Tony Blair se fait tancer pour ses arrangements avec la lutte contre la corruption

L'OCDE a adressé un sévère avertissement au Premier ministre britannique pour avoir mis un terme à l'enquête sur une affaire de corruption mettant en cause British Aerospace (BAE). Un coup dur pour la convention OCDE contre la corruption qui interdit notamment le versement de pots de vin à des fonctionnaires étrangers.

Tony Blair entrera-t-il dans l'histoire comme le fossoyeur de la convention OCDE contre la corruption? Les trente pays signataires (moins la Grande-Bretagne) de cette convention, interdisant notamment la corruption d'agents publics étrangers dans le cadre de transactions commerciales, sont bien décidés à ne pas laisser passer cet arrangement manifeste avec la convention. Tony Blair a mis un terme, au nom de "l'intérêt national", à une enquête du Serious Fraud Office (SFO) sur le versement de pots-de-vin par le groupe de défense britannique BAE Systems dans le cadre du contrat militaire Al-Yamamah, signé par Londres et Ryad à partir de 1985. Ce contrat avait rapporté 43 milliards de livres (65,3 milliards d'euros) à BAE Systems.

Le groupe de travail de l'OCDE sur les questions de corruption s'est dit "gravement préoccupé quant à la possibilité que cette décision ne soit pas conforme à la Convention de lutte contre la corruption" de l'Organisation. Tony Blair a assumé personnellement cette décision, affirmant que la poursuite de l'enquête aurait eu "des effets désastreux sur notre relation avec un pays important" et un allié clé de Londres au Proche-Orient. L'enquête menaçait surtout un contrat pour la fourniture de 72 avions de combat Eurofighter de 10 milliards de livres (15,2 milliards d'euros) à l'Arabie saoudite.

L'OCDE a annoncé que des "mesures appropriées" pourraient être prises en mars. Le groupe de travail devrait passer en revue la mise en oeuvre par Londres de ses recommandations en matière de lutte anti-corruption, faites en 2005. Il s'agit notamment de vérifier que Londres a bien adopté des amendements législatifs "pour faire en sorte que les enquêtes et les poursuites pour corruption d'agents publics étrangers ne seront pas influencées par des considérations d'intérêt économique national, les effets possibles sur les relations avec un autre État ou l'identité des personnes physiques ou morales en cause", conformément à l'article 5 de la Convention.

Plusieurs dizaines d'organisations non gouvernementales (Amnesty International, Transparency International, Friends of the Earth, Oxfam...) ont également demandé la semaine dernière la réouverture de l'enquête. Dans une lettre adressée à Tony Blair, 80 signataires de 18 pays ont dénoncé le "message" envoyé par cette affaire, notamment celui de pouvoir pratiquer la "corruption en toute impunité" dès lors que les pays concernés sont considérés comme "stratégiques". Les ONG soulignent également que "la mise en oeuvre de la récente Convention des Nations unies contre la corruption", qui essaie d'amener les pays, et notamment les grandes puissances émergentes comme la Chine, l'Inde ou la Russie, à avoir des pratiques commerciales saines, est également menacée.

Le ministre de la Justice (attorney general) Lord Goldsmith a reconnu que cela n'avait pas été "une décision totalement confortable" d'abandonner l'enquête saoudienne. Mais, a-t-il voulu rassurer, "cela ne signifie pas que nous reculions en quoi que ce soit dans notre engagement contre la corruption". Dont acte. BAE Systems est également soupçonnée d'avoir versé des pots de vins (12 millions de livres) en Suisse dans le cadre de la vente en Tanzanie d'un système de radar anti-aérien d'une valeur de 40 millions de livres, en 2002.

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