L'histoire est d'autant plus poignante qu'elle a été réellement vécue. Au début des années 1980, Patrick Chamusso, contremaître dans la raffinerie pétrolière de Secunda, au nord-est de l'Afrique du Sud, est un noir pacifiste et prudent. Il vit paisiblement avec sa femme et ses deux filles et dirige l'équipe de foot junior locale. Mais tout bascule lorsqu'il est accusé à tort d'avoir provoqué une explosion dans l'usine; sa femme et lui sont torturés. La haine engendre la haine, et c'est l'engrenage. Le héros décide de s'embrigader dans la branche militaire de l'ANC (African National Congress) pour saboter réellement la raffinerie. Paradoxe, en voulant les combattre, la police anti-terroriste fomente la rancoeur et la violence.

Si elle tient en haleine d'un bout à l'autre, la construction du film est un peu trop conventionnelle, tout comme les éléments qui la composent, avec les inévitables scènes de torture qui succèdent aux scènes de bonheur trop parfait. Mais le jeu des acteurs réussit à étoffer le film de Phillip Noyce ("Un américain bien tranquille", "Le chemin de la liberté").

Derek Luke, qui incarne Chamusso, donne la réplique à Tim Robbins, colonel dans la police anti-terroriste. Derrière une apparence bonasse, que l'on devine en proie aux doutes, ce dernier fait preuve d'une infinie cruauté. Un personnage complexe habilement maîtrisé par Tim Robbins, que l'on sait très engagé politiquement aux côtés de sa compagne Susan Sarandon. De son côté, Bonnie Henna, la femme de Chamusso, est bouleversante de grâce et d'émotion.

Les chants tribaux, les privilèges menacés des Afrikaners, les camps d'entraînement de l'ANC donnent une allure documentaire salutaire au film, qui confirme l'engouement actuel pour la fiction documentaire (rien que sur l'Afrique, aujourd'hui à l'affiche "Le Dernier roi d'Ecosse", "Blood Diamond").