Archie Shepp aura toujours été un artiste engagé. Sur le terrain politique pour le combat en faveur des droits du peuple noir et sur le plan musical, mêlant sa voix aux musiciens africains et maintenant aux rappeurs dont récemment Rocé et Chuck D. Rencontre à l'occasion de la sortie le 24 mai, date de son anniversaire, d'un double album ("Gemini" Archieball-Abeille Musique) avec un jazzman qui a croisé sur sa route Coltane, des touaregs et des étudiants.

La Tribune.- Quels sont les musiciens qui vous ont le plus inspiré?

Archie Shepp.- Mon père probablement. C'est lui qui m'a donné le goût de la musique. Il jouait du banjo et il avait une belle collection de disques avec Duke Ellington, Count Basie, Artie Shaw. Mais bien sûr, j'ai été inspiré par Charlie Parker.

Quel rôle a joué John Coltrane dans votre carrière?

Je l'ai rencontré à New York en 1960. Il jouait alors avec Thelonious Monk. Je lui ai demandé s'il pouvait m'aider au saxophone. Il était très agréable. Il m'a invité chez lui, on a parlé de musique presque toute la journée. Coltrane était très humble et avait une discipline très forte. Il était très passionné, très motivé. Il répétait partout. Il a fait la musique très sérieusement. C'est mon modèle.

Vous entretenez une relation particulière avec la France...

Je suis venu pour la première fois en France en 1961. J'ai trouvé que les Français étaient très disponibles avec moi peut-être parce que je parlais un peu français. J'avais pris des cours de français au lycée. J'étais francophile. J'aime bien la culture française. En arrivant en France, j'ai eu l'impression que j'étais chez moi, que la France était ma deuxième patrie. Aujourd'hui j'habite aux Etats-Unis dans l'état du Massachusetts mais je suis souvent en France.

En 1969, vous avez joué avec des musiciens algériens lors du premier festival culturel panafricain à Alger. C'était nouveau à l'époque cet échange entre jazz et autres musiques?

J'étais inspiré par Coltrane qui avait joué avec Ravi Shankar, le sitariste indien. John fait figure de pionnier de la world music. Quand je suis arrivé à Alger, j'ai demandé de jouer avec des touaregs. C'était important pour moi, je pensais qu'il y avait une correspondance entre la musique africaine et la musique des noirs américains. De rencontrer des autres musiques noires, c'était une découverte. C'était une confirmation de mes racines, de mon identité, de ma culture.

Parallèlement à votre carrière de musicien, vous avez été professeur. Que vous a apporté votre métier d'enseignant?

D'être professeur, cela m'a permis de gagner ma vie (rires) car avec le jazz, c'était assez difficile aux Etats-Unis pour subvenir aux besoins de ma famille. J'ai été enseignant pendant 31 ans à l'université du Massachusetts. J'ai essayé d'aider mes étudiants à apprendre à improviser. Il faut beaucoup de discipline avant de pouvoir se lancer dans l'improvisation (sourires).


Discographie: "Gemini"". 2 CD. Avec Chuck D (vocal), Tom McClung (piano), Wayne Dockery (basse), Steve McCraven (batterie), Stéphane Guéry (guitare), Amina Claudine Myers (vocal), Cameron Brown (basse), Ronnie Burrage (batterie). Archieball-Abeille Musique. "Je suis jazz, c'est ma vie". DVD de Frank Cassenti avec livret de photos de Guy Le Querrec. Archieball-Abeille Musique.
Et aussi quelques CD: " Four for Trane " Impulse, 1964 ; "New thing at Newport". Impulse, 1965; "Attica Blues". Impulse, 1972 ; "Left alone revisited", avec Mal Waldron (piano). Enja. 2002.
Agenda TV: " Happy birthday, Mr Shepp ". Mezzo le 9 juin à 19 h, émission comprenant documentaire et extrait du concert du 7 mai à la Fondation Cartier. Rediffusion les 13 juin à 19 h et 14 juin à 22h50. Archie Shepp sera l'invité d'honneur des Victoires du Jazz retransmis sur France 3 et France Inter le 9 juin à 22h.
Concerts: Aix-en-Provence le 30 juin en ouverture du festival; Vienne (Autriche ) le 6 juillet; Porquerolles (83) le 10 juillet; Vienne (Isère) le 13 juillet; Clermont-en-Genevois (Savoie) le 25 août.

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