Bruxelles souhaite la généralisation des "class actions" en Europe

La Commission européenne vient de publier un ensemble de recommandations en faveur des victimes d'ententes et abus de position dominante. L'introduction de "class actions" dans toute l'Union européenne est préconisée.

Violer le droit de la concurrence pourrait coûter plus cher à l'avenir. La Commission européenne a publié jeudi 3 avril un Livre blanc pour faciliter l'indemnisation des victimes de pratiques anticoncurrentielles. Aujourd'hui, les consommateurs ou les entreprises qui s'estiment lésés n'obtiennent que rarement réparation de leur préjudice. Pourtant la justice européenne a déjà eu l'occasion d'affirmer leur droit à indemnisation. Ce sont "des milliards d'euros chaque année" qui sont perdus, a déclaré Neelie Kroes, commissaire européen à la Concurrence. Les systèmes juridiques nationaux se distinguent en effet par leur diversité. En France, les condamnations sont rendues difficiles par l'exigence d'un lien de causalité direct entre faute et préjudice. L'Allemagne en revanche se montre moins stricte.

La Commission propose un ensemble de recommandations pour garantir dans toute l'Union l'efficacité des systèmes d'indemnisation. Il s'agit de permettre la réparation de l'intégralité du préjudice subi, c'est-à-dire le dommage résultant par exemple d'une augmentation anticoncurrentielle des prix, mais aussi le manque à gagner découlant d'une réduction des ventes. Seule limite: si une entreprise se prétendant lésée a répercuté une hausse de prix sur ses clients, elle ne peut plus prétendre à indemnisation.

La Commission est en particulier favorable à l'introduction d'actions collectives ("class actions"). Celles-ci permettent à ceux qui ont subi individuellement un dommage de faible montant de se regrouper pour agir en justice. Des garde-fous sont prévus pour éviter des dérives à l'américaine: ces actions ne pourraient être engagées que par des associations de consommateurs, organismes publics ou organisations professionnelles autorisées ou par des victimes ayant expressément choisi d'y participer.

Cette proposition s'inscrit dans la réflexion menée plus largement par la Commission sur un renforcement des mécanismes de recours collectifs dans l'Union. Certains Etats membres connaissent déjà ce type de mécanismes quand d'autres, comme la France, n'ont toujours pas sauté le pas.

La Commission propose en outre de faciliter la divulgation des preuves, en général difficiles à obtenir. Les parties à un procès auraient l'obligation de se communiquer, sous contrôle du juge, les éléments de preuve essentiels. Mais pas question pour autant de nuire à la procédure de clémence, très utile pour débusquer les ententes: elle permet au membre d'un cartel d'échapper en tout ou partie aux amendes en échange de la dénonciation de ses "camarades de jeu". Les déclarations des entreprises dénonciatrices en échange d'une clémence n'auraient donc pas à être communiquées à un procès.

Pour faciliter les actions en justice, la condamnation de l'entreprise contrevenante par la Commission européenne ou une autorité nationale de la concurrence devrait également suffire pour prouver l'infraction devant les tribunaux civils. Une réforme des délais de prescription est aussi envisagée. Les victimes pourraient avoir au moins deux ans à partir du jour où une décision définitive constate l'infraction au droit de la concurrence pour demander réparation de leur propre préjudice. Enfin, des lignes directrices non contraignantes pourraient être publiées pour faciliter le calcul des dommages et intérêts par les juges.

Ces recommandations sont désormais ouvertes à consultation jusqu'au 16 juillet. La commission formulera, en fonction des observations recueillies, des propositions concrètes. Neelie Kroes n'exclut pas l'adoption de mesures avant la fin de l'année.

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