Les dangers du grand écart

L'éditorial de François-Xavier Pietri

Certains en rêvaient, ils l'ont fait. La jonction entre les deux grèves, celles concernant les régimes spéciaux et celle des fonctionnaires, est donc réalisée. Les français pensaient n'avoir droit qu'à une petite semaine de galère, ils risquent d'en avoir deux. Pire encore, ce mouvement pourrait se transformer en grande pagaille, y compris sur le plan politique. Le premier sujet, c'est bien sûr qu'entre les deux mouvements, on est dans le registre du grand écart et que la jonction pose problème. Si on reste sur le terrain de la logique syndicale, hier il s'agissait de discuter du sujet des régimes des retraites pour un nombre limité d'entreprises et de salariés au regard de la France; aujourd'hui, il est question des salaires et du pouvoir d'achat de millions de fonctionnaires. Pas sûr, en réalité, que les seconds soient parfaitement heureux de l'amalgame que certains cherchent à provoquer. Là, on quitte justement le terrain syndical pour celui, bien plus dangereux, du politique. Car il ne faut pas s'y tromper : les ultras qui entretiennent la flamme du mouvement sont dans un registre bien plus politique que revendicatif. Peu leur chaut que les sujets diffèrent, puisque le dénominateur commun des deux grèves est d'en découdre avec Nicolas Sarkozy et ce qu'il représente. A l'évidence, cette confusion des genres ne fait rien pour arranger les choses. Mais il y a plus grave encore. La pagaille suprême, c'est que les syndicats, dans ce contexte ultra-politique, ne représentent plus qu'eux-mêmes... et n'engagent plus les salariés qu'ils sont censé représenter. Le fait que, non pas la base, mais les ultra-politiques aient réussit à confisquer les grèves aux centrales traditionnelles peut être lourd de conséquences. Cela réduit en effet à pas grand-chose la capacité du gouvernement à négocier avec les centrales, en clair, à "dealer" des positions que les syndicats sont censé respecter et imposer à leurs troupes. En somme, la négociation échappe aux uns et aux autres, les arbitres devenant ceux qui sont capables de paralyser la France... contre son gré. Le problème ultime étant que ces arbitres n'ont en réalité rien à arbitrer, ni d'ailleurs à négocier. Voilà qui augure une sortie de crise difficile pour les jours qui viennent et, plus grave, des semaines et des mois au moins aussi compliqués quand il s'agira de poursuivre le train des réformes.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.