Représentativité et 35 heures : "il faut dissocier" réclame Chérèque

Découvrez un long extrait de l'intervention ce dimanche soir de François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, dans l'émission La Tribune - BFM - DailyMotion.

La Tribune - BFM - DailyMotion - Vous avez écrit un papier dans Le Monde, où vous accusez le gouvernement d'avoir semé la zizanie, mépriser le dialogue social. Mais la hausse du pétrole, cela concerne tout le monde : faut-il dire que c'est un 3e choc pétrolier, qu'il faut s'adapter ?

François Chérèque - C'est une chose de dire qu'il faut changer de modèle. Il faut changer de modèle parce qu'on sait que le pétrole restera durablement plus cher. (...) Il faut aider les personnes les plus en diffic ulté. (...) Le chèque transport est une négociation dans l'entreprise (...) c'est une mesure qui peut être efficace. (...) Pour les pêcheurs, il faut que l'Europe n'ait pas qu'une seule vision économique. (...) On peut aider d'une façon conjoncturelle pour le coût du pétrole, mais il faut changer le modèle de la pêche (...) Il faut faire les deux, si on ne fait pas les deux, on ne pourra pas changer d'époque.

- Vous êtes un homme en colère : vous accusez le gouvernement de mépriser le dialogue social. Avez-vous l'impression que c'est une crise ponctuelle ?

- Nous étions en train de changer d'époque dans notre pays. On a coutume de dire que les syndicats sont trop contestataires. Et on est en train de changer d'époque puisque, une loi ,après le CPE, décidait qu'un gouvernement ne pouvait plus changer la loi sans en discuter avec les partenaires. (...) Le problème est que le gouvernement est en train de se rendre compte que cela marche. (...) Je pense que c'est un problème pour les hommes et femmes responsables de notre pays, que des hommes et des femmes autres que des politiques soient capables de changer des choses. (...)

- Sur les 35 h - quetsion d'un internaute - Avez-vous rompu définitivement avec Xavier Bertrand ?

- On ne rompt jamais définitivement (...) Mon rôle est d'essayer de trouver des solutions (...) Il faut dissocier les deux parties de ce projet de loi (...) Il y avait une sorte de piège, on l'avait dit : on ne veut pas faire les deux choses en même temps. (....) Si on n'avait pas répondu à la question du temps de travail, le gouvernement est libre de faire ce qu'il veut. (...) Je propose au gouvernement, puisqu'on a un accord sur ce texte, qu'il fasse le projet de loi sur la représentativité,et puisqu'on a un désaccord sur le temps de travail, qu'il dissocie ce texte et le soumette à la négociation( ...)

- Vous voulez être dans le rapport de forces ?

- Le gouvernement dit " on a décidé de faire autre chose, on le fera ". On nous a donné trois mois pour négocier la représentativité temps de travail. Le patronat dit qu'il faut accepter l'accord signé CGT FDT. (..) Il ne nous reste que la manifestation (...) On s'est mis d'accord, c'est la tromperie de M. Fillon, pour permettre la négociation d'entreprise (à titre expérimental). On s'est mis d'accord pour permettre la négociation d'entreprise, donc on a répondu, on s'est mis d'accord, le premier ministre doit écouter notre accord. On parle de la santé des travailleurs, de la pénibilité, du stress. On ne peut pas faire cela n'importe comment.

- Que s'est il passé ?

- J'émets un doute sur M. Xavier Bertrand homme de la négociation. Sur les retraites, il y a désaccord, sur le temps de travail aussi. (...) On a rencontré le 16 mai les services de M. Bertrand, ils ne nous ont pas parlé du temps de travail. Deux jours après s'est déclenchée une polémique sur le temps de travail. Et M. Xavier Bertrand a décidé de passer outre notre signature. Nous sommes victimes d'un conflit politique de la majorité, c'est dommage.

- Vous vous êtes fait avoir ?

- On veut des syndicats qui se contentent de contester ?

- Ils sont découragés ?

- Les militants de la CGT, comme ceux de la CFDT, que vont-ils dire ? (...) Avec ces responsables politiques là, je ne suis plus sûr de rien. (...) Avec cette décision autoritaire, le gouvernement est en train de rompre une dynamique dans notre pays. (...) Je ne suis pas étonné, c'est le projet du gouvernement. La question que le premier ministre posait : faut-il retirer la durée du travail dans la loi, et que tout le reste se négocie dans l'entreprise ? (...) Alors qu'il nous a demandé de négocier là-dessus, et on lui a dit non. (...) Au passage, je ferai remarquer que c'est le projet du MEDEF, sauf que Laurence Parisot a signé un accord et demande à le respecter.

- La manifestation du 17 juin : il faut un million de personnes ?

- Il faut beaucoup de monde. On est en train de faire en sorte que les mlilitants se mobilisent. Je crois que ce sera de grosses manifestations.

- Quand Xavier Bertrand fait des propositions pour le forfait cadre, il essaie un peu de vous appeler de faire des signaux

- Il essaie de tordre le sujet pour qu'on rentre dedans. Vous dites " il a supprimé le forfait jour ", c'est la fin des heures supplémentaires. Ils viennent de reconnaître que le texte était la suppression des heures supplémentaires. Ils disent aujourd'hui que le forfait jour sera pour les salariés autonomes (...) Sur le fond, c'est pas possible, sur la forme, il essaie de faire rentrer. (...) Il ne nous a pas informés, ce sont les journalistes qui nous donnent les textes de projets de loi pour qu'on sache ce qu'il y a dedans. Sur la forme, il a tout faux M. Bertrand. (...) Il y a beaucoup de mécontentements. Il y a des déceptions sur le pouvoir d'achat, beaucoup de promesses, pas de résultat, surtout beaucoup de flou sur la politique gouvernementale. J'avais dit au président de la République que vouloir tout faire en même temps est anxiogène. Il peut y avoir des réactions fortes de mécontentement. (...)

- Le 17 juin, vous jouez gros quelque part.

- Je crois que certes nous jouons gros le 17 mais c'est notre pays qui joue gros. C'est la France qui joue gros. M. Bertrand a demandé un rapport sur l'Europe sociale qui dit " si la France n'arrive pas à atteindre ses objectifs de développement, c'est aussi parce qu'il y a un gros problème de dialogue social ". (...) Le 17, on va savoir si on entre dans l'ère d'un modernisme syndical.(...)

- Si il y a une manifestation massive, vous appellerez le gouvernement à retirer son texte ?

- Je demande au gouvernement que le 18 il réfléchisse, qu'il laisse négocier les partenaires sociaux, qu'on fasse un vrai diagnostic. C'est ce que je vais aller dire aux députés UMP avec Bernard Thibault. C'est une sortie par le haut, la sortie de l'intelligence.

- Jean-Claude Mailly (FO) a dit : ils ont signé lundi. On a un peu de mal à comprendre. Vous auriez pu suspendre votre signature.

- On a un accord, pourquoi ne pas signer ?

- Vous auriez pu dire : on ne signe pas sur les 35 h ?

- Aujourd'hui, si j'ai un argument, c'est parce qu'on a signé. (...) La partie sur la représentativité dit : les élus du personnel vont passer à l'élection pour avoir leur représentativité. (...) Jean-Claude Mailly a peur qu'on fasse la preuve qu'il n'a pas suffisamment de représentativité dans les entreprises. Deuxième élément : on a décidé la transparence de nos financements et de nos comptes. (...) Qu'est-ce qui fait peur à Jean-Claude Mailly : la transparence, la démocratie ? Moi, cela ne me fait pas peur.

- Quand on signe un accord avec le patronat, on fait de la politique ?

- On a signé un accord sur les heures supplémentaires, on fait notre travail de syndicaliste.

- On a oublié le dossier des retraites ?

- Sur les retraites, qu'est-ce qui empêche FO de manifester avec nous le 17 sur les retraites ? (...) Jean-Claude Mailly dit qu'il faut une grève générale : vous croyez qu'il est sérieux ? (...) On peut se mettre en grève deux heures et on fera deux choses : on défendra le dialogue social, on défendra nos retraites (..)

- Problème de financement des syndicats, comment y remédier ? (question d'un internaute). Y a t-il de l'argent noir, des affaires de voiture de fonction ?

- Qui, comment ? Pourquoi ces personnes ne portent pas plainte ? La CFDT publie ses comptes tous les ans, elle les expertise depuis de nombreuses années, nous n'avons détruit aucun compte depuis des dizaines d'années. On vient de signer un accord qui doit amener la transparence totale et la certification. 1- cotisations des adhérents doivent représenter la majorité des financements des syndicats. 2- On doit avoir des aides de l'Etat qui doivent servir à des actions de ces organismes et il doit y avoir un contrôle de la Cour des Comptes.

- et sur l'affaire de l'UIMM ?

- Depuis le premier jour, je demande aux responsable de dire qui a touché cet argent. On veut avoir la liste pour laver l'affront sur la CFDT

- Comment réagissez-vous à la chute du taux de chômage à 7,2 %

- C'est une bonne nouvelle. Ce n'est pas surprenant parce que depuis 20 ans, on nous dit qu'en 2006, il va y avoir un retournement démographique. La bonne nouvelle est que cet effet démographique a un vrai impact sur l'emploi. (...) Deuxième élément : on a un développement d'une forme de précarisation de l'emploi en particulier parce qu'on a créé beaucoup d'emplois de service. (...) Il nous faut travailler sur la professionnalisation de ces emplois et à ce moment, on aura deux bonnes nouvelles.

- Quelle est votre opinion sur l'Emploi précaire, notamment dans les grande surfaces ? Plus de pouvoir d'achat : est-ce une manière de jouer dans le sens positif ?

- On peut avoir des effets positifs sur le pouvoir d'achat. Mais cette concurrence sur les prix réussit parfois sur le pouvoir d'achat, mais c'est plus d'emploi précaire parfois. (...) Mais il y a des risques de délocalisation des produits français( ...) Il faut avoir une réflexion sur payer les produits au juste prix. (...) Deuxièmement : problème des villes moyennes où on risque de perdre des emplois. (...) Donner plus de pouvoir aux élus locaux sur l'installation de magasins jusqu'à une certaine limite nous semble plus régulateur et protecteur pour le commerce de centre ville. Sur la question du pouvoir d'achat, il ne faut pas avoir une vision que négative. On a des résultats salariaux dans les entreprises. Beaucoup d'entreprises ont dépassé le système de la rémunération individuelle. (..) L'action syndicale paie là où il y a des syndicats. (...) Sur les 24 milliards d'allégements de charges : on préférerait que ces contreparties soient le résultat de la négociation sur les salaires.

- Sur les niches fiscales qui profitent aux hauts revenus : faudrait-il essayer de trouver un accord pour limiter les rémunérations des grands patrons ?

- Quand j'entends quelqu'un gagner 1 ou 2 millions par an, je me demande comment ils ont besoin d'avoir autant d'argent pour vivre. Il y a des chiffres astronomiques qui dépassent la raison. Il faut un comportement plus social dans les entreprises. (...) Alcatel, on apprend que Mme Russo est en train de négocier un parachute doré. (...) Il faut que la rémunération des chefs d'entreprises soit liée aux résultats de leur entreprise. (...)

- Que se passe t-il avec Nicolas Sarkozy ?

- Le mécontentement ne se manifeste pas uniquement vis à vis du président de la République. Je suis très précis dans ma demande : le 18 mai, le conseil des ministres, c'est lui qui le préside, il a la possibilité de dire qu'il dissocie les deux parties du texte de loi.

- Beaucoup ont dit qu'il allait se comporter comme Mme Thatcher.

- On est face à un vrai changement. Le fait que le président de la République se soit approprié la loi sur le dialogue social, c'était un changement majeur dans notre pays. On le doit en particulier au président de la république qui a accepté de jouer le jeu. (...) C'est la raison pour laquelle j'alerte sur l'importance de la décision qui va être prise. (...) Ce sera un retour en arrière.

- Xavier Bertrand a fait passer un certain nombre de réformes.

- J'ai été sévère sur les régimes spéciaux. Lorsqu'il y a eu le débat sur les régimes spéciaux, j'avais appelé à la reprise du travail parce que M. Bertrand s'était engagé, sur le problème des polypensionnés, à traiter ce problème dans la réforme globale des retraites. Quand on y arrive, plus de problème de polypensionnés. (...) Il dissocie trop les choses. Oui, il y a eu un effort de dialogue sur les régimes spéciaux, ce serait bien qu'il s'en souvienne sur le régime des retraites.

- A propos de François Fillon, c'est une habitude chez lui de vous entraîner sur des choses que vous n'avez pas envie de faire ?

- La France y a gagné. Peu importe les conflits qu'on peut avoir par ailleurs. Il y avait des contreparties à ces 40 ans. M. Bertrand a prolongé l'histoire des carrières longues. On avait augmenté le minimum retraite. Aujourd'hui, M. Fillon oublie qu'on ne peut pas faire une réforme sans contrepartie. Je crois qu'il devrait reprendre la méthode de 2003 sous M. Raffarin

- Il était premier ministre quand vous vous êtes retrouvé en porte-à-faux.

- M. Fillon doit entendre que quand on demande aux gens de faire des efforts, il faut des contreparties.

- En voulez-vous à Jean-Claude Mailly de ne pas vous soutenir sur les 35 h ? (question d'un internaute)

- Jean-Claude Mailly fait ce qu'il veut. S'il a envie de laisser les salariés dans des organisations du travail sur lesquelles on n'aura plus de responsabilité, il a le droit d'y aller. (...) Il ne veut pas la réforme sur la représentativité.

- On se demande pourquoi les syndicats ne sont pas suffisamment représentatifs Tenez-vous compte du fait que la droite a gagné sur le plan idéologique ?

- Je ne reproche pas à un gouvernement de vouloir réformer. Quelle était la bonne méthode sur les 35 h : que le gouvernement nous laisse expliquer aux députés pourquoi on souhaite qu'ils soutiennent notre engagement

- Vous avez dit c'est la France qui joue gros : vous parlez de conditions de travail, de la santé. Mais la priorité des priorités, c'est que les entreprises restent en France, et vous allez trop lentement.

- Dans le projet de loi de Xavier Bertrand, il dit : je change la loi à partir de 2010. Lui aussi se rend compte qu'il ne peut pas faire les choses du jour au lendemain. Dans l'accord, on permet aux entreprises d'aller beaucoup plus loin par la négociation. (...)

- Les 35 h ne sont elles pas revenues comme un boomerang à cause de la mondialisation ?

- Avec le projet de loi du gouvernement, c'est effectivement cela : la possibilité de travailler 44 h par semaine toutes les semaines , 282 jours par an. On veut concurrencer qui avec ça ? Ce n'est pas possible. Le temps de travail moyen par salarié en Europe est le même dans tous les pays européens. En France, on a fait une loi trop autoritaire sur les 35 h, on l'a toujours dit. En Angleterre, 21 % des salariés vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Sauf que la répartition n'est pas la même. (..) En France, on a un problème avec l'entrée des jeunes et le maintien des seniors.

- L'offre valable d'emploi : la CFDT a dit que c'était un projet injuste.

- Un chômeur a le devoir de reprendre le travail, mais quel emploi ? Il faut qu'on ait les mêmes règles pour tous les chômeurs. On a proposé que dans ce système de droits et de devoirs, que la personne qui cherche un emploi passe un contrat avec un nouvel organisme, qu'on détermine quel type d'emploi il cherche, dans quel rayon géographique. (...) On veut adapter les exigences à la réalité de chaque demandeur d'emploi (...) C'est ce qu'on avait créé avec le PARE, que le gouvernement Jospin a refusé. (...) Ce qui est terrible dans notre pays, c'est que c'est la loi qui doit tout définir.

- Faut-il régulariser les sans papiers ? Les nouveaux adhérents de l'Est ?

- Les sans papiers qui ont un contrat de travail, qui paient des impôts, doivent être régularisés, ils participent à la richesse du pays. (...) On a critiqué le rapport Attali : il faut organiser la régularisation.

- Et ouvrir aux nouveaux adhérents ?

- C'est normal, ils sont en Europe. L'Europe s'est construite sur la libre circulation des personnes et des biens.

- Krasucki a une place, espérez vous une avenue ? (question d'un internaute)

- On fait cela pour les morts. Laissez moi vivre le plus longtemps possible sans place.

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