D'anciens hauts responsables spatiaux demandent plus d'européanisation dans l'espace

Dans une lettre ouverte à l'Agence spatiale européenne (Esa), dix personnalités ayant occupé de hautes fonctions dans l'espace demandent une politique plus ambitieuse en matière de lanceurs. Ils préconisent également un transfert de compétences massif du Cnes vers l'Esa dans le domaine des lanceurs. Enfin, ils plaident pour une européanisation d'Arianespace.

Les futurs enjeux spatiaux européens agitent beaucoup le secteur. Ainsi, dix anciens hauts responsables européens (1) du Cnes (Centre national des études spatiales), de l'Esa (Agence spatiale européenne) et d'Arianespace ont envoyé une "lettre ouverte", dont La Tribune s'est procuré une copie, au président, au directeur général et aux membres du conseil de l'Esa pour demander une politique spatiale beaucoup plus ambitieuse, notamment dans le domaine des lanceurs.

Selon eux, "certaines orientations actuelles et le retard pris dans certaines décisions essentielles peuvent mettre en péril l'avenir de l'Europe spatiale". Ces anciens responsables, parmi lesquels figure l'actuel président d'honneur d'Arianespace Frédéric d'Allest, considèrent "de leur devoir d'alerter solennellement les représentants concernés des Etats membres sur les risques encourus" par l'Europe spatiale. Pour y remédier, ils formulent quatre recommandations pour maintenir les positions de l'Europe sur le marché de l'accès à l'espace.

Dans un premier temps, dès la conférence ministérielle de l'Esa "au plus tard", qui est prévue en novembre prochain, ils plaident pour "le lancement urgent d'un programme d'améliorations d'Ariane 5". Cela passe notamment "par une augmentation d'environ deux tonnes" de la performance de l'actuelle Ariane 5 ECA et par le développement du moteur réallumable Vinci notamment par le motoriste Safran.

Cette augmentation de la performance est "indispensable pour maintenir une politique compétitive de lancements doubles tenant compte à la fois de l'apparition de satellites plus lourds et de la perte prévisible par la société Arianespace du marché des satellites en masse inférieure de 3,5 tonnes" au profit de Soyuz à Kourou et du lanceur russe Zenith commercialisé par la société russo-américaine Land Launch de Baikonour, expliquent-ils.

Problème: alors que les industriels tablent sur une mise en service dans sept ans de Vinci actuellement en cours de pré-développement, le besoin d'augmentation de la performance "commencera à apparaître dans les années 2011-2012". Soit un décalage de trois à quatre ans par rapport aux besoins du marché, le délai de développement de Vinci pouvant être ramené à six ans.

Par ailleurs, s'ils approuvent le programme FLPP (futur lanceur européen) lancé en 2005 par l'Esa, ils estiment que "les conditions de sa mise en oeuvre ne sont pas satisfaisantes". Ce programme a donné lieu, expliquent-ils, "à la passation de divers contrats sans ligne directrice et sans véritable cohérence". Ils recommandent de structurer ces pré-développements autour d'un thème fédérateur qui devra être défini par l'exécutif de l'Esa, la direction des lanceurs du Cnes et les industriels. Ils préconisent de confier sa maîtrise d'oeuvre à une équipe projet de l'Esa.

Ils déplorent également la sous-utilisation de la direction des lanceurs du Cnes qui concentre pourtant en Europe la majeure partie des compétences, par l'Esa. Ce qui passe, selon eux, par "une impérieuse et urgente réorganisation de la conduite des programmes de lanceurs dans le cadre de l'Esa. "La solution la plus simple et la plus efficace consisterait à transférer" la direction des lanceurs du Cnes "au sein de l'Esa pour y constituer deux équipes de projets": l'une pour les améliorations d'Ariane 5 et l'autre pour le lanceur du futur. "Il s'agirait très clairement, font-ils observer, de doter l'Esa d'un véritable centre technique lanceurs, auquel seraient dévolus toutes les responsabilités techniques, contractuelles et financières de conduite de programme et de préparation d'avenir".

Enfin, ils demandent une européanisation d'Arianespace, tant au niveau de l'organigramme que du capital. Avec, notent-ils "l'objectif d'associer plus largement l'ensemble des partenaires industriels européens du programme et de leur redonner la motivation constatée dans les premières phases d'Ariane". Cela passe notamment par la cession des actions détenues par le Cnes (32,53%) à l'Esa et la nomination "de personnels de nationalité non française". "Cette double démarche serait cohérente avec le transfert du Cnes à l'Esa des compétences techniques existant dans le domaine des lanceurs", estiment-ils.

(1): Frédéric d'Allest, Peter Creola, président de l'Agence spatiale suisse (1998-2002), Fredrik Engström, directeur des lanceurs à l'ESA (1994-2001), Giuseppe Grande, membre du groupe de prospectives Arianespace et membre du comité de qualification d'Ariane (1996-1999), Hans Hoffmann, membre du conseil d'administration d'Arianespace (1980-1986), Raymond Orye, chef du département Ariane à l'ESA (1973-1996), Horst Rauck, membre du conseil d'administration d'Arianespace (1987-2003), Hanspeter Schneiter, membre du conseil d'administration d'Arianespace (1981-1998), Yves Sillard, délégué français au conseil de l'ESA (1978-1982) et Roger Vignelles, administrateur d'Arianespace (1993-1997).

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.